Le directeur de l’Ecole Technique de Bubanza reste en fonction malgré les recommandations d’une mission d’audit du ministère de tutelle. Cette dernière a mis à jour le détournement de plus de trois millions de Fbu que l’intéressé a depuis remboursée.
Après son emprisonnement du 11 au 17 juillet au commissariat de la Brigade Anti- Corruption, région ouest, Tharcisse Niyongabo a remboursé la somme de 3.586.192 Fbu qu’il était accusé d’avoir détournée. Mais curieusement, il reste dans ses fonctions de directeur de l’Ecole Technique de Bubanza(ETB).
Tout commence par un conflit avec l’économe de l’ETB. Un fournisseur veut livrer des marchandises à des prix exorbitants alors que l’économe Antoinette Ndikumana maîtrise les prix du marché : « J’ai refusé. Au lieu de m’épauler, le directeur a plutôt soutenu le fournisseur. » Le 16 mai 2011, le directeur demande de l’argent à l’économe, Antoinette Ndikumana sans signer. Celle-ci refuse. Le conflit est désormais ouvert entre les deux.
Ainsi, l’économe reçoit, le 1er juin, une demande d’explication avec neuf chefs d’accusation : irrégularité, absence et manque d’assiduité, insubordination, arrogance, injures, mauvaise collaboration, mensonge, manque de confidentialité, dénigrement et scandale. « C’était une façon de me faire du mal», explique l’économe. La direction provinciale se rend compte peu de temps après que le directeur a détourné des fonds.
Certaines accusations…
Selon une enquête de la direction provinciale de Bubanza et deux auditeurs du ministère de tutelle, Tharcisse Niyongabo a d’abord détourné 2.160.000 Fbu restés sur les frais de stage des élèves. Il aurait en outre demandé un montant de 640.000 Fbu avec des signatures fictives pour prétendus 16 indigents. L’on parle également de la disparition de 550.000 Fbu accordé par le Fonds National d’Investissement Communal (FONIC) à titre de sponsoring.
Il est accusé aussi d’avoir bénéficié doublement de frais de mission pour la journée sportive, à Ngozi, équivalant à 75.000 Fbu. Il serait également fournisseur des vivres de l’école. Il aurait aussi détourné 335.000 Fbu perçus sur les frais des encadreurs de stages. Le même rapport parle d’un montant de 12 millions de Fbu dont l’utilisation reste confuse. Transmettant le rapport d’audit au ministre de tutelle, le 23 juin 2011, l’équipe de la DPE Bubanza avait recommandé « des mesures administratives. »
Contacté au sujet de ces accusations, le directeur de l’ETB a accepté de réagir et a fixé un rendez-vous à Iwacu. Mais à l’heure venue, nous l’avons appelé à plusieurs reprises; mais il a refusé de décrocher son téléphone. Puis il l’a éteint.
« Il doit être poursuivi »
Selon le ministre de l’enseignement de base et secondaire, Séverin Buzingo, la question est connue de son cabinet. Mais, ajoute-t-il, « je ne peux pas décider sur base de rumeurs. »
A son tour, Léonidas Havyarimana, commissaire général de la Brigadespéciale anti- corruption indique que le dossier a déjà été transmis au parquet général. Il précise que « c’est à ses autorités hiérarchiques de décider de sa suspension. » Et d’ajouter que même s’il a remboursé l’argent détourné, il doit être poursuivi, car « la réparation du préjudice causé n’arrête pas l’action pénale. »
Selon Maître Prosper Niyoyankana, l’infraction ayant été commise et la poursuite engagée, la loi prévoit la suspension immédiate de ses fonctions.
« Une bombe à retardement »
Selon un enseignant de l’ETB, après sa libération, le directeur a trouvé une stratégie : « Aujourd’hui, il brandit qu’il est menacé de mort par un groupe de tutsi et le DPE Bubanza. » D’après lui, c’est une façon de distraire l’opinion pour qu’elle ne se penche plus sur son affaire de détournement de fonds. Pour cet enseignant, Tharcisse Niyongabo menace de sanctionner certains membres du personnel « qui ont dansé quand il a été emprisonné. » Si le ministre n’agit pas vite, cette affaire constitue une bombe à retardement, conclut-il. J.C B
Deux poids deux mesures ?
Le directeur de l’ETB a avoué l’infraction en remboursant l’argent. Il est maintenu à son poste malgré la véracité de l’infraction qui pèse toujours sur lui. Or, selon une source à Bubanza, le directeur du collège communal Murengeza(dans la même province), a été révoqué de la fonction publique pour détournement de 50 mille Fbu.
Des cas similaires se sont produits à la Sosumo, l’OTRACO, l’OBR, etc. Certains agents ont été emprisonnés pour détournement de fonds. « De quel privilège jouit donc Tharcisse Niyongabo ? », se demandent les fonctionnaires à Bubanza. Cela fait deux poids deux mesures. Selon un parent qui a requis l’anonymat, les élèves qui assistent à cette impunité pourraient banaliser le détournement des biens publics. Il appelle le ministre Buzingo à prendre les choses en mains avant que l’eau ne déborde le vase.