Il y a un mois, Philippe Nkeramihigo, administrateur de la commune Muyinga, a pris une série de mesure visant à « remettre sur les rails » l’éducation des jeunes filles. A travers un communiqué, il a annoncé des restrictions qui touchent particulièrement les jeunes filles élèves.
Jupe courte, collant et pantalon dit déchirés. Interdit pour les jeunes filles de Muyinga. Se balader en duo (une fille et un garçon) après 18h ou se replier dans la nature pour revoir ses cours. Interdit aussi. Avec ses restrictions, l’administrateur se dit décider à combattre la mauvaise éducation qui s’observe dans sa contrée.
M. Nkeramihigo justifie toutes ces mesures par l’augmentation d’abandon scolaire due aux grossesses non désirées et la dépravation des mœurs.
« Avant de prendre ces mesures, nous avons fait une réunion avec tous les chefs de zone et les comités mixtes de sécurité. Nous avons déduit que les parents étaient dépassés et que nous devions prendre les choses en main.» L’administrateur trouve inadmissible qu’une élève possède un téléphone d’une valeur de trois cents mille alors que la situation financière de ses parents ne le permet pas.
« Depuis que je suis dans le secondaire, c’est mon habitude d’aller dans la nature pour bien réviser. Maintenant je suis obligé de trouver un autre moyen pour me concentrer », se plaint Nousra Hakizimana (pseudo) élève à l’école la connaissance. Cette pratique est très populaire en milieu scolaire à l’intérieur du pays. L’administration communale pense qu’il sert de prétexte pour des rencarts entre jeunes filles et jeunes garçons.
« Quand le muezzin lance son appel à la prière, c’est aussi un signe à tous jeunes filles et garçons encore en balade de regagner le bercail », ironise Yussuf habitant du quartier swahili. Pour lui, dire que même une jeune fille et un garçon non élève soient à la maison à 18h, est une exagération. Du coup, certains non élèves semblent faire fi de cette mesure. Il n’est pas anodin de voir deux jeunes gens, une fille et un garçon, circulaient dans le quartier swahili au-delà de 18h.Cependant, la majorité a peur et se terre à la maison dès 17h 45.
Abdallah Issa, Le directeur de l’Ecole la connaissance, un établissement privé situé dans le quartier Gasenyi, estime que cela vient les renforcer en quelque sorte dans leur travail quotidien. «Nous ne cessons d’appeler nos élèves à bien s’habiller. Et d’ajouter : « A part les abandons scolaires dus à la pauvreté, ceux liés aux grossesses se sont multipliés ces dernières années.»
Une mesure saluée mais…
Amrani Kubwimana, un motard vivant dans le quartier Gasenyi, salue ces décisions. Selon lui, la débauche chez les jeunes avait atteint son paroxysme dans la ville de Muyinga. Il rappelle que les choses ont commencé à s’empirer avec l’exploitation de l’or à Butihinda en 2009. « Les orpailleurs ont commencé à appâter les jeunes filles avec de l’argent qui coulaient à flot. Et depuis les choses se sont empirées de plus en plus », fait-il savoir. Néanmoins, il craint pour sa mise en oeuvre. En effet, ce sont les comités mixtes de sécurité qui surveille sa mise en application. En réalité, selon lui, les gens qui les composent sont des jeunes affiliés aux partis au pouvoir(Imbonerakure).Il souhaite que les forces de l’ordre soient les seuls à surveiller pour éviter des dérapages.
Juma Irabakina, conducteur de taxi vélo, est membre du comité mixte de sécurité. Contrairement à Kubwimana, il assure que les forces de l’ordre sont pleinement associées. «Le chef de zone, le chef de quartier, les Imbonerakure et les policiers travaillent de concert pour faire respecter les décisions de l’administrateur ».
« Nous avons la consigne d’arrêter le contrevenant à ces mesures. Puis de téléphoner le conseiller collinaire qui s’occupe de le remettre à la police », indique Asman Miburo, autre membre du comité mixte de sécurité. Quel est alors le sort réservé aux désobéissants ? Pour l’heure, M. Miburo dit ignorer le châtiment que les autorités réservent aux transgresseurs.
Pour l’heure, aucune arrestation n’a encore été signalée. Chaque semaine, les chefs de quartiers ont l’ordre d’enregistrer les cas d’abandons scolaires et de grossesse observés. « Comme ça, après un certain temps nous pourrions évaluer si nos décisions ont été efficaces. », fait savoir l’administrateur.