Depuis que le conseil national de la jeunesse au Burundi (CNJB) a été mis en place en 2008, il n’a jamais été régi par une loi. Eraste Nzosaba, son président sortant, fait un panorama des défis qui ont entravé son action. Les associations des jeunes parlent d’un conseil sans vision ni mission claire.
Les principaux défis relevés par Eraste Nzosaba, président sortant du CNJB depuis 2016, sont liés au manque de cadre légal et de moyens financiers depuis son existence : « Le CNJB n’a pas de cadre légal. Nous avons fait une proposition pour qu’il ait une loi le régissant mais tous les ministres qui se sont succédé n’ont pas affiché la volonté de le faire. Nous avons même adressé une correspondance au ministre actuel mais rien n’a été fait. »
Il a déploré ce manque de volonté politique qui bloque tout partenaire technique et financier potentiellement intéressé à transformer ce conseil en un interlocuteur sur des questions de la jeunesse burundaise. « Le conseil national de la jeunesse au Burundi est mal organisé au même titre que celui du Soudan du Sud dans toute la Communauté est-africaine. Par conséquent, ce manque de cadre légal nous empêche de nous représenter au conseil régional de la jeunesse », regrette M. Nzosaba.
Il indique que le conseil n’a qu’un budget de 14 millions de BIF par an pour organiser trois ou quatre séminaires. Il ne dispose pas d’autonomie de gestion ni d’indépendance. Cet argent reste sur le compte du ministère en charge de la Jeunesse. C’est lui, a-t-il précisé, qui décide de ce qui peut être fait avec cet argent.
Un autre défi de taille, les membres du conseil n’ont droit à aucun salaire ou rémunération. « De ce fait, ils accordent peu de temps sur des problèmes qui hantent la jeunesse. C’est d’ailleurs la première fois qu’ils terminent leur mandat. Les autres avaient jeté l’éponge en cours de mandat », a-t-il relevé. Il a demandé que cette situation change pour l’intérêt supérieur de la jeunesse.
Les seules réalisations dont il se réjouit sont le rapprochement des jeunes après les manifestations et la crise politique de 2015. Il parle également de la participation de ce conseil dans la commission nationale qui était chargée de préparer la Constitution de 2018. Il a également rappelé que sous sa présidence du conseil national pour la jeunesse au Burundi, le gouvernement a mis en place le Programme d’Autonomisation Économique et d’Emplois des Jeunes (PAEEJ) et la Banque d’investissement des jeunes.
« Un conseil mis en place pour des fins politiques et électoralistes »
Même si le processus d’élection de nouveaux organes du conseil national de la jeunesse du Burundi est en cours, ce dernier n’a pas de cadre légal. C’est la déclaration d’Eraste Nzosaba, président sortant du CNJB lors d’une conférence de presse du mardi 1er février. Selon lui, même la tranche d’âge considérée pour les candidats pose problème.
Les élections proprement dites pour la mise en place de nouveaux organes du CNJB doivent se tenir avant la fin du mois de février 2022. Eraste Nzosaba note déjà des irrégularités. D’après lui, la tranche d’âge considérée par la commission chargée des élections n’est pas adéquate : «C’est incompréhensible de représenter la jeunesse à 40 ans. Cela constitue même un frein à la participation dans les organes internationaux. »
Un jeune entrepreneur de la zone Bwiza, commune Mukaza, parle d’un conseil créé sans que les concernés soient consultés. « Il a été mis en place pour des fins politiques et électoralistes. Il n’existe que de nom. Pas de loi portant composition, missions, organisation et fonctionnement dudit conseil. Les organes n’ont pas de cahier de charge et n’ont pas de compte à rendre. Il est vidé de sa substance », s’indigne-t-il.
Même son de cloche chez Eric Nsengiyumva, président de l’Association de la jeunesse africaine progressiste (AJAP). Il note avec regret que les organes du CNJB n’ont rien réalisé durant leur mandat : « C’est un conseil qui n’a pas de cadre légal et les organes n’ont pas de cahier de charge. Ils ont été associés à la commission qui a préparé la Constitution du Burundi de 2018 mais n’ont jamais donné des propositions régissant le conseil national de la jeunesse. Aucune disposition de la Constitution de la République ne parle spécifiquement de la jeunesse. C’est un conseil qui n’est pas digne de ce nom.»
Le président de l’AJAP déplore l’inexistence de cadre d’échange et de réflexion de la jeunesse. Pour lui, le CNJB ne défend jamais les intérêts des jeunes car même avant sa mise en place, les jeunes n’ont pas été consultés. « Si réellement ce conseil est mis en place pour défendre nos droits, pourquoi nous ne sommes pas associés et consultés en tant qu’associations des jeunes ? », s’insurge-t-il.
Eric Ndayikengurutse, coordinateur national des associations des jeunes en action (REJA), fait le même constat amer : « Le conseil national de la jeunesse du Burundi n’est pas considéré au même titre que d’autres conseils et commissions nationaux connus. Il n’est pas régi non plus par la loi sur les associations sans but lucratif (ASBL). Bref, il n’y a pas de cadre légal et juridique qui retrace leurs droits, devoirs et cahier de charge de chaque membre. Leurs actions devraient se mener dans un cadre précis. Ce n’est pas le cas.»
Il estime que les dispositions légales permettraient au CNJB d’avoir des moyens financiers alloués par le gouvernement pour les problèmes qui hantent la jeunesse. M. Ndayikengurukiye regrette le fait que les jeunes soient exclus lorsqu’il s’agit de mettre en place les organes censés les défendre. Il appelle le ministère en charge de la Jeunesse à fournir des efforts pour que le conseil apporte des résultats escomptés.
Iwacu a tenté de contacter, sans succès, le ministère des Affaires de la Communauté Est-Africaine, de la jeunesse, des Sports et de la Culture pour s’exprimer sur ces appréhensions.