Jean-Pierre Mugengana, logisticien au Pnud, a été emprisonné le 7 décembre 2012 au commissariat de la police judiciaire. Il est accusé d’avoir volé 2800 tôles. Flou sur cette affaire.
Avec un regard plein d’amertume, Jean-Pierre Mugengana lâche : « Je n’arrive pas à croire qu’une boîte que j’ai servi pendant 12 ans me traite de la sorte. » Il a passé 24 heures derrière les barreaux au commissariat de la police judiciaire des parquets en mairie de Bujumbura. Sur ordre d’un officier supérieur chargé des affaires criminelles au commissariat de la police judiciaire.
Les faits remontent au 6 décembre. Alors que Jean-Pierre Mugengana se trouve à son travail, il reçoit un appel du commissaire qui lui demande de passer à son bureau. M. Mugengana s’y rend, mais le commissaire lui demande de passer le lendemain à 8h15.
L’arrestation
Vendredi 7 décembre, à l’heure convenue, Jean-Pierre Mugengana est reçu par le commissaire dans son bureau. Ce dernier ne tarde pas à l’accuser d’avoir détourné 2800 tôles du Pnud en octobre 2011.
Un certain Leonidas Sabimbona, chauffeur du programme réintégration, présent dans ce bureau, confirme que Jean-Pierre Mugengana a détourné un camion plein de tôles à la date citée. « Il a affirmé devant le policier que ce camion partait de l’entrepôt CISNU vers une destination inconnue », confie M. Mugengana.
Le logisticien tente d’expliquer que ces tôles ont disparu, alors qu’elles se trouvaient dans un stock au quartier ONU 3 en commune urbaine de Kinindo et non le jour où elles y ont été déposées. Mais le policier le met dans un cachot. La police refuse à ses proches de le voir : « je n’ai pas pu parler à ma femme. Ils ont même refusé de me donner la nourriture qu’elle m’a amenée », confie toujours M. Mugengana. Dans la foulée, Mme Carlotta, conseillère juridique au Bnub, venue suivre de près le dossier, n’est pas non plus écoutée par le commissaire.
« Ce vol s’est produit au quartier Onu3 »
Au bout de 24 heures, Jean-Pierre Mugengana est libéré. Ce qui l’attriste, indique-t-il, ce que le policier n’a pas voulu écouter sa version des faits. Il indique que lorsqu’il a déposé les tôles dans ce stock en octobre 2010, cinq agents de la société de gardiennage Vigiles lui ont signé un document de réception de ces tôles. « Cela montre que le vol s’est produit au quartier ONU3 », explique-t-il.
Par ailleurs, il fait part de son étonnement sur le fait qu’il a été le seul à être emprisonné : « Le programme réintégration avait réceptionné 21840 tôles qui par la suite ont été stockées au quartier Onu3 sous la responsabilité d’Ernestine Mosozi. Les agents de Vigiles ont confirmé l’arrivée de ces 21840 tôles et signé dans le registre de réception. Léonidas Sabimbona, mandaté par Ernestine pour la réception et le stockage de ces tôles, a signé une décharge confirmant mes propos. »
Iwacu a essayé de contacté Ernestine Mosozi, sans succès. Toutefois, elle a déclaré au journal en ligne Net Press, paru le 12 décembre, que Jean-Pierre Mugengana est allé distribuer des tôles, mais arrivé au dépôt, la quantité qu’il devait fournir aux partenaires n’était pas suffisante.
Même son de cloche chez Amadou Maiga, directeur-pays adjoint du Pnud chargé des opérations au Burundi. Lui aussi a déclaré à nos confrères de Net Presse qu’il y a eu vol dans les propres magasins du Pnud et que la perte a été enregistrée du côté de la logistique sous la responsabilité de Jean-Pierre Mugengana. Cependant M.Maiga a assuré que le Pnud n’a jamais porté plainte contre son employé.
Pour sa part, le commissaire Elie Bizindavyi, porte-parole de la police, affirme que la procédure a été respectée dans cette affaire : « Nous avons commencé les enquêtes grâce à une plainte de la société de gardiennage Vigiles. » Une source proche de la police affirme que les responsables de cette société ont porté plainte de peur d’être accusés d’être responsable de ce vol.
Des zones d’ombre
Quant au traitement inhumain dont M.Mugengana se dit avoir été victime, le porte-parole de la police affirme que c’est plutôt sa femme qui a refusé de donner la nourriture et le matelas aux policiers de garde pour que ceux-ci les lui donnent : « Elle a insisté pour qu’elle les lui remette elle-même. Les policiers ont refusé et elle est repartie. »
Contacté, Sameja Zahir, responsable de cette société, confirme qu’ils ont porté plainte. Selon lui, c’est suite à la révélation d’un vol par Jean-Pierre Mugengana et une femme qu’il a décidé d’en informer la police. Il attend les résultats des investigations de la police. Pourtant M. Mugengana nie avoir rapporté un quelconque vol auprès du responsable de Vigiles.
En tout état de cause des zones d’ombre persistent. Pourquoi le Pnud ne veut pas ouvrir une enquête à l’interne malgré l’insistance de Jean-Pierre Mugengana ? Pourquoi cette organisation ne porte pas plainte à la police ? Pourquoi la société vigiles a attendu deux ans après les faits pour porter l’affaire devant la justice ? Qui cherche-t-on à protéger ? Que cache-t-on ?
Actuellement, Jean-Pierre Mugengana a repris son travail mais il demande que son nom soit réhabilité et que lumière soit faite autour de ce dossier. C’est la moindre chose, selon lui, après 12 ans passés au Pnud.