Lors d’une visite conjointe des projets Tubehoneza et Tubungabunge Isi Ndimwa, organisée par l’Union européenne avec le ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage ce 1er décembre, les bénéficiaires se sont dits satisfaits des réalisations de ces programmes. Ils demandent plus d’appui pour relever certains défis.
Parmi les activités réalisées dans le cadre du projet d’appui à la résilience communautaire dans le Buyenzi (PRARECOM)-Tubehoneza, il y a la construction d’un hangar de stockage et d’un centre de production des poussins dans la commune Muruta en province Kayanza au nord du Burundi.
Financé par l’Union européenne à hauteur de 4 877 358 d’euros, ce projet vise à contribuer à la réduction durable de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition en améliorant la production agricole et en renforçant les moyens de subsistance de plus de 2 millions de personnes. Il est mis en œuvre dans les provinces de Kayanza et Ngozi. Plus de 200 mille personnes ont bénéficié de ce projet.
Selon Déo Nduwayezu, responsable du centre de production des poussins et bénéficiaire du programme Tubehoneza, l’appui de l’Union européenne a considérablement contribué dans le développement de l’aviculture dans la commune Muruta.
« L’Union européenne nous a aidés à construire ce centre avicole. Ils nous ont également donné des formations dans l’aviculture et ont formé des aviculteurs qui s’approvisionnent ici ».
Selon lui, ce centre a une capacité d’incuber environ 2 mille œufs : « Pour le moment, nous avons 500 poussins disponibles et qui peuvent être vendus tout de suite. Des clients viennent passer leurs commandes chaque jour. » Et de déplorer que le centre reste petit pour contenir une grande production de poussins.
Pour lui, contracter des crédits auprès des banques reste un défi majeur à relever : « Nous avons de grandes visions pour développer l’aviculture, mais n’avons rien comme hypothèque pour demander des crédits ».
Pour l’aviculteur, Lucien Sinzinkayo, ce centre de production des poussins est venu au moment opportun : « Avant ce centre, je ne pouvais pas pratiquer l’aviculture moderne. J’y ai acheté 50 poussins. Pour le moment, je peux collecter plus de 30 œufs par jour.»
Il se réjouit que la nourriture des poussins soit aussi disponible dans ce centre. Il témoigne avoir déjà acheté 4 porcins avec l’argent gagné dans la vente des œufs. Dans l’avenir, Lucien Sinzinkayo prévoit vendre certains porcs pour acheter une vache.
La vie s’est nettement améliorée pour sa famille : « Je peux facilement obtenir 70 mille BIF par semaine avec la vente des œufs. Avant, c’était impossible de gagner une telle somme d’argent ». Et de remercier ce centre et l’appui de l’Union européenne.
La gestion de la récolte et la bonne nutrition renforcées
A côté de ce centre de production des poussins, il y a un hangar de stockage construit sous le financement de l’Union européenne. Pour Marie-Chantal Ntahomvukiye, habitante de la commune Muruta, ce hangar est une solution pour les problèmes de stockage auxquels faisait face la population de cette localité.
Elle soulève des conflits conjugaux suite à la mauvaise gestion de la récolte avant la construction de ce hangar : « Avec ce hangar, la gestion de la récolte est bonne. Il nous a aidés à protéger la récolte et à mieux conserver les semences ».
Le responsable de ce hangar fustige qu’il n’est pas à la taille des besoins de la commune. « Nous récoltons une très grande quantité de pommes de terre alors que ce hangar ne peut contenir que 50 tonnes. Il y a un besoin de l’agrandir ou construire un autre ».
Dans la commune Ngozi en province Ngozi, la société Girubuzima fabriquant la farine de bouillie marque la différence après avoir été appuyé par le programme Tubehoneza.
« J’ai commencé par produire 40 kg de farine de bouillie. Grâce au projet Tubehoneza, la production est multipliée par quatre », indique Goreth Sinankwa, fondatrice et propriétaire de cette société.
Elle témoigne avoir reçu beaucoup de matériels nécessaires pour la préparation de la farine de bouillie ainsi que des formations à travers le même programme.
Pour Mme Sinankwa la vie de sa famille a positivement changé suite à l’appui du projet Tubehoneza : « Avant, je demandais toute chose à mon mari. Après l’appui de ce projet, la production a augmenté. Mes enfants ont tous étudié dans de bonnes écoles. La preuve en est que le directeur de ma société est mon fils aîné.»
Cependant, le manque d’électricité reste une contrainte pour cette usine de production de la farine de bouillie. Goreth Sinankwa regrette que son usine n’ait pas encore rempli toutes les normes exigées par le bureau de normalisation et de contrôle de qualité (BBN). Et de demander l’alimentation en électricité de son usine.
La population rurale mobilisée pour la fertilité du sol
En plus du projet Tubehoneza, la délégation de l’Union européenne et le ministère de l’Agriculture et de l’Elevage ont visité les zones d’exécution du projet Tubungabunge Isi Ndimwa visant à améliorer la fertilité des sols et leur rentabilité.
Financé à hauteur de 8,05 millions d’euros, ce projet couvre 392 collines réparties dans 28 communes 5 provinces (Karusi, Kayanza, Ngozi, Ruyigi et Cankuzo). Ses bénéficiaires sont constitués de 70 mille exploitations agricoles familiales (attention particulière aux femmes et jeunes ruraux), 7 mille agriculteurs pilotes, le personnel des organisations locales ainsi que les agents des BPEAE (bureau provincial de l’environnement, de l’agriculture et de l’élevage).
Pour Térence Butoyi, agriculteur de la colline Nyabizinu en commune Busiga province Ngozi, l’appui du projet « Tubungabunge Isi Ndimwa » a amélioré les conditions de vie de sa famille.
« Ce projet m’a formé pour pratiquer l’agriculture de qualité et préserver la fertilité du sol. On m’a enseigné de tracer des courbes de niveau pour lutter contre l’érosion ».
Il explique que l’érosion détruisait ses champs avant l’intervention de ce programme : « Avec ce projet, je peux contenir tous ces eaux avec des courbes de niveau et les utiliser favorablement ».
Selon lui, la récolte a considérablement augmenté : « Cela fait deux ans que je suis bénéficiaire de ce projet. Avant, je pouvais récolter environ 40 kg de haricots. Pour le moment, je récolte entre 400 et 500 kg de haricots ».
Suite à l’appui de ce programme, il confie avoir déjà acheté une vache et 5 porcs, ce qui l’aide à prendre en charge sa famille de 5 enfants.
Non loin du ménage de Térence, son voisin fabrique la fumure organique à base de la matière verte avec l’appui du programme « Tubungabunge Isi Ndimwa ».
Selon l’agronome Louis Hakizimana, les outils utilisés dans la fabrication de cette fumure ont été octroyés par l’ONG Adisco à travers l’appui de ce programme financé par l’Union européenne.
« Cette fumure est très fertile. Les cultures fertilisées par cette fumure donnent un rendement favorable par rapport aux autres. Elle a de l’azote, ce qui fait que les plantes restent vertes jusqu’à la récolte », indique-t-il.
Il déplore qu’il y ait un seul producteur de fumure organique sur toute la colline ayant plus de 500 ménages, ce qui fait que tous les ménages ne soient pas fournis.
Selon lui, cette initiative de production de fumure organique fait encore face au défi financier : « Nous comptons faire une extension sur d’autres collines, mais nos moyens sont limités. Nous travaillons dans des projets qui prennent fin ».
« Les besoins de la population rurale en sécurité alimentaire sont énormes »
Le chef de délégation de l’Union européenne au Burundi, Claude Bochu, se dit très satisfait des réalisations des deux projets visités. Pour lui, les besoins de la population rurale en sécurité alimentaire et nutritionnelle et en perspectives de croissance, sont énormes : « Les ressources naturelles dont elle dépend se sont déjà fort dégradées et ne sont pas infinies. Les moyens mis à disposition par les différents partenaires au développement sont considérables, mais sans doute insuffisants pour répondre à tous ces besoins et défis ».
Pour maximiser les impacts attendus au niveau des bénéficiaires finaux, le chef de délégation de l’Union européenne au Burundi recommande entre autres la coordination de tous les intervenants dans les secteurs du développement rural et de l’environnement ainsi que l’harmonisation des approches d’interventions auprès de la population bénéficiaire.
Il rappelle que l’Union européenne et ses Etats membres présents au Burundi ont toujours accordé une grande priorité à l’appui aux secteurs de l’agriculture, de l’élevage et de l’environnement.
Selon le ministre de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage, Sanctus Niragira, beaucoup de réalisations allant dans le sens d’améliorer le bien-être de la population sont satisfaisantes.
Pour lui, il existe encore des pratiques à améliorer. Parmi les points à améliorer, il souligne notamment l’accompagnement des producteurs dans l’augmentation de la productivité dans leurs champs, l’augmentation de la taille des hangars pour servir toute la localité, la réduction du nombre d’agences d’exécution pour une même activité s’exécutant dans une même localité ainsi que l’accompagnement des unités de transformation à la certification de leurs produits.
En outre, il fustige la non corrélation entre les réalisations et les montants alloués à ces projets : « Les sommes investies dans le secteur de l’environnement, agriculture et élevage sont colossales, mais le développement dans ce secteur n’est pas vraiment conséquent. Cela est un défi à relever ».
Pour plus d’efficacité et d’efficience des interventions, Sanctus Niragira recommande une concertation pour recadrer l’orientation de tous les efforts : « Il y a des interventions multiples qui peuvent être mises ensemble pour produire quelque chose de grandiose qui pourrait avoir des effets induits ».
Signalons qu’après la visite conjointe, le 2 décembre, un atelier d’orientation et de planification sectorielle entre l’équipe Europe et le ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage, a été organisé.
Au cours de ces 5 dernières années, l’Union européenne a financé des projets dans le secteur de l’environnement, développement rural et nutrition pour un montant de plus de 75 millions d’euros et plus de 91 millions d’euros en phase d’instruction.