Une année après le début de la crise, gouvernement et organisations des droits de l’Homme se livrent à une guerre de chiffres. Et d’auteurs aussi.
«823 personnes ont été exécutées et plus de 600 personnes portées disparues depuis le 26 avril 2015 au 15 avril 2016.», indique Pierre Claver Mbonimpa, président de l’Aprodh. D’après lui, plus de 4800 personnes sont dans les différentes prisons du pays uniquement pour mobiles politiques liés au 3ème mandat de Pierre Nkurunziza et plus de 1870 personnes ont été grièvement blessées et ont pris le chemin de l’exil de peur d’être achevées.
Quant au rapport 2015 de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH), il fait état de 381 personnes tuées depuis le mois d’avril jusqu’en décembre 2015. Durant cette année, la CNIDH a aussi enregistré au total 27 cas d’allégation de torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. La CNIDH rapporte également 25 cas d’atteintes au droit à la vie et 24 cas d’enlèvements. Au cours de l’année 2015, la CNIDH a enregistré 19 cas d’enlèvement ou de disparition forcée. La CNIDH a enregistré 14 cas d’allégations d’atteintes à l’intégrité physique, « dont 12 qui relèvent du harcèlement attribuable aux autorités pour intimider les victimes pour des mobiles politiques ou pour les empêcher de porter plainte contre les auteurs présumés.»
La police et le SNR épinglés par plusieurs organisations
Lors de la présentation du bilan du 1er trimestre 2016, le ministre de la Sécurité publique, Alain Guillaume Bunyoni, parle de 115 attaques à la grenade dont 112 sur Bujumbura, 46 civils tués, 215 blessés dont 8 policiers et 2 militaires. Des assassinats ciblés notamment contre 3 officiers de la FDN (Force de défense nationale), d’un officier et d’un agent de la police nationale et de deux conseillers collinaires.
Selon le ministre de la Sécurité publique, Alain Guillaume Bunyoni, 28 bandes armées ont été démantelées et 698 ‘’criminels’’ ont été appréhendés parmi lesquels 150 lanceurs de grenades. Il a mentionné la saisie de 117 fusils, 121 grenades, 10 bombes de mortier 60, 3 lance-roquettes, 4 mines et plus de 5.000 munitions. Le ministre de la Sécurité Publique indique que 35 ‘’terroristes’’, « opérant sous les ordres d’Alexis Sinduhije, Godefroid Niyombare et Hussein Radjabu hébergés et appuyés par le Rwanda », se sont rendus aux mains des forces de l’ordre.
Concernant ce bilan du ministre Bunyoni, Pierre Claver Mbonimpa trouve que le ministre de la Sécurité publique a donné un chiffre inférieur à la réalité et «qu’il l’a fait sciemment pour dissuader l’opinion.» Selon lui, l’Aprodh a identifié 108 personnes exécutées au cours du 1er trimestre 2016.
Et les cas de torture qui galopent, selon l’ONU. «Depuis le début de l’année, mon équipe a enregistré au moins 345 nouveaux cas de torture et mauvais traitements.», déclare Zeid Ra’ad Al Hussein, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, dans un communiqué de ce 18 avril. Il pointe du doigt les forces de sécurité gouvernementales. Il affirme que quelques 595 personnes ont été victimes de torture ou de mauvais traitements depuis avril 2015. «Un chiffre qui est probablement une sous-estimation.»
Selon le Haut-Commissaire, la torture et les mauvais traitements ont principalement lieu au moment de l’arrestation, lors de l’arrivée dans le lieu de détention ou pendant la détention elle-même, notamment dans les locaux du Service national de renseignements (SNR), de la police et, dans une moindre mesure, de l’armée. Ce que rapporte aussi la CNIDH. «Il ressort des investigations menées par la CNIDH que ces actes se commettent généralement dans le cadre des opérations d’arrestation ou pendant les gardes à vue.»
Zeid Ra’ad Al Hussein souligne que lors d’une visite par une équipe du Haut-Commissariat dans les locaux du SNR à Bujumbura la semaine passée, 30 des 67 personnes détenues présentaient des signes de torture physique.
Selon Pierre Claver Mbonimpa, le Service national de renseignements (SNR) a instauré, depuis juin 2015, des lieux de détention clandestins dans tout le pays. Tous les bureaux des agents du SNR dans les provinces sont devenus des cachots. Les bureaux du quartier dix et en ville tout près de la cathédrale sont devenus des cachots. Les positions militaires et policières sont devenues des cachots alors que les lieux de détention de garde à vue sont autorisés uniquement à la police judiciaire. «Depuis avril 2016 la torture est redevenue monnaie courante alors qu’on avait coupé court avec cet acte ignoble.»
Pour Albert Shingiro, représentant permanent du Burundi aux Nations unies, les rapports du Haut- Commissaire aux Droits l’Homme sur le Burundi «sont biaisés et politiquement motivés.» Interrogé, le porte-parole du président Nkurunziza, Gervais Abayeho, indique que le secrétaire général du gouvernement est en train de préparer un communiqué.
Une année meurtrière
Manifestations contre le 3ème mandat du président Nkurunziza, assassinats ciblés, exil de milliers de Burundais, attaques des camps militaires, tensions au sein de l’armée. Ce sont quelques évènements qui ont caractérisé la crise que traverse le Burundi depuis une année. Iwacu revient sur les grandes dates.
Tout commence le 25 avril 2015 avec le congrès du parti Cndd-fdd qui désigne le Président Pierre Nkurunziza comme candidat à la présidentielle prévue en juin de la même année.
26 avril 2015 : Des jeunes des quartiers Mutakura, Cibitoke, Ngagara, Nyakabiga, Bwiza, Jabe et Musaga descendent dans la rue pour manifester contre le 3ème mandat de Pierre Nkurunziza. La police use, dans un premier temps, des gaz lacrymogènes pour disperser la foule mais la confrontation tourne vite au cauchemar et des manifestants sont tués. Pendant trois semaines, des manifestants tentent d’entrer au centre-ville de Bujumbura mais la police leur bloque la route. Le mouvement fait de plus en plus des victimes. Des policiers sont également tués ou blessés car les manifestants leur lancent des pierres et des cocktails Molotov.
13 mai : Des femmes et des jeunes filles arrivent à pénétrer dans le centre-ville jusqu’à la place de l’indépendance vers 9 heures. La tension monte d’un cran. La police use de jets d’eau pour les disperser. A 13 heures, le Général Godefroid Niyombare annonce à la radio Bonesha et Isanganiro la « destitution » du président Pierre Nkurunziza, qui se trouve en Tanzanie pour un sommet extraordinaire de chefs d’Etat d’Afrique de l’Est. Trente-six heures après leur tentative pour s’emparer du pouvoir, un des chefs des putschistes, le général major Cyrille Ndayirukiye, est arrêté. D’autres putschistes dont des généraux et des officiers de la police et de l’armée sont arrêtés.
Attaques armées et assassinats
23 mai : Zedi Feruzi, président de l’Union pour la paix et la démocratie (UPD), petit parti d’opposition, est tué par balles avec un de ses gardes du corps dans le quartier de Ngagara.
10 juillet 2015 : un groupe d’hommes armés attaquent la zone Rugazi, de la commune Kabarore en province Kayanza. Bilan officiel donné par le porte-parole de la FDN : 31 assaillants tués, 17 combattants capturés, 78 armes saisies dont 1 mortier 60, 4 groupes électrogènes, et 2 radios Motorola. Du côté armée, 6 militaires sont légèrement blessés.
2 août 2015 : assassinat du Lieutenant-Général Adolphe Nshimirimana. Selon des témoins, l’ancien patron des renseignements se trouvait dans sa voiture avec ses gardes du corps lorsqu’il a été touché par deux tirs de roquettes avant d’être visé à l’arme automatique. Des témoins disent avoir vu sa voiture criblée de balles. Selon la police, sept personnes ont été arrêtées, mais aucune information n’a filtré sur leur identité.
3 août 2015 : Pierre Claver Mbonimpa, figure de la société civile burundaise et président de l’Association pour la protection des prisonniers et des droits humains (Aprodh) échappe à un attentat. Il est touché par plusieurs balles au moment où il venait de quitter son bureau. Dans le quartier de Kinama, un motard s’approche de sa voiture, tire au moins quatre balles qui atteignent Pierre-Claver Mbonimpa à la joue et au cou. Pour le moment, il se fait soigner à l’étranger. Comme dans d’autres dossiers d’assassinat, les auteurs ne sont pas encore identifiés.
15 août 2015 : Jean Bikomagu, colonel à la retraite, est assassiné devant son domicile sis au quartier Kabondo. Il venait de la messe à la cathédrale Regina Mundi. L’ancien chef d’Etat-major de l’armée burundaise sous Pierre Buyoya, Ndadaye et Ntibantunganya était avec sa fille. Depuis ce jour, les auteurs de cet assassinat ne sont pas encore identifiés.
11 septembre 2015 : un groupe d’hommes en treillis lourdement armés tendent une embuscade contre le véhicule du Général-major Prime Niyongabo, chef d’état-major général de l’armée. Des tirs à l’arme automatique, à la roquette et des explosions de grenades sont entendus. Son véhicule, une jeep V8, est touchée au niveau du pneu avant droit mais il continue. A part son escorte qui est touchée, il sort indemne de cette attaque. Après la fusillade, le bilan est lourd : 6 personnes tuées dont 3 gardes du corps du Général Prime Niyongabo et 7 blessés dont 6 militaires. 3 militaires tués et un civil travaillant au ministère de la Sécurité publique.
Du côté de l’ennemi, deux personnes sont tuées. Ce sont des militaires de la brigade logistique, ancienne base des forces armées. L’assaillant blessé au bras est également de l’unité militaire appelée «Police-militaire.» Deux autres militaires de l’ISCAM (Institut Supérieur des cadres militaires) accusés d’avoir participé à cet attentat ont été également arrêtés au moment où ils tentent de regagner la RDC en passant par Gatumba. Jusqu’aujourd’hui, ceux qui ont planifié cet attentat ne sont pas encore identifiés.
23 septembre 2015 : création de la brigade spéciale anti-émeute (BAE) par Alain- Guillaume Bunyoni, ministre de la Sécurité publique. Le commissaire Désiré Uwamahoro est nommé commandant de cette Brigade. Selon la police, cette brigade est instituée pour prévenir et gérer les grands événements et les actes de terrorisme graves conformément aux principes et standards internationaux en matière d’application des lois. Elle a entre autres pour tâche, la lutte contre l’insurrection et la rébellion dans les centres urbains. Pacifique Nininahazwe parle d’une division de police qui n’a d’autres visées que celles de réduire au silence le mouvement de contestation du 3ème mandat.
13 octobre 2015 : carnage sur l’avenue Buye au quartier 3 dans la zone Ngagara. Dix personnes sont tuées par des policiers de l’API dont Christophe Nkezabahizi, cameraman de la RTNB. La police parle d’un assaut lancé à la suite du kidnapping de deux agents policiers (l’un d’eux a été tué et un autre blessé). Elle donne également le bilan de cinq assaillants tués.
9 décembre 2015 : cinq jeunes dont des taximan de motos, selon les habitants, sont tués à la 15ème avenue n°101 au quartier Mutakura en zone Cibitoke par la police. Elle affirme que les cinq jeunes leur ont lancé une grenade. Les habitants parlent d’une exécution : « Ils les ont rassemblés dans la rue, leur ont ordonné de s’agenouiller et les ont tués d’une seule balle dans la tête. »
11 décembre 2015 : un groupe d’hommes armés attaquent simultanément trois camps militaires de Bujumbura et le 121ème bataillon des parachutistes de Mujejuru dans la province de Bujumbura rural. Douze assaillants sont tués et 21 capturés, selon le porte-parole de l’armée, un bilan largement sous-estimé, selon d’autres sources militaires. Le lendemain, des personnes sont sommairement exécutées à Musaga et Nyakabiga, des quartiers contestataires par des policiers selon certaines sources. Le bilan officiel change et atteint 87 tués dont 8 militaires et 79 civils. Pourtant d’autres sources parlent de centaines de personnes tuées puis enterrées dans des fosses communes. Mais des zones d’ombre persistent jusqu’aujourd’hui car ces hommes armés dont le nombre n’est pas encore connu, seraient parvenus à s’introduire dans le camp Base qui abrite une brigade logistique. Ils se seraient alors servis en armes et munitions. Selon des sources concordantes, ils se sont repliés au bout de trois à quatre heures de combat et seraient parvenus à gagner les hauteurs de Bujumbura rural, où ils sont allés retrouver d’autres combattants qui y sont déjà basés.
15 janvier 2016 : l’Onu dénonce l’existence de massacres ethniques, de charniers avec une centaine de cadavres et de viols collectifs commis par les forces de sécurité.
Le 28 janvier 2016 : Amnesty International publie, dans un rapport, des images satellite et des vidéos qui « étayent » les récits des témoins à propos de fosses communes. Ces images et vidéos montrent cinq charniers présumés dans la région de Buringa, en périphérie de Bujumbura. Sur les images qui datent de fin décembre et début janvier, on peut voir des sites où la terre est retournée, ce qui coïncide avec les déclarations des témoins. Les témoins d’Amnesty International racontent que les fosses ont été creusées dans l’après-midi du 11 décembre 2015, jour des attaques contre les camps militaires. « Ces images pointent du doigt une tentative délibérée des autorités de dissimuler l’ampleur des homicides perpétrés par leurs forces de sécurité et d’empêcher la vérité d’éclater au grand jour », déclare Muthoni Wanyeki, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Est, la Corne de l’Afrique et les Grands lacs. Outre le site de Buringa, Amnesty International fait état de fosses communes où auraient été enterrées les victimes du 11 décembre et qui se trouveraient en divers endroits, notamment dans les cimetières de Mpanda et de Kanyosha. Selon Amnesty International, 25 corps ont été enterrés dans cinq fosses sur le site de Mpanda, et 28 autres dans quatre fosses sur le site de Kanyosha.
29 février 2016 : Découvertes des restes des trois corps dans une fosse commune, à Mutakura. Le maire de la ville de Bujumbura accuse les insurgés armés d’y avoir enseveli trente corps dont des Imbonerakure.
Exil en masse
A côté de ces assassinats et cas de tortures, des milliers de Burundais se sont réfugiés dans les pays limitrophes.
Selon le HCR, plus de 250 000 Burundais ont fui leur pays depuis le début de la crise en avril 2015. Un chiffre qui ne cesse d’augmenter. La plupart de ces Burundais trouvent refuge principalement en Tanzanie.
Chaque semaine, ils sont environ 1 000 à franchir la frontière. Le Rwanda vient en 2ème position où 73 000 Burundais sont arrivés depuis le début de la crise, en avril. Plus de la moitié d’entre eux se trouvent dans le camp de Mahama dans l’est du pays.
Naissance des rebellions
Au lendemain de la crise d’avril 2015, née de la contestation du troisième mandat de Pierre Nkurunziza, deux mouvements rebelles voient le jour. Ils ont depuis revendiqué quelques attaques militaires.
Il s’agit de la résistance pour un Etat de Droit au Burundi (Red-Tabara) dont le chef est un certain David Nyenyeri et les forces républicaines du Burundi (Forebu), dirigées par le Général-Major Godefroid Niyombare.
D’après, Gratien Rukindikiza, journaliste burundais, Red-Tabara a commencé ses actions dans les quartiers dits contestataires dès le début des manifestations en avril et mai 2015. Il serait composé de quelques centaines de personnes. Selon des observateurs, le Red-Tabara procède régulièrement à des attaques ciblées contre des individus réputés proches du pouvoir, ou contre des patrouilles de police, selon des sources sécuritaires. La plupart de ces attaques sont menées par un groupe restreint de 3 à 4 personnes engagées contre le régime, avec utilisation d’armes légères, affirment les mêmes sources.
Le Forebu est en revanche considéré comme le plus imposant de ces mouvements rebelles. Il serait constitué de l’ensemble des insurgés qui ont tenté, l’été dernier, un coup d’Etat contre le président burundais.
Officiellement créé en décembre 2015, le Forebu a revendiqué les attaques contre trois camps militaires de la capitale burundaise du 11 décembre 2015. Il affirme avoir des bases dans la Province du Bujumbura rural, alors que les autorités burundaises nient catégoriquement.
Ce rapport de l’ONU dont la source est PC Mponimpa ne parle pas des attaques terroriste par des grenades lancees par des mineurs mandates par le CNARED qui officiellement cree et finance par le colonisateur Belge. Quel gachis. Nous devons comprendre la continuité du Genocide Hutu qui a commencé en 1972
Ceux qui dirigent le Burundi sont nus comme des vers et la vérité est là comme le nez au milieu de la figure. On pouvait s’en rendre compte ce matin en ecoûtant la Ministre de la Justice à RFI! Une prestation piteuse..! J’avais honte et je voulais me boucher les oreilles pour ne pas continuer d’entendre ce que j’entendais..! J’espère que la CPI commencera bientôt les enquêtes. Le plus tôt étant le mieux..! Un troisième mandat, décidément de trop…! Nous l’aurons payé cher, très cher physiquement mais aussi politiquement. Un recul de plusieurs décennies en termes de développment socio-économique mais aussi d’avancée en termes de réconciliation nationale. Merci Président FONDATEUR, merci beaucoup…! Nous ne vous oublierons jamais..!
@RUGAMBA RUTAGANZWA
C’est vrai qu’on était plus réconcilié il y a 20 ans! Cela s’est bien vérifié!