Trois cadres de la présidence de la République sont écroués à la prison centrale de Mpimba depuis le dimanche 12 janvier 2025. C’est pour avoir libéré des prisonniers non éligibles à la grâce présidentielle. Ils avaient été destitués le 9 janvier comme membres de la Commission chargée de la mise en œuvre de la grâce présidentielle. D’aucuns s’interrogent sur comment la commission en est-elle arrivée à libérer des détenus non éligibles ? La société civile demande que les détenus illégalement libérés soient de nouveau arrêtés. Et ce, pour prévenir une éventuelle vindicte populaire.
Les trois personnalités incriminées sont Jean-Baptiste Baribonekeza, chef de Bureau chargé des Affaires juridiques et de Gouvernance à la Présidence de la République. Ancien président de la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme (CNIDH) d’avril 2015 à avril 2019, il était à la tête de la Commission.
Il s’agit aussi de Cyrille Sibomana qui était chef du département de veille juridique et élaboration des textes légaux et d’Arcade Harerimana, ancien secrétaire permanent au ministère de la Justice. Avant d’être désigné membre de cette commission, il était conseiller juridique chargé du suivi du contentieux de l’Etat.
Selon le décret présidentiel du 9 janvier, ils « ont été destitués de leurs fonctions pour cause de trahison en libérant certains criminels qui ne figuraient pas sur la liste de ceux qui devraient bénéficier de la clémence présidentielle en ternissant l’image de la Plus Haute Autorité que c’est sur Son Instruction. »
Une destitution qui est intervenue après que des défenseurs des droits des prisonniers et des médias aient décrié que le travail de cette commission était émaillé de beaucoup d’irrégularités. Le cas ayant attiré beaucoup d’attention et relayé dans les médias étant celui de Fidèle Niyukuri, un enseignant à l’Ecole fondamentale de Kajondi, en province de Bururi accusé de lésions corporelles volontaires graves ayant entrainé la mort de son élève Kévin Iranzi. Il avait été condamné pour 5 ans de prison. Le dossier était en appel à la Cour d’appel et était programmé en date du 14 décembre 2024. Et cet enseignant a été libéré le même jour.
Des chiffres accablants
Des organisations de défenseurs des droits des prisonniers comme Aluchoto avaient aussi relevé des manquements graves dans le travail de cette commission sous la présidente de M.Baribonekeza.
A titre illustratif, dans ses rapports, l’Aluchoto avait indiqué que sur les 5 442 prisonniers qui devaient bénéficier de la grâce présidentielle, 4 011 prisonniers ont été libérés et les 1 431 autres sont encore en prison.
Selon toujours cette organisation, à peu près 30 condamnés accusés de viol ou d’assassinat dans 4 provinces, dont 3 à Gitega, 7 à Rumonge, 11 à Bururi et 7 à Bubanza, ont été libérés par cette commission. « Pourtant, ils n’étaient pas concernés par cette clémence du chef de l’Etat », avait-elle dénoncé notant que par contre, 255 prisonniers, dont 101 à Bujumbura, 37 à Rumonge, 63 à Gitega, 28 à Bururi, 13 à Muramvya et 13 autres à Bubanza, sont encore en détention alors qu’ils avaient déjà purgé leur peine ou ont été graciés par la décision du chef de l’État.
Ce qui concorde avec la réalité sur le terrain. D’une source judiciaire, Iwacu a pu se procurer d’un document de quelques cas de prisonniers non éligibles libérés dans la prison de Bururi. Les chiffres font froid au dos.
Des manquements pourtant graves qui montrent que ladite commission n’a pas été à la hauteur de sa mission qui lui a été confiée par le chef de l’Etat. Là, des prisonniers accusés de viol, d’assassinat, d’infanticide, des prévenus ont été libérés.
Des cas irréguliers relevés dans la prison de Bururi
Mis à part celui de Fidèle Niyukuri, les cas sont nombreux. Il s’agit par exemple du cas du dossier RMP 30 392/ND impliquant Pascal Ndikumana accusé de lésions corporelles graves ayant entrainé la mort et condamné à 10 ans de servitude pénale. Il a été relâché le 14 décembre 2024.
Par ailleurs, des détenus accusés de viol ont été relâchés. Il s’agit à titre illustratif des dossiers RMP 24 905/NJB d’Emile Ntakirutimana condamné pour 15 ans ; le dossier RMP 25 507/NJB de Serges Ngezahayo condamné pour 15 ans ; le dossier RMP 20 454/NA d’Ernest Nizigiyimana condamné pour 10 ans. Tous les trois sont sortis de la prison le 14 décembre 2024.
Pour les cas d’infanticide, lit-on dans le document, il s’agit du dossier RMP 26 546/ND. L’inculpée étant Joliviette Niyera condamnée à 20 ans de prison. Les dossiers RMP 27 127/ND et RMP 26 608/NJC dont les inculpées sont respectivement Justine Kubwimana et Chantal Niyonsenga. La première avait été condamnée pour 10 ans et l’autre pour 15 ans. Elles sont sorties de la prison le 13 décembre 2024.
En outre, selon des sources proches de la prison centrale de Mpimba il existe des cas de coprévenus qui interrogent. Dans le dossier RMPGAC /4608, le prévenu Gaston Bigirimana est en prison alors que ces coprévenus Denis Nkunzimana et Grégoire Ngenzebuhoro sont libres.
C’est la même situation dans le dossier RMP 10483. Le prévenu Dieudonné reste en prison tandis que ces coaccusés Dieudonné Karorero et Anatole Bigirimana ont été libérés.
Dans le dossier RMP 7534 impliquant Eliphas Niyongabo, J. Bosco Nduwimana et Adronis Bizimana, le premier croupit en prison et les deux autres sont libres.
Or, le message du chef de l’Etat était explicite sur cette grâce présidentielle. Lors du lancement de l’opération de libération des bénéficiaires, à Muramvya, le 14 novembre 2024, le président de la République Evariste Ndayishimiye avait indiqué qu’on a mis en avant ceux qui ont commis des infractions mineures ; ceux ayant déjà purgé le quart de leur peine ; les vulnérables tels que les femmes enceintes ou allaitantes, les enfants qui ont un handicap physique ou mental ou les prisonniers souffrant de maladies chroniques et les personnes âgées.
A ceux-là, avait-il fait savoir, s’ajoutent les prisonniers ayant purgé leur peine principale mais qui sont sous contrainte par corps.
« La grâce présidentielle ne concerne pas les prisonniers ayant commis des crimes de sang ou accusés d’atteinte à la sécurité nationale ; ceux qui ont commis des crimes de génocide ou de viol », avait-il précisé.
Et la suite ?
Du côté de l’Aluchoto, son président Vianney Ndayisaba demande que les trois cadres coupables des libérations illégales soient traduits en justice conformément à la loi.
Par ailleurs, il recommande que les détenus libérés illégalement soient réarrêtés pour qu’ils purgent leur peine en prison. Au cas contraire, prévient-il, ils peuvent constituer un danger pour la société.
D’une part, explique Vianney Ndayisaba, ils peuvent narguer et menacer les familles des victimes. Pour ces dernières, renchérit-il, cette situation risque d’être interprétée comme une absence de justice et qu’il y a finalement des gens puissants et intouchables. « Une vindicte populaire peut s’en suivre et faire naître d’autres crimes. Un cycle vicieux de violences, de règlement de compte risque de s’installer et sa gestion ne serait pas facile », craint-il.
Il recommande aussi qu’il y ait une commission indépendante qui effectuera une nouvelle descente dans la prison pour identifier les prisonniers libérés illégalement et ceux qui y sont restés injustement.
Les révélations actuelles autour de ces trois personnes ne sont que le sommet de l’iceberg qui masquent une réalité bien plus complexe. Pour aller au fond des choses, une commission d’enquête doit avoir lieu pour bien cerner les rôles des uns et des autres dans ces libérations litigieuses.
– Les directeurs des prisons concernés, ont-ils joué des rôles? Dans tous les cas, comment se fait-il qu’ils n’aient pas alerter sur ces cas?
-Le silence des autres membres de la commission est-il à questionner?
– Qui seraient les intermédiaires ( en présumant que ce ne sont pas les prisonniers qui ont approché les « libérateurs »)?
– Et bien d’autres questions
Erreur humaine ou décision délibérée ?
Incompétence ou connivence ?
Quoi qu’il en soit, Nyenicubahiro abo bamuzanira ngo baje mu ntwaro sinzi ko baraba ibikenewe vyose. Kwihenda birabaho, amakosa arakorwa, kandi vyarabaye, biriho, bizobaho mugabo haraho biboneka ko birenga inkombe.