Jeudi 28 mai, le parti Congrès National pour la liberté (CNL) a déposé son dossier de recours à la Cour Constitutionnelle. Agathon Rwasa, son président, arrivé en deuxième position dans la course au fauteuil présidentiel, affirme détenir des preuves irréfutables : il y a eu une fraude.
Dossier réalisé par Rénovat Ndabashinze, Félix Haburiyakira, Abbas Mbazumutima, Alphonse Yikeze, Mariette Rigumye, Arnaud Igor Giriteka, Hervé Mugisha et Egide Nikiza
14 h 30. Agathon Rwasa arrive au siège de la Cour Constitutionnelle, sis à Kigobe, zone Gihosha, commune Ntahangwa. Il est sous bonne escorte militaire et accompagné par ses proches.
« Nous venons de déposer notre dossier de recours à la Cour Constitutionnelle par rapport aux élections du 20 mai. Parce que nous avons parcouru les différents procès-verbaux récoltés à travers le pays, et avons constaté beaucoup d’irrégularités », confie-t-il à la presse après le dépôt du dossier de recours.
La liste des griefs est longue : des gens décédés ont été mentionnés comme ayant voté. Il dit avoir beaucoup d’exemples : « A Muzinda, il y a plus de 15 cas, à Buhayira en commune Murwi, et un peu partout ailleurs ! »
Le parti CNL dit dénoncer aussi l’attitude de la magistrature. « La CENI a été sommée de rayer des listes électorales certains candidats du CNL sur base de fausses allégations émises par le procureur général de la République. Tout cela entache énormément le scrutin ! »
Face aux médias, le leader du CNL souligne qu’il y a dissonance entre les résultats pour un même bureau de vote pour les présidentielles et pour les législatives. D’après lui, autant il y a un même nombre de gens qui votent dans un même bureau, autant on doit avoir les mêmes résultats. Ou du moins, il doit y avoir équivalence du nombre de voix exprimées. Et de se résumer : « Il y a tellement d’irrégularités à tel point que nous avons jugé saisir cette cour. Il y a des erreurs monumentales qui se remarquent partout dans le pays. Il n’y a pas une seule commune et province qui soit épargnée ! »
Interrogé sur l’étape à suivre si la réponse ne lui est pas favorable, le président du Congrès National pour la Liberté est clair : « Nous essayerons de saisir la Cour de l’Afrique orientale basée à Arusha. » Et de juger intolérable que les Etats continuent à faire de la barbarie à travers les élections et prétendre qu’on est en train d’avancer sur la voie démocratique.
Le candidat malheureux du CNL estime enfin que la CENI doit répondre de sa responsabilité par rapport à certaines irrégularités. Ici, il cite notamment la non-publication du fichier électoral.
Notons que la Cour Constitutionnelle a huit jours pour se prononcer sur ce recours.
Retour sur un scrutin controversé/ Triple scrutin du 20 mai : Des résultats provisoires loin de faire l’unanimité
Lundi 25 mai, la CENI a procédé à la proclamation des résultats provisoires du triple scrutin du 20 mai, qui ont consacré une large victoire au parti Cndd-Fdd. Cependant, des partis politiques, autant que certains observateurs, dénoncent un processus électoral entaché de nombreuses irrégularités.
Lundi 25 mai. A l’hôtel Club du Lac Tanganyika de Bujumbura, un lundi pas comme les autres. 13 h 30, des militaires bien armés veillent aux alentours de cet hôtel. La marine patrouille dans les eaux du lac Tanganyika.
La police spéciale de roulage fouille tous les véhicules en provenance du centre-ville. Dans l’hôtel, tout nouveau venu est soumis à une fouille corporelle. Les journalistes auront le privilège d’entrer les premiers dans la salle. Une équipe de la radio-télévision nationale est sur place pour une retransmission en direct.
Le lancement des cérémonies de proclamation des résultats provisoires est prévu à 14 heures. Des places pour les sept candidats au fauteuil présidentiel sont bien indiquées. On y trouve le nom du parti et le numéro d’identification du candidat.
14 h. Aucun candidat à l’élection présidentiel dans la salle. Mais, entre-temps, de nombreux diplomates ont pris place, certains ministres du gouvernement, des membres de la société civile, sont là. « Où es Rwasa ? Où est Neva ? … », murmurent les journalistes entre eux. Chacun essaie de pointer sa caméra, son appareil photo pour ne pas rater à leur arrivée. Sur le siège réservé au parti Cndd-Fdd, c’est Joseph Ntakarutimana, vice-président du parti de l’Aigle, qui prend finalement place. Celui du CNL reste vide. Idem pour les sièges réservés aux autres candidats. 14 h 30.
14 h 50, les commissaires de l’équipe de la commission électorale nationale indépendante (CENI) font une entrée remarquée dans la salle. Toujours aucun candidat au fauteuil présidentiel n’est là. Les cérémonies vont alors commencer.
Après la prière Dieudonné Nahimana, un indépendant et candidat à la présidentielle arrive. Les principaux challengers, à savoir Evariste Ndayishimiye et Agathon Rwasa sont toujours absents. Finalement, M. Kazihise prend la parole.
Evariste Ndayishimiye, proclamé vainqueur
« Les trois scrutins du 20 mai 2020 demandaient une préparation minutieuse pour leur réussite comme si c’était un seul scrutin ou deux seulement. Cette préparation a été bien faite parce qu’elle a suivi le calendrier électoral et les électeurs ont répondu à temps massivement et dans le calme », va déclarer Pierre Claver Kazihise, président de la CENI.
Il indique que le dépouillement a suivi immédiatement sur le lieu de vote et en présence des observateurs et des mandataires des candidats qui le souhaitaient. M. Kazihise dit que la publication des résultats de la part des CECI a été faite conformément à l’article 72 du code électoral dans le souci de transparence. Et puis, la compilation a continué dans les CEPI.
Pour la présidentielle, M. Kazihise va annoncer que le candidat du parti au pouvoir, Evariste Ndayishimiye a remporté le scrutin avec 68,72% des voix. Il est suivi, en deuxième position, par Agathon Rwasa, candidat du parti Congrès national pour la liberté (CNL) avec 24,19% des voix. Pour le fauteuil présidentiel, sept candidats étaient en lice dont deux indépendants. Pour ce scrutin, M. Kazihise va révéler que le taux de participation était de 87,71%. Le nombre d’inscrits au vote étant de 5.113.418, et celui des votants de 4.484.928.
Le parti Cndd-Fdd vient également en tête avec 68,02% des voix pour les députés selon ces mêmes résultats proclamés par la CENI. En deuxième position se trouve encore le parti CNL avec 22,43%, puis vient l’Uprona avec 2,02%.
Et de préciser que seuls trois partis politiques ayant totalisé au moins 2% des suffrages pourront siéger à l’Assemblée nationale. Il s’agit en l’occurrence du Cndd-Fdd, du CNL et de l’Uprona.
Réactions
Agathon Rwasa se dit déçu
Du côté du CNL, c’est la déception face à ces résultats. Dans une interview accordée à la BBC dans la soirée de ce lundi 25 mai, Agathon Rwasa a soutenu que les résultats annoncés par la CENI sont aux antipodes du vote de la population. « Nous avons collecté des preuves irréfutables nous transmises par nos mandataires présents aux différents bureaux de vote et attestant la victoire de notre parti lors des élections du 20 mai ! »
Pour Evariste Ndayishimiye, ces résultats sont « une leçon de démocratie » au reste du monde
« Nous venons de nous honorer, en montrant aux Burundais et au monde entier que nous n’avons plus besoin de leçons de démocratie. C’est plutôt notre tour de l’apprendre aux autres ! » Tels sont les propos tenus ce lundi 25 mai par le Général-Major Evariste Ndayishimiye, candidat du Cndd-Fdd, proclamé provisoirement vainqueur de la présidentielle par la CENI. Dans un message audio, M. Ndayishimiye a indiqué que sa victoire est celle de tous les Burundais épris de démocratie. Et d’affirmer, comme promis lors de la campagne électorale, qu’il sera le serviteur de tous les Burundais sans distinction aucune.
Pour soutenir la victoire de son parti, Evariste Ndayishimiye a appelé tous les Burundais à préserver la paix et la sécurité. « Que personne n’importune son voisin sous prétexte qu’il ’a voté pour tel ou tel autre parti.»
Dans son allocution, M. Ndayishimiye a également évoqué la question des Burundais en exil. Sur un ton qui se voulait rassurant, il les a exhortés de rentrer pour bâtir leur mère patrie.
L’Uprona prêt à féliciter le candidat du Cndd-Fdd avant l’annonce de sa victoire
A peine la proclamation des résultats provisoires des élections terminées, le candidat de l’Uprona s’est empressé de féliciter le Général-Major Evariste Ndayishimiye..
Dans une interview exclusive accordée ce dimanche 24 mai à Iwacu, Gaston Sindimwo avait déjà annoncé la couleur. Il avait indiqué, bien avant cette proclamation, que son parti prenait « acte des résultats ».
Le Premier vice-président sortant s’est encore dit prêt à continuer de composer avec le Cndd-Fdd : « Nous avons travaillé avec le Cndd-Fdd depuis longtemps. Qu’est-ce qui empêcherait qu’on travaille ensemble de nouveau ? ».
Pour rappel, la collaboration du parti du prince Louis Rwagasore avec le parti au pouvoir a toujours été un sujet brûlant au sein de cette formation politique depuis 2005. Certains souhaitent que l’Uprona s’inscrive dans l’opposition alors que d’autres prônent le « réalisme politique » pour gouverner encore avec le parti CNDD-FDD. Cela a conduit à l’éclatement du parti en plusieurs ailes rivales.
Un petit fait significatif a beaucoup amusé les journalistes lors de la cérémonie de proclamation des résultats du triple scrutin du 20 mai : le président du parti Uprona, Abel Gashatsi, est arrivé à l’Hôtel Club du lac Tanganyika avec sur lui le message de félicitations au candidat Evariste Ndayishimiye déjà rédigé !
Kira-Burundi : « Nous saluons les résultats provisoires annoncés par la CENI ce 25 mai et félicitons les nouveaux dirigeants »
« La coalition Kira-Burundi, forte de son engagement de stabiliser notre pays, souhaite plein succès aux futurs dirigeants », a indiqué Aloys Baricako, président de la Coalition Kira-Burundi, dans une conférence de presse tenue ce mardi 26 mai.
Selon lui, malgré les difficultés et autres tracasseries causées par la Commission Electorale Nationale Indépendante à cette coalition, l’heure est de « prendre acte » des résultats provisoires qui l’ont portée à la 4ème place avec 0.55 % des voix.
« La Coalition Kira-Burundi est une force qui milite pour la stabilité du pays. Elle ne veut plus voir des gens mourir, emprisonnés ou se réfugier à cause des conflits post-électoraux », a fait savoir le président de cette alliance.
Et de confier également que cette coalition garde espoir que les Burundais arriveront à une maturité politique pour distinguer un projet de société réel ou fictif, sans qu’il y ait d’achat de conscience.
Toutefois, cette coalition a appelé les futurs dirigeants à améliorer l’environnement socio-sécuritaire du pays, de libérer les prisonniers politiques et d’opinion. Et de leur demander également d’assurer le retour au pays de tous les réfugiés.
L’Indépendant Francis Rohero a dénoncé de nombreuses irrégularités
« Nous constatons avec amertume que le peuple burundais n’a pas voté pour un programme, mais pour des groupes supposés être des forces capables de renverser d’autres ! », s’est indigné Francis Rohero, candidat malheureux à la présidentielle du 20 mai.
Dans un communiqué de ce mercredi 27 mai, M. Rohero n’a pas manqué de souligner les irrégularités ayant caractérisé le triple scrutin. Entre autres, sa mise à l’écart dans la nomination des membres des bureaux de vote, les listes électorales non rendues publiques, l’emprisonnement de ses représentants, l’accès au bureau de vote refusé à ses mandataires et les intimidations ayant conduit à leur démission.
Néanmoins, dans ce même message, Francis Rohero a affirmé ne pas pouvoir infirmer ou confirmer qu’il y ait eu des fraudes électorales. La raison étant qu’il n’a pas pu observer le déroulement des élections dans tous les bureaux de vote. Faute de moyens, seuls mille mandataires ont été opérationnels le jour du scrutin. De ce fait, le candidat indépendant a dit « prendre acte » des résultats proclamés le 25 mai par la CENI.
M. Rohero a, quand même, fait un clin d’œil aux nouveaux élus. Pour lui, Etre président de la République, député ou conseiller communal, devrait impliquer une conviction d’appliquer un programme de salut public. D’autant plus qu’ils héritent, selon lui, d’un pays où le niveau de satisfaction de la population est extrêmement faible. «Nos félicitations à eux ne relèvent pas de la place qu’ils vont occuper, mais d’une amélioration considérable de la satisfaction du peuple burundais dans les domaines de l’éducation, la santé, la justice, la sécurité, l’emploi et dans la capacité de rassemblement du peuple », a-t-il indiqué.
Pour le reste, il a promis de continuer à œuvrer pour le bien-être des Burundais en tant qu’acteur politique.
Dieudonné Nahimana : « la CENI aurait dû reconnaître des failles survenues durant le processus électoral»
« Je déplore que la CENI n’ a pas reconnu qu’il y a eu quelques irrégularités dans l’organisation du scrutin », a affirmé le candidat Dieudonné Nahimana, à l’issue d’un entretien accordé à Iwacu dans l’avant-midi de ce mercredi 27 mai.
Toutefois, d’après lui , ces irrégularités n’invalident pas pour autant les résultats proclamés tout en indiquant qu’ « il aurait quand même dû y avoir une attitude de reconnaissance des failles survenues durant le processus électoral par la CENI »
Sahwanya-Frodebu : « Lire le droit, rien que le droit ! »
Interrogé par Iwacu ce jeudi 28 mai sur les irrégularités soulevées ici et là lors du triple scrutin du 20 mai, le porte-parole du parti Sahwanya-Frodebu, Phénias Nigaba, a demandé à quiconque se sentant lésé de privilégier les voies légales. « La seule solution, c’est de saisir les juridictions compétentes ».
Aussitôt d’appeler : « Si cas, il y a, faut-il que les juridictions saisies lisent le droit, rien que le droit ! ». Pour rappel, à travers un communiqué daté du 25 mai, le parti Sahwanya-Frodebu avait dit avoir « pris acte » des résultats provisoires annoncés pour le triple scrutin du 20 mai.
Les évêques catholiques dressent un bilan accablant du triple scrutin du 20 mai
Saluant des élections qui se sont passées dans le calme, la Conférence des Evêques Catholiques du Burundi (CECAB), a pointé du doigt un processus électoral lourdement entaché d’irrégularités.
Dans leur communiqué publié ce mardi 26 mai, les évêques catholiques ont fait le procès d’un triple scrutin dépourvu d’« éléments devant caractériser des élections vraiment démocratiques ».
«Nous déplorons beaucoup d’irrégularités quant à la liberté, et à la transparence du processus électoral ainsi qu’à l’équité dans le traitement des candidats et des électeurs », a fait savoir, la voix grave, mais posée, Mgr Joachim Ntahondereye, président de la CECAB.
Entre autres irrégularités relevées par les successeurs de Saint-Pierre, les contraintes exercées sur certains mandataires à signer d’avance les procès-verbaux du dépouillement du contenu des urnes, le bourrage de certaines urnes, le vote à la place des défunts et des réfugiés et des procurations multiples et donc invalides.
Ce n’est pas tout. Les évêques catholiques ont regretté aussi qu’il y ait eu, dans certains bureaux de vote, des électeurs ayant voté plusieurs fois. Ils ont condamné l’exclusion de mandataires politiques et des observateurs des lieux de dépouillement du scrutin, les intimidations et contraintes exercées sur des électeurs par certains administratifs qui les accompagnaient jusque dans les isoloirs.
Les évêques catholiques ont parlé également d’élections marquées par l’intrusion de personnes non autorisées dans les lieux de décompte des voix et la confiscation des accréditations et des téléphones de certains observateurs. Pire encore, ont soutenu les évêques, le secret du scrutin n’était pas garanti partout.
Appel à la tolérance
Un constat sans appel et qui laisse les évêques dubitatifs face aux résultats annoncés par la CENI. « Nous nous demandons si elles ne portent pas préjudice aux résultats à proclamer ! », a souligné Mgr Joachim Ntahondereye, présidant cette conférence et évêque de Muyinga.
Les évêques catholiques ont appelé au calme et recommandé à tous ceux qui se sentent lésés, de privilégier des voies autorisées pour être rétablis dans leurs droits. « Quoi qu’il en soit autant nous condamnons toutes les injustices autant nous refusons tout recours à la violence ! ».
Aussi, les évêques catholiques se sont étonnés que des gens soient « persécutés » pour des raisons politiques et ont appelé les pouvoirs publics à y mettre fin. «Nous recommandons aux pouvoirs publics de sanctionner, tous ceux qui, après le vote, persécutent leurs voisins et demandent aux hautes autorités de décourager tous ceux qui seraient tentés de tourmenter les autres pour avoir manifesté des tendances politiques différentes des leurs ». Et de rappeler que le multipartisme est reconnu au Burundi : « A partir du moment où la loi avait autorisé à plusieurs candidats de battre campagne, chaque citoyen avait le droit de manifester sa préférence pour le candidat de son choix ».
Les évêques catholiques ont souligné avoir délégué 2716 observateurs et que «bien que leur nombre se soit avéré inférieur au nombre des bureaux de vote », ils ont affirmé avoir pu atteindre toutes les communes où ils se sont déployés dans des bureaux ciblés.
Déclaration très prudente des diplomates accrédités à Bujumbura
Dans un communiqué publié ce mercredi 27 mai 2020, les chefs de missions diplomatiques exerçant au Burundi ont dit « prendre acte » des résultats provisoires des élections présidentielles et législatives proclamés par la CENI ce lundi. Ces diplomates ont demandé aux acteurs nationaux d’éviter toute violence.
Au moment où le CNL d’Agathon Rwasa, principal challenger du parti au pouvoir, le Cndd-Fdd a contesté ces résultats et parlé de fraude électorale, ces diplomates «encouragent tous les acteurs du processus électoral à préserver un climat pacifique ».
Et de reprendre à leur compte l’appel de la Commission de l’Union africaine et du Secrétariat des Nations Unies qui a demandé à tous les acteurs politiques de s’abstenir de tout acte de violence et de privilégier la concertation dans le traitement des différends électoraux.
Ces chefs de missions diplomatiques ont tenu à mettre en avant l’intérêt collectif et ont exhorté tous les acteurs nationaux « à faire preuve de responsabilité et à résoudre les différends pouvant résulter du processus électoral à travers les procédures légales existantes ».
Ils ont réitéré leur volonté d’accompagner le peuple burundais dans son progrès vers la stabilité, la démocratie et la justice, en alignement avec les Objectifs du Développement Durable fixés par l’ONU pour 2030.
Interrogés, quelques politiques proches du pouvoir ont salué ce communiqué, mais sans beaucoup d’enthousiasme. Le texte reste en effet très réservé.
Du côté de l’opposition, une forme de déception émerge. « C’est un communiqué très « soft », nous aurions préféré une déclaration plus forte par rapport aux plaintes exprimées par le CNL notamment», a réagi sous anonymat un membre de l’opposition.
Un expert en relations internationales interrogé par Iwacu a fait remarquer que « c’est un texte de compromis entre des pays aux conceptions diplomatiques parfois assez divergentes.» Pour lui « l’appel vient d’une large palette de diplomates africains, américains, chinois et européens. Difficile de faire plus avec un groupe comme ça. Dans ce contexte c’est déjà beaucoup ! ».
L’expert a attiré l’attention sur le fait qu’en diplomatie « la pertinence d’un élément est rendue par son absence ». Et d’expliquer qu’il faut lire entre les lignes : «Vous remarquerez par exemple que nulle part le vainqueur n’est félicité, mais plutôt le peuple burundais. Les diplomates insistent en outre sur une résolution pacifique des différends électoraux. ». En diplomatie, cela dit beaucoup, a souligné l’expert.
Ce groupe des chefs de Missions diplomatiques accrédités au Burundi est composé des Ambassadeurs d’Afrique du Sud, d’Allemagne, de Belgique, du Canada, de Chine, d’Egypte, de France, du Japon, du Kenya, du Nigeria, de l’Ouganda, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, de Suisse, de la République unie de Tanzanie, de Turquie, de l’Union Européenne, des Chargés d’Affaires des Etats-Unis, de la République Démocratique du Congo, du Secrétaire Exécutif de la Conférence internationale sur la Région des Grands Lacs et du Résident Coordonnateur des Nations Unies.
Kazihise, les évêques et les chiffres
Conférence de presse du président de la Ceni ce jeudi 28 mai. Avant de démentir les résultats provisoires des élections du 20 mai qu’il avait pourtant lui-même proclamés lundi au Club du Lac, M. Kazihise a mis en cause les compétences des observateurs de la Conférence des Evêques catholiques du Burundi (Cecab) sans jamais les citer.
« Ce n’est pas compréhensible que sur 39 organisations d’observateurs, une seule relève des choses que les 38 autres organisations ne constatent pas », s’est indigné Pierre-Claver Kazihise. Mais il a reconnu que chaque observateur était libre de sa façon de faire « bien qu’il y ait des standards d’observation électorale ».
Le président de la Ceni a dit que l’organisation qui envoie sur le terrain des observateurs doit pouvoir analyser si ces derniers ont bien suivi les règles d’observation. Selon lui, ils ont pourtant été formés. «Nous avons tenu plusieurs réunions avec les observateurs destinés à les former sur leur mission pour qu’ils soient efficaces. Mais ce n’est pas une tâche facile, quand vous envoyez sur terrain des gens sans expérience, il est fort possible qu’ils produisent un rapport erroné ».
Le président de la Ceni considère que l’organisation qui a envoyé ces observateurs dont les conclusions diffèrent de celles des autres doit leur demander des comptes.
Pierre-Claver Kazihise a annoncé qu’il envisage de tenir une réunion quand tous les observateurs auront rendu leurs rapports. «C’est pour discuter avec les uns et les autres pour voir si effectivement ils ont pu réaliser le travail auquel ils étaient préparés».
Le président de la Ceni entend convier toutes les organisations à cette réunion. «Même l’organisation dont les conclusions sont assez marginales sera invitée ». Allusion limpide mais discrète à l’Eglise burundaise. On a noté en passant que la CENI trouve normal de former elle-même les observateurs des élections qu’elle organise…
«Il y a eu publication d’un draft »
Au cours de sa conférence de presse, le président de la Ceni s’est également exprimé sur les dispositifs montrant les résultats provisoires des élections postés sur site de la Ceni, mais retirés par après sans explications.
«Ces chiffres ne devaient pas être publiés parce qu’ils n’étaient pas bien contrôlés », a expliqué le président de la Ceni. Il a affirmé qu’ils n’avaient pas l’aval du bureau de la Ceni. Selon lui, c’est normal que « les chiffres qui ne sont pas officiellement publiés doivent être retirés du site ».
Il est vrai que l’incohérence des chiffres de certaines diapositives avait créé un buzz sur internet, confortant les doutes de nombreux observateurs et partis politiques sur la crédibilité du processus.
« Nous avons ordonné que ces diapositives soient retirées sur notre site, mais je ne sais pas si vous avez bien observé : est-ce que ces diapositives portaient le sceau de la Ceni ? », s’est interrogé Pierre-Claver Kazihise.
Pourtant ces diapositives ne différaient en rien de celles projetées ce lundi au Club du lac Tanganyika lors de l’annonce des résultats provisoires du triple scrutin du 20 mai. « Il y a ceux qui se sont précipités à poster des documents. Tous nos documents officiels doivent impérativement être cachetés ». Il a fait une promesse : « Prochainement nous allons mettre les chiffres que le bureau a contrôlés et vous allez voir que ces chiffres seront probablement plus justes. Mais il faut toujours vérifier s’ils portent le sceau de la Ceni. Il y a eu tout simplement publication d’un draft qui n’avait pas lieu d’être publié», a-t-il expliqué sans pouvoir le justifier.
A la question des listes bloquées avec des candidats retirés et remplacés par d’autres de la même liste, le président de la Ceni s’est refusé à tout commentaire. « On n’aura pas de réponse à notre niveau, c’est plutôt au niveau de la Cour constitutionnelle qu’il faudra voir. Si on s’est trompé ou si on n’a pas bien traité les dossiers, au niveau de cette instance, on devra pouvoir redresser la situation », a indiqué Pierre-Claver Kazihise.
Au moment où les recours introduits au niveau des Cepi n’ont pas été reçus parce que certains bureaux étaient tout simplement fermés, le président de la Ceni minimise et tranquillise : « En principe si quelqu’un fait un recours au niveau de la Cepi, il faut le recevoir, mais si ce recours n’est pas reçu, il y a un recours qui est possible au niveau de la Ceni.»
VERBATIM
« Oui, ces chiffres ont été enlevés. En fait ces chiffres ne devaient pas être publiés parce qu’ils n’avaient pas été contrôlés, ils n’avaient pas été visés par les membres du bureau de la CENI. Et c’est normal que ces chiffres qui ne sont pas officiellement publiés doivent être retirés.»
La CENI contre la CENI !
Plus on écoute la déclaration de Pierre-Claver Kazihise, moins on en croit ses oreilles, mais plus il faut se rendre à l’évidence : le président de la CENI en personne « retire » les résultats provisoires des élections du 20 mai qu’il a lui-même présentés lundi devant les autorités, les diplomates et les journalistes conviés au Club du Lac pour cette proclamation solennelle. Car ce sont bien ces chiffres-là, énumérés en direct par le président de la CENI, qui se sont affichés sur écran au Club du Lac et qui ont été ensuite publiés sur le site de la CENI. Tout le monde les a entendus, les a lus, les a enregistrés, les a commentés, les a critiqués ou applaudis. Nous savons maintenant qu’ils n’étaient pas « contrôlés », ni « visés par les membres du bureau de la CENI ». Bref ils n’existent plus. Force est de constater, 8 jours après le triple scrutin, que ses résultats, même provisoires, sont toujours inconnus. Au lieu de les publier enfin « officiellement », Pierre Claver Kazihize a donné une conférence de presse pour démentir ceux qu’il avait proclamés lundi. Dont acte.