Le ministre de l’Intérieur a permis aux membres des partis politiques de porter les couleurs de leurs partis respectifs lors des travaux communautaires. Pour l’opposition, cela démontre un manque d’organisation qui arrange le parti au pouvoir.
<doc7264|left>Edouard Nduwimana l’a déclaré lors d’une réunion avec les représentants des partis politiques et les fonctionnaires au chef-lieu de la province de Muyinga, lundi le 11 février dernier. Cette déclaration de M. Nduwimana répondait à une inquiétude du président du Frodebu dans cette province concernant le port des uniformes de leur parti par les membres du Cndd-Fdd lors de ces travaux, où sont prononcés des discours propageant les idéaux du parti présidentiel.
Les membres de l’ADC-Ikibiri n’y sont pas allés de main morte pour critiquer cette déclaration d’Edouard Nduwimana. Réagissant en premier, Chevineau Mugwengezo, de l’UPD, a parlé d’une manifestation de la sympathie que le ministre de l’Intérieur éprouve pour le parti au pouvoir et ses alliés. Quant à Léonce Ngendakumana, du Frodebu, le ministre de l’Intérieur veut tout simplement déclencher des confrontations car il est impossible pour plusieurs partis de faire des travaux communautaires dans une même localité avec leurs couleurs distinctives. « Ils nous persécutent déjà dans les rencontres et les travaux que nous organisons, pourquoi nous laisseraient-ils maintenant », s’interroge le président de l’ADC-Ikibiri. C’est dans ce sens qu’il accuse le parti au pouvoir d’avoir accaparé la journée du samedi pour faire sa compagne continue, alors que c’est la seule occasion qu’ont les dirigeants des autres partis de faire des descentes. Pour lui, M. Nduwimana a démontré que c’est le parti au pouvoir qui organise ces travaux communautaires, dans une sorte de campagne continue.
Avis qu’il partage avec Me François Nyamoya, du MSD : « « C’est une confirmation claire et nette sur l’utilisation des travaux communautaires comme propagande par le parti au pouvoir ! » Pour Me Nyamoya, l’invitation du ministre de l’Intérieur est complètement irresponsable car« ce ne sont pas les partis politiques qui appellent les militants aux travaux communautaires, mais l’Etat qui y appelle les citoyens. »
François Bizimana, du Cndd, souligne d’abord l’illégalité de ces travaux : « Il n’y a pas de cadre légal qui régit les travaux communautaires et tout semble être permis, car tout ce qui n’est pas interdit est autorisé. » Selon lui, permettre à une quarantaine de partis politiques de faire les travaux communautaires habillés de leurs couleurs, c’est créer un désordre total. Pourtant, pour M. Bizimana, ce désordre cache un agenda caché : « Je crois que c’est fait exprès car, avec le port de ces tenues, il peut apprécier le poids des partis politiques et permettre au parti au pouvoir d’affiner ses stratégies. » Car, s’interroge-t-il également, comment le ministre peut-il permettre cela quand il empêche les rassemblements des partis politiques de l’ADC-Ikibiri, en prétextant que ce n’est pas encore la période de la campagne électorale ?
Une occasion à exploiter ?
En définitive, il n’y a que l’Uprona que cette invitation semble arranger puisque, selon le député Bonaventure Niyoyankana, ex-président de ce parti, « ce serait une bonne occasion pour nous de rencontrer nos militants, les mobiliser et convaincre ceux qui ne les ont pas encore. En définitive, c’est une très bonne chose pour les autres partis politiques et il faudrait qu’ils sautent dessus. » Ce que rejette pourtant énergiquement François Bizimana qui déclare qu’ils ne veulent pas rencontrer leurs militants par des voies frauduleuses, en passant par les travaux communautaires : « Nous sommes des partis politiques qui respectent la loi, et la voie empruntée par le ministre de l’Intérieur est malhonnête pour conquérir le pouvoir en 2015. »
Cependant, même Bonaventure Niyoyankana reconnaît que la déclaration du ministre de l’Intérieur prouve que ces travaux ne sont régis par aucune loi : « Le ministre a commis une erreur puisque sa déclaration transforme les travaux communautaires en manifestations politiques. » Pour lui, Edouard Nduwimana a manqué d’arguments mais, a-t-il ironisé, « à toute chose malheur est bon, il a confirmé et démontré que les travaux communautaires de samedi sont des travaux de campagne du parti au pouvoir. »