Samedi 23 novembre 2024

Société

Travail des enfants : des témoignages accablants

17/06/2020 Commentaires fermés sur Travail des enfants : des témoignages accablants
Travail des enfants : des témoignages accablants
David Ninganza : « Le travail des enfants est une réalité au Burundi.»

La pauvreté, l’ignorance et une loi lacunaire, telles sont quelques raisons qui sont à l’origine du travail des enfants. La Sojepae se dit préoccupée et en appelle au respect de leur dignité. Une préoccupation exprimée au moment où le monde célèbre la journée internationale contre le travail des enfants, le 12 juin de chaque année.

En dépit de la Convention sur les droits de l’enfant qui interdit le travail des enfants de moins de 18 ans, ceux-ci exercent différentes activités qui nuisent à leur développement physique et mental. Les enfants rencontrés affirment travailler à cause de la pauvreté sévissant dans leurs familles.

« J’ai commencé à exercer ce commerce ambulant des arachides en 2018 à l’âge de 14ans. Mon patron me paie une somme dérisoire de 15.000 BIF par mois. Il me rationne la journée et pendant la nuit je me débrouille », témoigne N.B., un enfant venu de la commune Mbuye, province Muramvya, rencontré dans la zone urbaine de Kamenge.

La plupart de ces enfants se sont lancés dans le travail, suite aux problèmes familiaux. «Ma mère est morte quand j’étais en 2e année de l’école fondamentale. Par après, mon père s’est remarié et ma marâtre me maltraitait. J’ai abandonné l’école», raconte un petit garçon de 12 ans qui vend des œufs au marché de Jabe. Et aussitôt de confier qu’il a été obligé de chercher de l’argent pour survivre.

D’autres enfants confient être soumis aux travaux lourds qui nuisent à leur santé. « Je suis un gardien de chèvres. Je travaille sans repos. Mon patron me paie irrégulièrement et me prive souvent de la nourriture », s’indigne James Nahimana.

C.H., 13 ans, travaille dans un magasin d’habillement au centre-ville de Bujumbura. Après les heures de travail, il exécute d’autres travaux au domicile de son patron. « Quand je rentre à la maison, j’aide tantôt le domestique, tantôt les serveurs dans le bar. Je ne dors jamais avant 22h ». Il n’est pas payé pour ces heures supplémentaires. « Quand je réclame de l’argent, mon patron me menace de me renvoyer ».

Un frein à leur épanouissement

David Ninganza, représentant légal de la Solidarité de la jeunesse chrétienne pour la paix et l’enfance (Sojepae), se dit préoccupé par l’état des lieux du travail des enfants : « Le travail des enfants est une réalité au Burundi. Sur trois ménages, il y en a deux qui emploient des enfants de moins de 18 ans.» D’après M. Ninganza, la pauvreté, l’ignorance et une législation lacunaire sont à l’origine du travail des enfants. Et de préciser les domaines où les enfants sont le plus employés. Il fait savoir que les enfants travaillent dans les plantations, dans les champs, dans les galeries d’extraction des minerais ou dans le commerce informel.

« Des enfants passent toute une journée en train de repiquer du riz dans la boue avec le risque de maladies qui peuvent mettre en danger leur santé ». Il déplore des cas d’abandon scolaire qui s’observent vers la récolte du riz où les enfants passent toute la journée à chasser les oiseaux des champs de riz.

Par ailleurs, ajoute ce défenseur des droits des enfants, les enfants sont employés dans l’extraction des minerais et carrières. Car ils n’ont pas peur de pénétrer dans le sous-sol. Mais ce sont eux qui sont les moins payés. « Ils sont exploités économiquement ».

En outre, poursuit-il, ils sont employés dans les ménages. Des jeunes filles exécutent à la fois les activités de domestique, de garde des enfants, de propreté. Et de faire remarquer que ces jeunes filles travaillent à peu près 20h par jour au lieu de 8h prévues par la loi.

Des conséquences énormes

«Ces activités ne leur rapportent pas beaucoup. Leur avenir est hypothéqué», déplore cet activiste de la société civile, avant d’ajouter : «Et cela freine leur épanouissement.»

D’après David Ninganza les enfants qui grandissent dans ces conditions ont un développement physique et mental déficitaire. Ils sont victimes de non-assistance des parents, de la communauté et des institutions étatiques.

Par ailleurs, fait-il savoir, ces enfants sont exposés à l’esclavage ou à l’exploitation sexuelle. Il épingle une législation lacunaire. Et d’affirmer que le travail domestique n’est pas régi par le code du travail.

« Le patron et son domestique sont exposés au danger. Il n’y a pas de base légale pouvant les aider à régler leur différend ». Selon lui, certains domestiques se font justice et déversent souvent leur colère sur les enfants de leur patron. Et d’évoquer le danger qui guette : « Imaginez-vous, laisser tout le patrimoine familial, la garde des enfants, à quelqu’un qui n’a pas de contrat avec vous.»

Il interpelle les parents et la communauté d’éviter toute sorte de violence exercée sur les enfants, y compris le travail forcé, les travaux lourds avant l’âge prévu par la loi.

Le représentant légal de la Sojepae appelle les autorités à mettre en place une politique visant l’éradication du travail des enfants avant l’âge requis. Et de marteler : «Une éducation de qualité est la seule solution pour diminuer les abandons scolaires. Le travail des enfants pourra aussi diminuer.»

Quid du concept « travail des enfants » ?

Le concept de « travail des enfants » regroupe l’ensemble des activités qui privent les enfants de leur enfance, de leur potentiel et de leur dignité, et nuisent à leur scolarité, santé, développement physique et mental.

Il fait référence à des travaux dangereux pour la santé et le développement physique, social ou mental des enfants, qui compromettent leur éducation, en les privant de toute scolarisation, en les contraignant à abandonner prématurément l’école ou en les obligeant à accumuler des activités scolaires et professionnelles excessivement longues et trop pénibles pour eux.

Dans ses formes les plus extrêmes, le travail des enfants concerne les enfants réduits en esclavage, séparés de leur famille, exposés à des risques et des maladies graves, et/ou livrés à eux-mêmes dans les rues des grandes agglomérations, souvent dès leur plus jeune âge.

Que cette forme particulière de travail rentre ou non dans la dénomination « travail des enfants » dépend de l’âge de l’enfant, de la nature des travaux exécutés, des conditions dans lesquelles ils s’exercent et les objectifs poursuivis par chaque pays. La réponse varie d’un pays à l’autre et d’un secteur économique à l’autre.

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Editorial de la semaine

Question à un million

Quelle est cette personne aux airs minables, mal habillée, toujours en tongs, les fameux ’’Kambambili-Umoja ’’ ou en crocs, les célèbres ’’Yebo-Yebo’’, mais respectée dans nos quartiers par tous les fonctionnaires ? Quand d’aventure, ces dignes serviteurs de l’Etat, d’un (…)

Online Users

Total 2 587 users online