Jeudi 16 janvier 2025

Société

Transport urbain : « Il faut le billet de 100 francs sinon pas d’accès au bus »

Transport urbain : « Il faut le billet de 100 francs sinon pas d’accès au bus »
Le fameux sésame pour entrer dans le bus

Aux arrêts de bus, une pratique bizarre est en passe de se généraliser et les convoyeurs, ces ’’seigneurs de la portière’’ sont intransigeants. Le billet de 100 francs est obligatoire et c’est non négociable même quand les passagers proposent de payer plus du prix du ticket. C’est un véritable système de racket organisé, s’indigne la plupart des usagers.

Tout tire son origine de la rareté de ces billets mais ces derniers jours, ils sont disponibles et cette pratique continue. Les 100 francs sont exigés parce que le convoyeur n’a pas toujours les 400 francs à remettre à celui qui lui tend un billet de 1 000 francs pour un ticket de bus de 600 francs et c’est pareil pour les trajets à 800 francs, avoir 200 francs à donner au passager qui brandit un billet de 1 000 francs.

Quand le convoyeur exige les 100 francs c’est pour éviter tous ces problèmes. Et ce n’est pas tout, comme tracas quand il faut prendre un bus, il y a un autre type de commerce : une liasse de 7 000 francs en billets de 100 francs coûte 10 000 francs. Ce qui oblige les convoyeurs à exiger les billets de 100 francs, sauf qu’ils sont soupçonnés, à tort ou à raison d’alimenter ce commerce de billets de 100 francs.

Cette pratique pousse de nombreux passagers à se retrouver en difficulté. Ils se disent désabusés : « Les convoyeurs ont transformé cette exigence en un moyen de pression. Ils refusent de rendre la monnaie sous prétexte qu’ils n’en ont pas, mais ils s’assurent toujours d’obtenir ces fameux 100 francs en avance », dénonce Aimé, un étudiant à l’Université du Burundi.

Une organisation bien rodée

Selon plusieurs témoignages, ce système serait soigneusement orchestré pour maximiser les gains des convoyeurs et chauffeurs. Très peu de passagers paient le montant exact de leur trajet, souvent d’autres passagers paient plus et n’exigent pas le reste parce qu’ils sont avertis dès le départ du bus.

Rares sont les convoyeurs qui jouent franc-jeu : « Si vous donnez un billet de 1 000 Fbu pour un trajet de 800 Fbu, ils vous répondent qu’ils n’ont pas la petite monnaie. Finalement, c’est à vous de céder », explique Jean, un jeune fonctionnaire interrogé.

« C’est inadmissible que je laisse 400 francs à chaque fois, alors que mes parents me donnent un budget strict de 2400 francs pour mes allers retours en bus », se lamente un jeune étudiant de l’Université du Lac Tanganyika habitant au sud de la ville de Bujumbura.

Ce dernier illustre une triste réalité pour de nombreux citoyens : un trajet coûtant officiellement 600 francs finit souvent par être payé à 1000 francs, faute de monnaie pour les échanges. « Soit, tu me donnes mes 800 francs, ou bien je garde ton billet de 1 000 francs », entend-on souvent dans les bus.

Dans un autre quartier de Bujumbura, il n’est pas rare que des passagers en direction du quartier Gisandema au nord-est de la ville de Bujumbura, se disputent avec des convoyeurs qui refusent de leur remettre les 200 Fbu. Officiellement, ce trajet coûte 800 Fbu, mais en pratique, l’impossibilité de rendre la monnaie exacerbe les tensions. Le point de départ de ces scènes : le pont Ntahangwa Nord, un lieu où le tarif ne devrait être que de 600 francs.

Cependant, les passagers finissent souvent par céder leurs billets de 1 000 francs pour éviter des discussions avec les convoyeurs.

Certains observateurs parlent d’un véritable racket organisé, car cette pratique piétine les droits des usagers et enrichit les convoyeurs, qui agissent en toute impunité.

Les convoyeurs disent qu’ils ne peuvent pas perdre quand ils se retrouvent obligés d’aller chercher des billets de 100 francs parce qu’ils doivent donner par exemple 10000 francs pour avoir 7000 francs en petites coupures de 100francs au centre-ville.

Mais les passagers ne comprennent pas à leur tour où vont les billets donnés aux convoyeurs à l’entrée dans les bus de transports. Certains passagers ont des doutes quant à la bonne foi de ces convoyeurs. « Ce sont eux qui aliment ce commerce de billets de 100 francs. A chaque entrée dans le bus, plus de 30 personnes donnent chacun un billet de 100 francs, mais lorsque le 31ème passager donne 1000 francs et demande l’échange, le convoyeur refuse. Où est-ce qu’ils amènent ces billets ? C’est exact qu’ils exploitent les 30% en échangeant un billet de 10 000 francs contre 70 billets de 100 francs », déplore Jean-Marie, un jeune travaillant au centre-ville de Bujumbura.

Du vol tout simplement

Face à cette crise, la Banque de la République du Burundi (BRB) affirme avoir pris des mesures pour répondre à ce défi. Selon Bellarmin Bacinoni, porte-parole de la BRB, « la BRB a sorti des billets suffisants et continue même. Des billets de 100 francs ont été émis et transférés vers les banques commerciales pour être distribués sur tout le territoire national mais le problème c’est que les convoyeurs qui ne veulent pas aller chercher ces billets auprès de ces banques ».

La plupart des gens pratiquants cette forme d’échange rencontrés à l’arrêt-bus du nord de la mairie de Bujumbura expliquent que ces convoyeurs n’ont pas d’excuses. « Ils ont choisi de ne plus venir chercher ces billets de 100 francs arguant que les prix sont élevés. Il y a longtemps qu’on échange 2 000 francs contre 1 700 francs. Ce n’est pas maintenant qu’il faut avancer ces faux prétextes ».

Malgré ces assurances, les utilisateurs des transports publics ne constatent pas d’amélioration significative. Les billets de 100 francs, essentiels pour les transactions quotidiennes, semblent toujours introuvables, alimentant frustrations et conflits. Les usagers se heurtent quotidiennement à des situations où l’absence de petite monnaie complique leurs trajets.

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