Le nouveau plan de délimitation des taxis-motos, des taxis-vélos et de tuk-tuk annoncé par le ministre de l’Intérieur, de la Sécurité publique et du Développement communautaire a défrayé la chronique. Pour le ministre, c’est pour préserver la sécurité qu’une telle décision, apparemment irréversible, est prise. « C’est une pilule amère qui doit passer ». Les administratifs sont priés de mettre les bouchées doubles en sensibilisant la population car la mesure sera mise en exécution à partir du 11 mars. « Celui qui osera violer cette mesure aura franchi la ligne rouge ».
Aussitôt prononcée, la décision a été sous les feux des critiques. Les syndicats des chauffeurs de ces moyens de transport ont saisi le premier ministre pour lui demander de suspendre cette décision les interdisant de circuler dans la capitale économique, mais d’organiser plutôt un dialogue avec eux. Certains représentants du peuple, les administratifs, les politiques, la société civile ont pris le contre-pied du ministre. Entre autres réactions : « Le gouvernement doit s’engager lui-même et expliquer à la population la pertinence de cette décision…Il faut trouver les moyens de réguler et non interdire la circulation… Le ministre a décidé unilatéralement sans consulter toutes les parties concernées par la question… »
Dans une lettre qu’elle a adressée au ministre pour lui faire part des inquiétudes par rapport à la mesure, l’ONG Parcem dénonce une erreur de procédure et l’inconstitutionnalité de la mesure : « Si la mesure est prise à votre niveau, ce serait une ordonnance ministérielle mettant en application une loi promulguée dans ce sens par le président de la République… Les recommandations d’une commission technique du ministère ne suffisent pas pour prendre une mesure allant jusqu’à mettre en péril la liberté de mouvement et de circulation des citoyens. »
Le transport en commun, public ou privé, ne s’est pas adapté à l’expansion rapide de l’espace urbain de Bujumbura. Non seulement il ne peut pas satisfaire la mobilité de la population et des biens, mais aussi il coûte cher. Les taxis-motos, les taxis-voitures, les tuk-tuk apparaissent alors comme d’excellents supports de l’accessibilité dans le contexte burundais. Ils pénètrent partout et toujours prêts à déposer le client exactement là où il souhaite descendre, quel que soit l’état du quartier et de la rue empruntée. D’autres avantages de ces moyens de transport sont liés à leur disponibilité, à la densité de la couverture spatiale, à la flexibilité des prix et des parcours.
Cependant, ils présentent aussi des inconvénients. Leur expansion s’est faite au mépris des règles de sécurité. Les taxis-motos, les taxis-vélos, les tuk-tuk ont été mis en service sans formation des conducteurs sur le code de route, et la délivrance de permis de conduire n’est pas toujours régulière. D’où la fréquence des accidents. Un agent de la police de roulage explique qu’en plus de la sécurité, l’accroissement de l’utilisation des taxis-motos a eu quelques effets non désirés comme les problèmes de criminalité.
Somme toute, la sécurité n’a pas de prix. Le ministre a raison sur ce point de vue. Mais au-delà de cette logique, il y a d’autres facteurs incontournables qui militent en faveur de ces moyens de transport. A mon humble avis, un terrain d’entente, « common ground », s’impose entre nos décideurs, les représentants des syndicats des chauffeurs de ces moyens de transport et la société civile qui œuvre dans ce domaine. Il n’est pas tard. Et si on me demandait le point à l’ordre du jour, je leur proposerais celui-ci : « Comment mieux-vivre ensemble avec un système de transport efficient en mairie de Bujumbura ? »
Quand le Roi est rassasié, cela implique que tout le peuple est rassasié !!!
L’Auteur de la décision – écoutez bien une seule personne- roule à la fois dans au moins 6 véhicules pour chacun de ses déplacements, aux frais du contribuable. Et il croit que tout le monde se déplace aisément comme lui.
La Bonne Gouvernance exclut des mesures unilatérales avec impacts négatifs sur les gouvernés. Le dialogue devrait être permanent.
Si cette mesure se mettait en application, attendez vous à une recrudescence de la criminalité, des vols tous azimuts. Ces milliers de jeunes gens qui ne vivent que de ces moyens de transport ne vont ps accepter de mourir de faim. Aussi faut-il s’attendre à l’insubordination populaire. L’avenir me donnera raison
@Maningo Jean claude
« L’avenir me donnera raison »
Cette affirmation est digne d’un voyant.
La question de délimitation de la zone d’opération des 2 et 3 roues revêt 3 aspects :
1. Le gagne-pain des propriétaires et operateurs ;
2. Les alternatives pour les utilisateurs – capacité financière ;
3. Les alternatives pour les utilisateurs – disponibilité
4. Consommation supplémentaire de carburant et de pièces de rechange.
1. Gagne-pain pour les propriétaires et operateurs.
Cet aspect est suffisamment débattu pour y revenir ici.
2. Les alternatives pour les utilisateurs – capacité financière
On n’entend pas beaucoup les associations des consommateurs sur le sujet. Mais il revêt tout autant, sinon plus d’importance que le 1er aspect.
S’il y a environ 20.000 deux et trois roues en circulation, c’est qu’il y a environ 400.000 utilisateurs de ces moyens de transport, en supposant que chaque 2 et 3 roues sert en moyenne 20 personnes. Cette hypothèse est très conservatrice car en réalité, elle devrait servir plus que ça.
Si quelqu’un a recours au taxi-vélo, ce n’est pas parce qu’il ne sait où se trouve le parking de moto ou tuk-tuk, mais parce que ses moyens ne lui permettent pas d’accéder à une meilleure option. Il en est de même de ceux qui prennent le tuk-tuk au lieu du taxi voiture.
Ce n’est pas non plus pour snober les bus et minibus, mais c’est certainement parce que même ces bus ne sont pas en nombre suffisant, mais aussi parce qu’on se déplace dans une zone non couverte par le réseau, etc.
Si, sans augmentation de revenues, quelqu’un doit utiliser un moyen de transport 4 ou 5 fois cher, cela va être très dur. Il devra soit couper dans d’autres dépenses essentielles, soit marcher à pied si c’est possible, soit renoncer au déplacement, ou alors le faire dans de mauvaises conditions.
3. Les alternatives pour les utilisateurs – disponibilité
En supposant que les revenus des utilisateurs se soient améliorés et qu’ils peuvent maintenant se permettre de prendre tous les taxis voiture là où ils prenaient les 2 ou 3 roues pour le déplacement, y en a-t-il suffisamment pour desservir les 400.000 utilisateurs supplémentaires ?
4. Consommation supplémentaire de carburant et de pièces de rechange.
A supposer que les revenus des ménages permettent aux actuels utilisateurs des 20.000 deux et trois roues de passer au taxi voiture, il y aura une demande supplémentaire en pièces de rechanges et en carburant, avec une pression conséquente sur les devises, entre autres.
On vient de passer de nombreux mois de pénurie et d’incertitude en carburant,
Avec la guerre qui a lieu actuellement en Ukraine, la situation va très probablement empirer.
Une mesure qui conduit à une augmentation de la consommation de carburant devrait tenir compte de cette nouvelle donne stratégique.
On ne sait pas réellement de quoi demain sera fait en termes d’approvisionnement en carburant et de son prix, entre autres.
Il serait plutôt prudent de s’organiser en fonction de cette nouvelle donne : faire un stock stratégique de carburant pour les utilisations essentielles comme en temps de guerre.
Suite à la mondialisation et aux derniers développements, la guerre en Ukraine aura des répercussions dans le monde entier, directement ou indirectement, profondément ou dans le meilleur des cas, modérément.
Ce serait une erreur de continuer à vivre comme s’il n’y avait pas la guerre en Ukraine, ou alors à faire comme si elle ne nous concernait pas.
La mesure de délimitation des 2 et 3 roues devrait être suspendue ou alors profondément revue, au moins de ce point de vue. La pénurie actuelle de carburant et le risque élevé d’une pénurie encore plus grave dans les jours à venir incite à une grande prudence, et à être fortement proactif.
Ainsi, il pourrait s’avérer ultérieurement qu’on aurait été inspiré d’augmenter le nombre de 2 et 3 roues en circulation au lieu de les diminuer. Nous sommes au bout de la chaîne de distribution du carburant. Autant il y aura un état du monde avant et après le COVID-19, autant sinon plus il y aura certainement un état du monde d’avant et d’après la guerre en Ukraine.