Lundi 25 novembre 2024

Société

Trafic humain ou recherche d’une meilleure vie ?

Depuis quelques jours, les organisations de la société civile dénoncent un trafic humain vers certains pays du Moyen-Orient. Elles accusent le parti au pouvoir d’être derrière ce « business ». Iwacu a enquêté.

 

Dossier réalisé par Fabrice Manirakiza, Rénovat Ndabashinze, Jackson Bahati, Jean-Noël Manirakiza, Félix Nzorubonanya, Edouard Madirisha et Philippe Ngendakumana.

Les habitants du chef-lieu de la province Muyinga affirment que des centaines de femmes et filles sont déjà parties pour Oman et Arabie Saoudite
Les habitants du chef-lieu de la province Muyinga affirment que des centaines de femmes et filles sont déjà parties pour Oman et Arabie Saoudite

Muyinga, province au nord du pays, avec une forte présence musulmane. Dans les bars, sur les différents ligala, les habitants du chef-lieu de la province Muyinga affirment que des centaines de femmes et filles sont déjà parties pour Oman et Arabie Saoudite. Le quartier Swahili est plus cité pour être le terrain de chasse des commissionnaires dans ce business.

Un phénomène pas nouveau selon une enseignante interrogée. Dans son quartier, elle connaît plusieurs candidates à cette aventure. Seulement, aujourd’hui les administratifs y sont très actifs dans l’octroi des documents administratifs et le recrutement.

Bénigne est une serveuse dans un bar sis à Ku Mukoni : « Moi, je connais beaucoup de filles parties vers Oman. Elles sont recrutées par des femmes en provenance de Bujumbura qui leur promettent du travail avec un salaire d’environ deux millions par mois », témoigne-t-elle. Elle affirme que certaines filles ont dû rajouter quelques années pour avoir les documents administratifs. Elles se faisaient photographier au bureau communal de Muyinga. Et puis, poursuit-elle, les fiches sont acheminées vers Bujumbura afin d’avoir des passeports et visa.

Par après, raconte-t-elle, les candidates descendent sur Bujumbura pour des examens médicaux.

Une employée d’un hôtel ajoutera qu’elles empruntent deux circuits : une partie transite par la Tanzanie tandis que d’autres partent via l’Aéroport international de Bujumbura. Elle précise que ce sont principalement des musulmanes.

Une maman pleure l’arrestation de sa fille. Mariam Irakoze, la vingtaine, a été arrêtée par la police avec trois autres filles de Muyinga, le 6 juin 2016 ; Elles étaient en train de chercher les documents de voyage pour l’Arabie Saoudite. «C’est un enseignant qui lui avait cherché des documents. La famille croyait qu’il n’y aurait pas de complications. Nous avons été surpris d’entendre qu’elle a été arrêtée. On pensait d’ailleurs qu’elle était au Kenya.», confie son frère. Et d’ajouter que ça faisait 4 mois que sa sœur cherchait des documents. «Elle était partie chercher du travail. Je demande à la police de la relâcher car elle n’a rien fait de mal.»

Un combat pour la survie

A Muyinga, des femmes n’hésitent pas à déclarer qu’elles sont prêtes à cette aventure en abandonnant maris et enfants : «La vie est devenue très chère. Il faut aller voir ailleurs.»
Dans la prison de Muyinga, certains prisonniers craignent déjà le départ de leurs épouses.

« Les filles chômeuses, les veuves, les divorcées ou les femmes en désaccord avec leur mari ont été les premières adhérentes », dira une commerçante de manioc de la 4ème avenue, quartier Swahili. A la question de savoir pourquoi on choisit seulement les filles, sa réponse est toute crue. «Elles sont facilement manipulables et se révoltent peu.»

Désolation dans les familles

Selon elle, la pauvreté peut être la source des mésententes dans les couples. «Ce qui fait que certaines femmes décident de s’en aller sans même le consentement de leur mari.» C’est le cas de la femme d’un certain Abdoul du quartier swahili. Devant la maison, sa fillette de 8 ans affirme que sa maman est déjà partie. « Elle nous a dit qu’elle partait à Bujumbura. Depuis là, elle n’est jamais revenue. » Chagrinée et d’une voie chancelante, elle confie qu’elle a tant besoin de la revoir.
Son papa, ancien mécanicien, est devenu alcoolique, confient ses voisins : « Il ne fait que sillonner les bistrots d’Urwarwa depuis le matin. »

D’autres femmes n’ont pas eu la chance de partir malgré elles. Une d’entre elles se garde de tout commentaire. Néanmoins, ses voisines disent que les examens médicaux ont révélé qu’elle est malade.
D’autres signalent qu’elle se serait désistée après l’arrestation de quatre filles par la police, le 6 juin dernier.

Des études abandonnées

Ce trafic n’a pas aussi épargné les écoles. Des informations recueillies à Muyinga mentionnent le départ imminent d’une élève de la 8ème année à l’Ecole fondamentale Muyinga III. Iwacu se rend sur place et constate que la jeune fille a déjà abandonné l’école, il y a deux semaines. «Elle va partir bientôt avec sa mère dans les pays arabes.», confie un professeur de cet établissement.

Contacté par téléphone, Philippe Nkeramihigo, administrateur de la commune Muyinga répond qu’il ne reçoit pas de rapport sur ces mouvements de sa population. Par ailleurs, il affirme que c’est une des habitudes des musulmans. Concernant l’octroi abusif et frauduleux des cartes nationales d’identité, il nous exige des preuves. Et de déclarer : « ce sont des rumeurs ».

En province Ngozi, ce trafic est aussi signalé. Une certaine Husna, 19 ans, est partie pour Oman, il y a six mois. Sa mère confie qu’elle lui a laissé un bébé de quatre mois. « Quand elle est partie, j’ai failli me suicider parce que je ne voyais pas comment je pourrais m’occuper de cet enfant. Néanmoins, je ne pouvais pas l’empêcher parce qu’elle était décidée à partir.»

Cette maman, la cinquantaine, affirme qu’aujourd’hui, sa fille lui envoie quelques fois de l’argent. « Quand on se parle au téléphone, elle me dit qu’elle se porte bien. » Suite à la pauvreté, elle aussi est prête à partir si elle est sûre d’avoir du travail.

Elle affirme que c’est l’administration qui octroie les documents. Malheureusement, déplore-t-elle, c’est elle-même qui arrête leurs filles en cours de route.

L’Est n’est pas épargné

«Le recrutement se fait à l’intérieur de la permanence du parti CNDD-FDD», confie N.H, un habitant de la commune et province Cankuzo. «Il y a deux semaines, j’ai vu deux voitures Hilux double cabines transportant beaucoup de jeunes filles en direction de Bujumbura.», confie un activiste de la société civile de la localité. D’après lui, le recrutement se fait dans toutes les communes mais les gens ont peur d’en parler.

Dans ce trafic, on pointe du doigt le député et en même temps président du parti au pouvoir en province Cankuzo, Englebert Ngendabanka. «Il travaille avec un Imbonerakure du nom de Claude. C’est un directeur d’une école.», indiquent des sources.

Elles affirment que ce député menace les jeunes filles récalcitrantes. «Certaines filles s’enfuient en Tanzanie, d’autres préfèrent se marier.» Interrogé par téléphone, le député Englebert Ngendabanka n’a pas voulu répondre. «Venez à Cankuzo, je ne peux pas répondre à quelqu’un que je ne connais pas.»

A Gitega, ce trafic est une réalité

A Gitega, il faut être musulmane et avoir une certaine beauté pour être recrutée
A Gitega, il faut être musulmane et avoir une certaine beauté pour être recrutée

Certaines jeunes filles et femmes, surtout musulmanes, partent chaque mois vers les pays arabes du Golfe Persique.

Elles sont recrutées clandestinement et dans la plupart des cas elles retournent déchantées. Selon Ashura, il y a des critères de sélection : « être musulmane et avoir une certaine beauté. »

«Les commissionnaires en relation avec une agence établie à Bujumbura, choisissent des filles prêtes à travailler en Arabie Saoudite, Oman, Yémen, etc. Ils leur trouvent des passeports et les visas. » D’après elle, ils leur promettent un emploi.

Anita du quartier Nyamugari était sur le point de partir laissant mari et enfants. «Ils m’avaient signifiée que je gagnerai entre 300 et 500 dollars américains par mois. Chose curieuse, ils m’avaient interdit de le révéler à personne car, selon eux, les candidates sont très nombreuses.»
Face à la résistance de sa famille, elle a renoncé mais affirme que ces commissionnaires ne relâchent pas la pression.

Selon l’administration, l’idée d’aller chercher du travail à l’étranger n’est pas mauvaise.

Toutefois, elle estime que le travail en cachette des commissionnaires montre qu’ils ne sont pas crédibles. «Le mieux serait de savoir où vont ces personnes, les employeurs afin d’empêcher des éventuels trafics humains », souligne Hussein Butoyi, Chef de zone Gitega.

Région sud : six fillettes rapatriées des pays voisins

Deux fillettes que les trafiquants voulaient amener au Moyen-Orient ont été rapatriées à Rumonge
Deux fillettes que les trafiquants voulaient amener au Moyen-Orient ont été rapatriées à Rumonge

Dans les provinces du sud, des trafiquants et des victimes du trafic sont arrêtés, mais aucun dossier n’est en instruction au niveau des parquets.
En février, deux fillettes de 12ans et 14 ans de la colline de Mwange de la zone de Kizuka en province de Rumonge ont été rapatriées de la ville de Mwanza en Tanzanie grâce à l’intervention de la police.

Selon la police à Rumonge, elles avaient été emmenées en Tanzanie par une femme du quartier Swahili qui serait membre d’un réseau du trafic humain. Ces sources précisent que ces deux fillettes attendaient des clients potentiels dans la ville de Mwanza afin d’être embarquées vers Dubaï, Oman ou Arabie Saoudite pour être embauchées dans des services de pornographie.

Leur mère dit que ses enfants présentent des troubles psychiques et n’arrivent pas à bien étudier à l’école.

Région Ouest : trafic des femmes musulmanes, un phénomène qui inquiète

En province Cibitoke, les recrues partent à l’étranger dans des conditions obscures
En province Cibitoke, les recrues partent à l’étranger dans des conditions obscures

A Cibitoke, elles partent à l’étranger dans des conditions obscures. L’administration et les défenseurs des droits de l’Homme manifestent des inquiétudes.

Elles sont âgées entre 20 et 35 ans et l’Arabie Saoudite est leur pays préféré. Ces femmes viennent principalement du quartier Swahili de la commune Rugombo à une dizaine de km du chef-lieu de la province Cibitoke.

Une de ces femmes a révélé que les emplois de femme de ménage sont réservés, dans ce pays, à cette catégorie de personnes souvent sans cursus scolaire. Et de préciser : « On est rémunéré à hauteur de 240 dollars américains par mois. »

D’après une source locale, une société dénommée « Royal Services» joue le rôle d’intermédiaire. Elle cherche des femmes et leur fait passer des examens médicaux.

« Des documents de voyage sont délivrés aux femmes remplissant toutes les conditions avant d’embarquer vers le pays de Mahomet», insiste Ally Niyonkuru, directeur général de cette compagnie.

Selon lui, leur organisation travaille dans la légalité et leur action vise les personnes vulnérables.

L’administration à la base se dit profondément inquiète de la destination et des objectifs poussant ces femmes à quitter leurs foyers et abandonnant leurs maris et les enfants. Un des administratifs qui a requis l’anonymat doute de la bonne foi de Royal Services qui selon lui, travaille dans la clandestinité.


Les Nations unies interpellées

Des organisations de la société civile haussent le ton. Selon elles, entre 2500 et 3000 burundaises sont parties depuis 2015.

Gabriel Rufyiri, « Les Nations unies sont appelées à envoyer une commission d’experts indépendants en Oman, en Arabie Saoudite, etc. »
Gabriel Rufyiri, « Les Nations unies sont appelées à envoyer une commission d’experts indépendants en Oman, en Arabie Saoudite, etc. »

Depuis le mois de février 2016, beaucoup de fillettes sont recrutées et une grande majorité vient des provinces Muramvya, Bururi, Bujumbura et Bubanza. Selon Jacques Nshimirimana, président de la Fédération Nationale des Associations engagées dans le domaine de l’enfance au Burundi (FENADEB), du 10 au 25 avril, plus de 180 filles seraient parties en passant par l’aéroport International de Bujumbura. Et du 1er au 04 mai, plus de 80 seraient parties tandis que du 05 au 10 mai, 70 auraient rejoint les autres en Oman et Arabie Saoudite. La même fédération mentionne que 93 filles seraient parties du 1er au 09 juin à destination de Mascate en Oman. « Et toutes sont passées par l’aéroport International de Bujumbura », précise M. Nshimirimana indiquant que la majorité viendrait des communes Rumonge, Burambi, Buyengero, Rutegama et Bubanza.

Il rappelle par ailleurs que ce phénomène n’est pas nouveau. En 2012, 60 femmes et enfants burundais ont été récupérés par l’Interpol Kenya. « Ils étaient sur le point d’être vendus en Australie » révèle-t-il, évoquant également le cas de six jeunes filles amenées en RDC soit disant pour une rencontre spirituelle. Par après, souligne-t-il, elles ont été vendues en Oman. C’est le cas aussi de 15 mineurs arrêtés par la police à la frontière burundo-tanzanienne à Mugina, en 2015, et six trafiquants appréhendés à Rumonge et cinq à Nyanza-Lac, etc.

En plus de l’exploitation économique et sexuelle, la FENADEB ajoute que ces enfants trafiqués subissent des transplantations d’organes comme le rein, le cœur, le foie vendus à des très gros montants. Ainsi, FENADEB demande la suspension immédiate et formelle ces déplacements en attendant le rapport d’enquête.

«Les Nations unies sont appelées à envoyer une commission d’experts indépendants pour effectuer une enquête sur le trafic des milliers de jeunes filles burundaises dans les pays d’Oman, Arabie Saoudite, Liban et Koweït », lit-on dans une correspondance que Olucome a adressé, ce mardi 14 juin, au Secrétaire Général des Nations Unies. Un effectif d’environ 3000 filles et femmes est évoqué depuis 2015. L’Olucome parle aussi de près de mille jeunes garçons et hommes vendus aux riches d’Oman et d’Arabie Saoudite.

« En plus des corvées, ces Burundais seraient contraints d’adhérer à la religion musulmane et conduits dans les groupes terroristes », déplore Gabriel Rufyiri, président de l’Olucome et signataire de cette correspondance.

Selon lui, cinq sociétés sont derrière ce business qualifié d’une nouvelle forme d’esclavage. Des commissionnaires indépendants sont aussi entrés dans ce business humain. Et cela, dénonce-t-il, avec la bénédiction de certains ministères et l’administration de base dans l’octroi des papiers.

Un mouvement d’ampleur nationale

David Ninganza, « J’ai su dès le 3 mai 2016 qu’il y a un départ massif de jeunes filles vers l’Oman et l’Arabie Saoudite »
David Ninganza, « J’ai su dès le 3 mai 2016 qu’il y a un départ massif de jeunes filles vers l’Oman et l’Arabie Saoudite »

Muyinga, Rumonge, Cibitoke, Kayanza, Gitega, Ngozi, Bujumbura-Mairie et Cankuzo sont principalement les plus touchées par ce phénomène selon le mouvement Citoyen pour l’avenir au Burundi (M.C.A). Dans une lettre adressée au Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, le 12 juin 2016, M.C.A demande aussi l’envoi d’un groupe d’experts indépendants en Oman et en Arabie Saoudite pour enquêter sur l’affaire du trafic des jeunes filles burundaises. Il précise que leur âge est compris entre 14 et 25 ans. Or, sur leur identité, on mentionne qu’elles ont 25 ou 28 ans, affirme Maître David Dusabe, secrétaire général et porte-parole de ce mouvement qui évoque un effectif de plus de 2500 filles depuis 2015.

Plus de cinq sociétés seraient actives dans cette affaire dont Royal Services et Salah Alderfeer. M.C.A dit que selon des témoignages à sa disposition, certaines filles et femmes burundaises sont utilisées comme des objets sexuels.

La société civile parle d’une implication déguisée de l’administration. Dans cette correspondance, le Mouvement Citoyen pour l’avenir au Burundi affirme que certains administratifs de la base et au sommet sont impliqués dans ce trafic. Maître David Dusabe ne comprend pas comment l’Office burundais de l’Emploi et de la Main d’œuvre (OBEM) et l’OBR continuent à dire qu’ils ne sont pas au courant alors que cela date de 2012. «Par ailleurs, les passeports sont octroyés par la PAFE, un service connu de la police nationale burundaise. Ce qui prouve selon lui un laisser-faire de la part des autorités burundaises.»

«Il faut une enquête minutieuse sur tous les documents présentés à la PAFE»

«J’ai su dès le 3 mai 2016 qu’il y a un départ massif de jeunes filles vers l’Oman et l’Arabie Saoudite. Directement, je me suis rendu à la PAFE», raconte David Ninganza, porte-parole de la SOJPAE (Solidarité pour la Jeunesse et l’Enfance). Il trouve deux longues files formées par de jeunes filles qui attendaient leurs documents de voyage. «Ces jeunes filles étaient originaires de plusieurs localités : Rumonge, Mutumba, Muhuta, Mutimbuzi, Gihanga, Nyanza-Lac et Rutegama.» Ce qui l’a aussi troublé, c’est qu’il y avait une personne extérieure à la PAFE qui photographiait ces jeunes filles. De plus, poursuit-il, plus de 70 dossiers en attente ont été traités rapidement et convenablement. L’âge mentionné sur les dossiers portait aussi à confusion. «La photo de la fille et l’âge montraient un écart visible. Il y avait une falsification afin que la police n’exige pas une autorisation parentale.»

David Ninganza indique qu’il a alors produit un rapport d’enquête faite à la PAFE, le 6 mai dernier. Un rapport qu’il a partagé avec les partenaires impliqués dans la protection des enfants dont de ministère de la Solidarité.

David Ninganza trouve louable le travail fait par la police en arrêtant les quatre jeunes filles de Muyinga. Toutefois, il trouve que le procureur général de la République devait sortir une ordonnance de suspension de ce départ massif en attendant les enquêtes. Pour lui, la PAFE devait mener des investigations sur les documents présentés par les jeunes filles car il était visible que les documents présentés étaient falsifiés. «En cas de doute, tout agent public doit saisir son autorité hiérarchique.»

Que de questions!

David Ninganza se pose plusieurs questions : «Est-ce que la PAFE a saisi le ministre de la Sécurité Publique? Est-ce que le commandant de l’Aéroport de Bujumbura a informé les Renseignements sur ce mouvement anormal des personnes de même âge, de même sexe et de même destination? Est-ce que le ministre de l’Intérieur a été saisi pour donner des instructions aux services de l’Etat civil afin de faire attention sur les documents qu’on donne aux jeunes filles?»

Comme la police confirme l’existence de ce trafic humain, poursuit M. Ninganza, il faut alors une enquête sur tous les documents présentés à la PAFE pour les mois d’Avril, mai et juin, surtout par les jeunes filles célibataires. En plus de cela, informer l’opinion nationale de ce trafic et inciter aux parents des filles parties sans leur consentement de saisir la police.


«La PAFE n’est pas impliquée dans ce trafic.»

Pierre Nkurikiye : «La PAFE ne peut pas être impliquée dans cela. »
Pierre Nkurikiye : «La PAFE ne peut pas être impliquée dans cela. »

«Ça n’a pas une grande ampleur comme veulent le faire croire certaines organisations de la société civile», réagit Pierre Nkurikiye, porte-parole de la police. D’après lui, la police ne connaît que deux cas de trafic humain. Celui des jeunes filles de Muyinga et le cas de la province Cibitoke. Pour ce dernier cas, Pierre Nkurikiye pointe du doigt la branche de l’Islam non reconnue par le pouvoir dirigée par Haruna Nkunduwiga.

Concernant le cas de Muyinga, le porte-parole confirme que c’était un réseau de trafiquants. «Nous avons arrêté deux Kenyans et un Burundais.

Ces derniers étaient de simples employés. Ils recevaient des ordres d’un Tanzanien et d’un Ethiopien qui accueillent ces jeunes filles à Nairobi.»
En ce qui concerne une probable implication de la PAFE, Pierre Nkurikiye réfute cette accusation. «La PAFE ne peut pas être impliquée dans cela. Si vous avez tous les documents et vous êtes majeur, la PAFE vous donne le passeport. L’usage que vous en faites par après, ça ne les regarde pas. Ces associations veulent tout politiser.» Pour lui, on ne peut empêcher une personne majeure de voyager alors qu’elle a tous les documents.

Haruna Nkunduwiga, incriminé par la police, indique qu’il n’est pas impliqué dans cette affaire. «Il faut demander à ceux qui délivrent les documents de voyage. D’ailleurs, ce trafic est une honte pour le pays.»


Royal Services, une société fantôme…

Une entreprise privée, Société Royal Services, est accusée d’être impliquée dans le trafic des filles et femmes sans aucune inquiétude, affirme l’agence chinoise Xinhua du 09 juin 2016.

Selon Ally Niyonkuru, directeur général de cette société, écrit Xinhua, elle travaille dans les normes. « Nous avons une société sœur qui est en Arabie Saoudite et les ressortissants burundais qui sont sur place qui suivent en détail le bien-être de nos recrues », assure-t-elle. Elle précise que la société travaille aussi en relation avec l’Ambassadeur qui s’assure que les droits de ces recrues soient respectés. »

Alors que le DG a affirmé qu’elle travaille en étroite collaboration avec l’Ambassadeur du Burundi en Arabie Saoudite où vont la plupart de ces Burundaises, le ministre de tutelle, Alain Nyamitwe, a indiqué qu’au sein du ministère des Relations Extérieures, il n’en sait rien encore.
Le 10 juin 2016, lors de la conférence de presse trimestrielle des porte-parole des institutions, celui du ministre de l’Intérieur a indiqué que la société Royal Services était inconnue de ce ministère. « Sur plus de 6.700 associations reconnues par le ministère à l’heure où je vous parle, nous n’avons reçu aucun dossier d’agrément concernant Royal Services. A moins qu’il soit toujours en étude », a indiqué M.Ntahiraja, le porte-parole du MinInter.

A la question de savoir pourquoi la rapidité dans l’obtention des documents de voyage, Pierre Nkurikiye, porte-parole de la police réplique qu’ils sont délivrés selon que le demandeur est en ordre. Idem s’il s’agit d’un groupe.

Pour le porte-parole du président de la République, Gervais Abayeho, on ne devrait pas s’appesantir outre mesure sur cette question : « Si le ministère de l’Intérieur ne reconnaît pas cette société, tous les services concernés, ce ministère, celui de la Sécurité publique, et même celui des Affaires étrangères, devraient vérifier le plus rapidement possible si cette société est agréée et la fermer le cas échéant. »


Pourquoi le choix de l’Hôpital Kira ?

En date du 22 décembre 2015, la ministre de la Santé Publique, Josiane Nijimbere, a sorti une correspondance dans laquelle elle indique que son ministère a été saisi par la société SALAH ALDERFEERI, qui serait devenue par après la société Royal services, pour lui demander l’autorisation de faire des examens en vue d’un recrutement du personnel. La ministre autorise alors à l’Hôpital Kira à procéder à ces examens. Pour l’Olucome, il n’y a aucun doute que le ministère ayant dans ses attributions la santé publique «soutient aussi ces sociétés d’autant plus qu’il délivre l’autorisation aux établissements hospitaliers d’opérer des examens médicaux à ces personnes à « vendre ».

D’aucuns se posent des questions : Pourquoi ce choix de l’Hôpital Kira? Serait-il impliqué? S’exprimant sur la Radio Isanganiro, le directeur général de cet établissement hospitalier, Christophe Sahabo, assure ne pas compter parmi ses clients une société dénommée Royal services. «Nous avons beaucoup de sociétés qui sont en convention avec nous pour des soins ou des bilans de santé. En regardant la liste de celle-là, je ne trouve pas cette société.» Et pourtant, Royal services affirme que c’est l’Hôpital Kira qui effectue des tests sur leurs recrues. «En tant que soignant, je ne peux savoir qui se trouvent derrière un patient.», se contentera de répondre Christophe Sahabo.


Entre une vie de rêve et maltraitances

Les jeunes filles qui sont de ces pays arabes dénoncent de mauvais traitements tandis que d’autres parlent d’une belle vie. Question de chance, disent-elles.

Zuwena : « Si c’était à  refaire,  je ne partirais  pas !
Zuwena : « Si c’était à refaire, je ne partirais pas !

«J’étais comme une prisonnière. Je n’avais pas le droit de sortir.», raconte une jeune fille revenue sous peu de l’Arabie Saoudite. «Je travaillais comme femme de ménage et je percevais environ 330.000 Fbu. Je n’avais jamais été payé une telle somme, c’est pourquoi j’acceptais tous les mauvais traitements que je subissais.»

«J’avais 17 ans à l’époque mais j’ai déclaré avoir 22 ans car on nous l’avait exigé. Les personnes qui sont à Oman travaillent en réseau avec des gens d’ici.», confie A.K, elle aussi revenue d’Oman. Selon elle, ces trafiquants te paient le billet d’avion et à l’arrivée ils te confisquent ton passeport et on te le donne à ton retour. «A mon arrivée, quelqu’un est venu m’acheter. Je travaillais comme un esclave. Je n’avais pas droit au repos.»

Une petite minorité en est satisfaite

Malgré qu’elle soit traitée avec humanité, Zuwena a décidé de retourner au Burundi après 8 mois. «Ils me payaient bien mais l’argent sans la liberté ne signifie rien pour moi.» D’après elle, certaines femmes et filles lui demandent souvent des conseils. «Je leur explique que ce n’est pas l’Eldorado comme elles le pensent et que si c’était à refaire, je ne partirais pas.»

Malgré ce décor sombre, tout n’est pas noir selon certaines filles vivant à Oman. «Je vis à Oman depuis une année et tout marche bien pour moi.», confie Ninette, la vingtaine, femme de ménage. Toutefois, elle assure connaître des filles qui n’ont pas le droit de sortir de la parcelle. «Certaines ont un jour de congé tous les vendredis, d’autre un seul vendredi par mois. Il existe d’autres qui ne peuvent même pas aller au marché sans être accompagnées par leurs patronnes.»

Pour Ninette, c’est une question de chance. «Tous les arabes ne se comportent pas de la même façon. Les pires sont ceux qui ont vécu en Afrique. Ce sont eux qui maltraitent leurs domestiques. J’ai eu la chance de tomber sur les arabes de souche et ils se comportent merveilleusement avec moi.»

Ninette conseille d’interdire le départ des mineures. «Ce sont elles qui rencontrent parfois des problèmes, notamment l’exploitation sexuelle, car elles sont encore des enfants. Il faut les intercepter à l’aéroport car je pense qu’il est facile de différencier une enfant de 14 ans et une jeune fille de 21 ans.»


«Les recrutements ne se font pas à partir des permanences du Cndd-Fdd»

Pascal Nyabenda :   «Je trouverai cela mal si c’étaient des mineurs qui sont recrutés.»
Pascal Nyabenda :   «Je trouverai cela mal si c’étaient des mineurs qui sont recrutés.»

Plusieurs sources affirment que les listes de recrues sont confectionnées dans les permanences du parti au pouvoir et que ce dernier serait impliqué. «C’est faux. Ce n’est pas à partir des permanences du Cndd-Fdd.

Si effectivement l’un ou l’autre a eu l’information par un Mugumyabanga et qu’il a pu le connecter à des personnes qui puissent le faciliter à trouver du travail ailleurs, ce n’est pas une faute. Mais tout doit se faire conformément à la loi.», indique Pascal Nyabenda, président du Cndd-Fdd.

Pour lui, il faut encourager les gens qui aident les jeunes burundais à trouver du travail dans d’autres pays tout en respectant la loi. «Je trouverai cela mal si c’étaient des mineurs qui sont recrutés ou si c’était du commerce. Si ce sont des adultes, ce n’est pas un problème car vous savez le taux de chômage que nous avons.»

Concernant les maltraitances que subissent ces filles, M. Nyabenda n’a pas cette impression. «Nous avons un ambassadeur en Arabie Saoudite qui de surcroît est musulman. On pourrait le contacter pour nous dire ce qui se passe exactement avec ces gens qui sont dans ce pays.»

Forum des lecteurs d'Iwacu

14 réactions
  1. jean

    Ce traffic existe depuis au moins 15 ans dans la sous region. Comme le marché du Kenya est epuisé, ils viennent alors chez nous. Le gouvernemnt du Kenya a annulé les agréments de ces organisations; il faut que le nôtre fasse de même. C’est dommage que ce sont surtout les femmes et filles musulmanes qui sont visées et vendues par leurs frères de foi. En Mai denier quand j’embarquais pour Nairobi, j’ai vu au moins cinq filles et femmes musulmanes et j’ai tout de suite soupçonné qu’elles partaient dans le cadre de ce traffic. Si au moins ells demandaient conseils à celles qui sont de retour, je suis sûr que beaucoup se désisteraeint.

  2. RUGAMBA RUTAGANZWA

    @Fabrice MANIRAKIZA et toute l’equipe qui a ecrit cet element, expliquez-moi, s’il vous plait
    cette phrase qui se trouve dans votre texte:
     »En plus de l’exploitation économique et sexuelle, la FENADEB ajoute que ces enfants trafiqués subissent des transplantations d’organes comme le rein, le cœur, le foie vendus à des très gros montants ».

    On leur transplante des organes ou alors on leur en prend pour les donner a ceux qui sont dans le besoin?

  3. RUGAMBA RUTAGANZWA

    Saviez-vous que le trafic des êtres humains est un crime contre l’humanité? Dans un pays où la Justice fonctionne, les enquêtes auraient déjà commencé pour établir les responsabilités et traduire les fauteurs de trouble devant les juridictions nationales. Ceci n’est pas le cas au Burundi où le Ministère de la Justice semble n’exister que de nom surtout depuis avril 2015. On aura tout vu sous le règne des anciens maquisards CNDD-FDD

    • Orignal

      Nashaka mfate kano kanya mvuge nti abarundi na cane cane abanyapolitike turazi gufatira hamwe ibintu. Iki kibazo nubwo atari ico kwirengagiza , abantu ntitwari dukwiye kubisigura uko bitari. Birashoboka ko abo barabo bafata nabi abo bakozi babo. Ariko , mbega ni muri aka karere gusa abakozi bariko bakora muri mwene ubwo buryo ? Ama compagnies meshi yo muri amérique du nord akoresha abakozi akuye muri amérique latine . Jewe nibaza ko ahubwo wari umugambi mwiza ariko bikorwa nabi . Leta y’Uburundi nivyo bihugu bakeneye abakozi , bakwiye kugiriranira amasezerano , hanyuma abakeneye ako kazi bakagenda bizwi neza amategeko abagenga , mbere washaka nabo nyene bakazoja baratanga amakori. Ariko bitondere amashirahamwe acagura abakozi kuko bishoboka ko harimwo abikinga mu kiza bakarungika abaja gukora ayandi mabi atari akazi kaba kavuzwe !!! Murakoze .

    • Ngenzi

      @RUGAMBA RUTAGANZWA : «Ceci n’est pas le cas au Burundi où le Ministère de la Justice semble n’exister que de nom surtout depuis avril 2015. On aura tout vu sous le règne des anciens maquisards CNDD-FDD»

      Tu veux nous faire croire que la problématique de trafic humain aurait été mieux traitée par les anciens militaires upronistes tutsis, s’ils avaient réussi leur coup d’éclat de 2015. Mais, tu oublies que les pires crimes humanitaires du Burundi ont été commis sous leur règne avec un motus, bouche cousue là-dessus!… Nostalgie quand tu nous tiens !!!

  4. Kimaranyi

    Pour Nyabenda pourvu qu’il reçoit sa commission le reste de comment ses burundaises sont traitées ne le concerne pas. C’est vraiment très révoltant d’entendre de tels propos sortir de la bouche du président d’un parti au pouvoir lequel est sensé être l’auteur du programme du Gouvernement qui en est issu. Ses propos montrent très bien que son parti est au courant de ce trafic .

  5. Jereve

    Nkurikiye est en train de sous-estimer la fonction de la PAFE en lui donnant le rôle ingrat de distributeur automatique des passeports à quiconque a les documents et est majeur.

    • Meurlsaut

       »Selon Ashura,il y a des critères de sélection:être musulmane et avoir une certaine beauté ». Travail ou prostitution? Depuis quand la beauté est-elle le critère pour avoir du travail? On aura tout vu au Burundi sous le règne dd.

      • Bakari

        @Meurlsaut
        « Depuis quand la beauté est-elle le critère pour avoir du travail? »

        Vous voulez dire que le faciès (la gueule) n’intervient pas lors de l’attribution d’un emploi? Mon oeil! Le monde du travail restera le royaume de la subjectivité jusque dans la nuit des temps!
        Par ailleurs cette problématique des gens qui sont prêts à faire un saut dans l’inconnu afin d’améliorer leur quotidien nous rappelle que l’esclavagisme (moderne) a encore de beaux jours devant lui.

        • Meurlsaut

          @Bakari
          Qui dit faciès dit aspect du visage,physionomie et qui dit gueule parle familièrement de bouche pour la communication.Je ne vois pas de rapport entre les deux.Laissez-moi vous demander:est-ce pour une compétition de beauté que vos filles vont en Arabie saoudite ou à Oman? A quand la compétition? Et puis si comme vous le dites  »l’esclavage moderne a encore de beaux jours devant de lui »,chez nos dd il est en voie de devenir une institution puisque le recrutement pour nourrir cet esclavage- à certains endroits au Burundi- se fait à la permanence du parti au pouvoir.Remarquez aussi qu’ailleurs sur toute notre planète,le monde du travail est et restera le royaume de la compétence et de l’efficacité,il est regrettable si chez les dd vous êtes encore dans au niveau de la subjectivité,du clientélisme et du faciès pour obtenir du travail.

          • Meurlsaut

            dans au niveau lisez dans et au niveau

      • Jean

        @ Meurlsaut: A ce que je sache, dans le recrutement des domestiques on a me droit de meme preciser la race, religion etc due candidat, d’apres les normes legales occidentales!!!! Par ailleurs parler de beaute n’implique pas necessairement la prostitution.

        • Meurlsaut

          @Jean
          Je suis passé et séjourné dans certains pays occidentaux comme en Amérique du Nord.Je ne connais pas ce pays où l’on exige la race ou la religion comme critère de sélection pour un travail domestique.C’est lequel? Ce qui est exigé par contre c’est un CV (curriculum vitae) qui indique la formation et la compétence du candidat au sujet du travail demandé.C,est du nouveau ce que tu racontes!
          Je n’ai pas dit non plus que la  »beauté implique nécessairement la prostitution ».Mais exiger comme critère de sélection la beauté à une fille est un signe parlant qu’on cherche à vendre son charme.A moins que tu me dises qu’il y a une compétition de Miss Univers en Arabie Saoudite et à Oman où seules les beautés burundaises sont invitées!

      • neutre

        pour les publicité, les hôtesses de l’ air, réceptionistes, les serveuses les danseuses doivent avoir une certaine beauté. Ariko ikimbabaza nuko muburundi abarundi benshi bafise une certaine beauté hanyuma bakaba batakijije uburundi. Nimba bishinga kuyayata basama.

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