Dans une déclaration du 1er juillet, le Forum pour la conscience et le développement met en cause le parti au pouvoir et certaines institutions étatiques dans le trafic des jeunes filles vers les pays du Moyen-Orient.
«Le FOCODE a reçu des témoignages provenant de plusieurs provinces qui corroborent l’implication des structures du parti au pouvoir dans les recrutements des filles (et des femmes) pour des emplois à Oman et en Arabie Saoudite », indique Pacifique Nininahazwe, président du Focode. Selon lui, les inscriptions, les départs pour des examens médicaux, les formations ou parfois les examens médicaux se sont déroulés dans les permanences provinciales du parti.
Les enquêtes du Focode mettent en cause certains présidents provinciaux du parti Cndd-Fdd comme ayant coordonné les recrutements des filles dans leurs provinces. Ils s’agissent, selon le Focode, d’Anglebert Ngendabanka à Cankuzo, Domitien Bavakure à Karusi, Juvénal Havyarimana à Bubanza et Ildéphonse Turinumugabo à Muyinga. «Le député Victor Burikukiye, premier vice-président du parti au niveau national, a été cité comme coordinateur national de ces recrutements au niveau du CNDD-FDD», souligne le Focode.
« C’est la faute de l’administration. »
Le Focode met en cause plusieurs institutions étatiques. En premier lieu, la PAFE (Police de l’aire, des frontières et des étrangers) et le Service national des renseignements (SNR). «Des trafiquants ont témoigné qu’ils avaient payé de sommes importantes au SNR et à la PAFE pour travailler en toute tranquillité. Un trafiquant a révélé qu’il avait payé 6 millions de francs burundais au SNR pour débuter le trafic et qu’il continuait à payer à un cadre du SNR 400 dollars pour chaque fille livrée à Oman et 20 à 30 milles francs burundais pour chaque passeport sorti par la PAFE.»
Les services aéroportuaires sont aussi pointés du doigt. «Ainsi la PAFE et l’aéroport ont accordé des facilités aux trafiquants. Les passeports des filles ont été accordés de manière groupée en un temps record ; de même certains trafiquants accompagnaient « leurs filles » à l’aéroport de Bujumbura parfois jusqu’au tarmac.»
La PAFE et les services aéroportuaires se dédouanent. C’est la faute à l’administration. «On ne peut pas refuser un passeport à quelqu’un qui a des documents valables et délivrés par les autorités administratives», indique Jimmy Hatungimana, commissaire général de la PAFE. Toutefois, il fait savoir que son institution a instauré un contrôle pour les filles, demandeuses de passeports, nées à partir de 1991 et plus. «Si elle est célibataire, elle doit se présenter avec ses parents et si elle est mariée, son époux doit être présent.» Le commandant de la police aéroportuaire rappelle que l’Aéroport de Bujumbura est international. «Nous accueillons quiconque se présente avec des documents valides. Le reste est l’affaire de l’administration.»
«Arrêtez de nous faire perdre du temps»
D’après le Focode, le ministre de l’Intérieur, Pascal Barandagiye, est cité par des trafiquants «comme ayant autorisé leurs activités de manière verbale, via des intermédiaires officieux,» ainsi que quelques administratifs à la base. Le cabinet du président de la République est aussi mis en cause. «Certains trafiquants ont informé le Focode qu’ils s’étaient d’abord assuré de l’aval de la présidence de la République avant de débuter le trafic. Un conseiller au cabinet de Pierre Nkurunziza, R.S., est cité comme ayant servi d’intermédiaire entre le cabinet et les trafiquants.»
« Chaque fois qu’ils écrivent leurs foutaises, vous allez venir recueillir des réactions au cabinet du président. Ecrivez tout ce que vous voulez et arrêtez de nous faire perdre du temps », dixit le conseiller principal en communication du président Nkurunziza, Willy Nyamitwe.
Iwacu a tenté de joindre le porte-parole du Cndd-Fdd, Gélase Ndabirabe, et le ministre de l’Intérieur, sans succès.