Kenny, un garçon de 6ans a disparu depuis plus d’un mois. Emprisonné, le père avoue qu’il l’a vendu à deux cent mille à un militaire originaire de la province Cankuzo, de retour d’une mission en Somalie. Par contre, l’administrateur de la commune Kigamba pense que la famille paternelle aurait voulu récupérer l’enfant.
« Je veux qu’il paye pour le tort qu’il nous a fait, à moi et à mon fils », explique Odette Nijimbere, mère du petit garçon enlevé puis retrouvé sur la colline Bugendajoro, commune de Kigamba en province de Cankuzo grâce aux aveux du père.
La mère, caissière dans une boutique en commune urbaine de Kanyosha, au sud de Bujumbura, raconte qu’elle vivait seule avec son fils dans la commune de Musaga voisine, le père ayant refusé de reconnaître sa paternité. Le jour du rapt, le petit garçon joue avec d’autres enfants du quartier, son père arrive et lui ordonne de partir avec lui : « C’est ce qu’on m’a raconté le soir quand je suis rentrée. J’ai remarqué qu’il n’est pas venu m’accueillir. D’habitude, il venait m’embrasser. »
Le lendemain, elle informe l’administrateur de la commune de Musaga de la disparition de son fils. Le père est le premier suspect. Les recherches commencent mais il est introuvable. Cinq jours après, le père du petit Kenny est retrouvé à une station service à Musaga là où il a l’habitude de passer ses journées car n’ayant pas de travail.
<doc697|left>Selon la mère, après une semaine de détention au cachot communal, le père avoue avoir amené l’enfant à Cankuzo. Deux semaines après, grâce au soutien financier de l’ADDF, elle se rend sur la colline de Bugendajoro en compagnie de l’administrateur communal de Kigamba. Les choses ne se passent comme prévu. Le prétendu patron, un militaire refuse de lui rendre son fils sans qu’on lui rembourse les 200 mille qu’il a donnés au père : « C’est là que j’ai compris que mon fils avait été vendu par son propre père ! C’est incroyable, ça dépasse l’entendement ! »
Trafic ou conflit familial ?
Jean Pierre Muhamirizo, administrateur de Kigamba, a une autre version des faits. Selon lui, c’est un conflit familial. Sa tante paternelle, l’épouse du militaire, aurait voulu récupérer l’enfant, estimant qu’il vivait dans de mauvaises conditions. L’administrateur affirme avoir trouvé le petit Kenny chez elle en train de garder le bétail. Néanmoins, il affirme ne pas être au courant de la demande des 200 mille francs. Et de déplorer que les prétendus parentés aient agi sans penser aux conséquences de cet acte que certains peuvent considérer comme un rapt.
« Le trafic des enfants est une triste réalité dans notre pays », indique Prisca Niyonzima, coordinatrice projet GRAPP (Great Lakes Regional Anti-trafficking protection partnership), qui s’occupe de la protection des victimes du trafic d’êtres humains. Les bourreaux, souligne-t-elle, choisissent des mineurs car faciles à trompes et profitent de leur vulnérabilité pour leur faire faire de tout ce qu’ils veulent : « Cet enfant a été forcé de travailler. » Ainsi, le projet GRAPP va donner une assistance psycho-sociale et économique à la famille de petit Kenny. D’après Mme Niyonzima, le GRAPP est aussi prêt à fournir une assistance juridique à la mère de Kenny si elle le souhaite.
Pour Christine Nsengiyumva, le commandant de la police des mineurs, le père de cet enfant doit répondre de ces actes devant la justice : « Selon la convention internationale des droits de l’enfant, les parents sont les premiers à protéger l’enfant. Se soustraire aux obligations légales est puni par la loi. » Mme Nsengiyumva reconnaît que le trafic des enfants est un phénomène qui prend de l’ampleur mais que seule la police ne peut éradiquer. Pour elle, les parents, les décideurs et tous les intervenants doivent conjuguer leurs efforts et s’engager à combattre ce trafic.
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GRAPP est un projet de l’ONG américaine Heartland Alliance for Human Needs and Human Rights. Il s’occupe de la protection des victimes du trafic des êtres humains. Il intervient spécifiquement sur trois types de trafic à savoir : l’exploitation sexuelle, le travail forcé et les enfants soldats. Ainsi, les victimes bénéficient de l’assistance psycho-sociale, de la réintégration scolaire pour les victimes mineurs (matériels scolaires, frais de scolarité,…), de la réintégration familiale, de l’assistance économique (formation en activités génératrices de revenus, kit de réintégration), des soins médicaux ainsi que de l’assistance juridique. Les cas de mineurs qui ont subi le travail forcé enregistrés par GRAPP, sont 35 dont 25 filles. Douze parmi elles ont subi des violences sexuelles. Les auteurs sont soit leurs patrons soit des travailleurs domestiques ou encore des voisins sur le lieu de travail.