En février 2012, les députés ont refusé de voter une loi sur le paiement de l’Impôt Professionnel sur les Rémunérations (IPR) pour les dignitaires. La société civile rappelle que les hauts dignitaires doivent contribuer au développement du pays.
« Un riche fonctionnaire qui touche 40.001 Fbu paie pour un pauvre qui gagne mensuellement 2 millions Fbu ou plus », ironise N. K., un fonctionnaire habitant la commune urbaine de Kanyosha. Il ne touche que 86.000 Fbu par mois doit payer l’Impôt Professionnel sur les Rémunérations (IPR). Il va très loin : « Nos autorités ont bien lu la bible et l’ont comprise : Ceux qui ont plus auront le surplus, et celui qui a peu de richesses les perdra. » K. B., un fonctionnaire moyen habitant la commune urbaine de Cibitoke, considère qu’il vit par miracle : « Je touche mensuellement 140.000 Fbu et paie un loyer de 150.000 Fbu. » Or, avec son maigre salaire, il paie un IPR de 35%. Pour lui, c’est révoltant que les membres du parlement, du gouvernement et d’autres cadres qui touchent des millions ne payent pas d’impôt. Il qualifie les parlementaires d’égoïstes : « Ils ont rejeté une loi sur l’IPR des dignitaires pour continuer à profiter de nous. » Un fonctionnaire qui touche moins de 40.000 Fbu ne paie pas l’IPR, mais celui qui touche 40.001 Fbu paie l’IPR de 27%.
« On ne pouvait pas voter une loi qui serait contestée demain »
Bonaventure Gasutwa, vice-président de la commission chargée de la bonne gouvernance et de la privatisation à l’Assemblée Nationale, précise que le paiement de l’IPR par les hauts fonctionnaires est une innovation : « Il doit être soutenu par des mesures légales. » Lors de la session de février, explique ce député de l’UPRONA, une loi sur l’IPR des mandataires politiques présentée par le gouvernement n’avait pas été bien analysée : « Cette loi simple ne pouvait pas abroger les avantages des députés prévus par la Constitution. Ce qui implique que cette loi fondamentale et le code général des impôts doivent d’abord être modifiés. » M. Gasutwa constate qu’il ne fallait pas voter une loi qui serait contestée demain. Selon Pierre Nduwayo, porte-parole de l’Association Burundaise des Consommateurs (ABUCO), les parlementaires invoquent des arguments juridiques pour échapper au paiement de l’IPR : « Ils sont en face d’une loi qui ne les avantage pas parce que l’impôt viendrait enlever quelque chose sur leurs revenus. » M. Nduwayo estime plutôt qu’ils devraient donner l’exemple aux citoyens, qui les ont élus, en payant l’impôt. « C’est inacceptable, parce que ces dignitaires ont des salaires très élevés, qui proviennent de l’impôt payé par les citoyens. Et ils ont beaucoup de privilèges (voir encadré), alors que la population continue de se sacrifier pour garantir les intérêts de ces gens », lance furieusement le porte-parole de l’ABUCO.
« Ils ont voté la loi des finances et refusent de payer l’impôt »
Le paiement de l’impôt est bien mentionné dans la loi budgétaire de 2012, d’après Pierre Nduwayo : « Ce qui est paradoxal est qu’ils l’ont voté à l’unanimité mais aujourd’hui ne veulent pas payer l’impôt. » Par conséquent, observe-t-il, ceux qui devaient protéger la loi sont ceux qui la violent sciemment et se dérobent de leurs responsabilités : « Le peuple a l’obligation de les ramener à l’ordre par des actions concrètes reconnues par la loi, notamment la grève générale ou la manifestation dans les rues. » La ministre de la Fonction Publique a indiqué que cette loi est au niveau du ministère des Finances. A son tour, le porte-parole de ce ministère a déclaré qu’elle est au gouvernement. Projet de loi portant institution de l’IPR pour hauts fonctionnaires, repoussé par les députés en février 2012. Article 1 : Tout mandataire ou cadre politique, tout cadre ou agent de l’Etat exonéré de l’Impôt Professionnel sur les Rémunérations (IPR) est désormais redevable de cet impôt. Celui-ci est calculé suivant le taux et les modalités prévues par le Code Général des Impôts et Taxes. Article 2 : En vue de l’applicabilité du Code Général des Impôts et Taxes, la structure des rémunérations est établie selon un tableau fixé par décret pour les mandataires, cadres et agents de l’exécutif et par instruction intérieure pour les mandataires et cadres politiques du parlement.
Cadres et mandataires exonérés d’IPR :
– Président de la République – Présidents de l’Assemblée Nationale et du sénat
– Premier et deuxième vice-présidents de la République
– Les vice-présidents des chambres du parlement – Les membres du gouvernement (ministres)
– Les chefs de cabinet du Président de la République
– Le chef de cabinet civil adjoint du Président de la République – Les chefs de cabinet des présidents des chambres du parlement – Les conseillers principaux et aux différents cabinets au parlement et à l’exécutif
– Les secrétaires permanents des ministères
– Les membres de la Commission Nationale des Terres et Autres Biens – Les cadres et agents de l’institution de l’Ombudsman
– Députés et sénateurs
– Cadres et agents du ministère à la Présidence chargé de la Bonne Gouvernance et de la Privatisation
– Cadres et agents de la Brigade Spéciale Anti-corruption
– Cadres et agents de la Cour Anti-corruption – Membres du Conseil National de la Communication (CNC)