Malgré sa richesse en ressources naturelles et touristiques, le Burundi porte le bonnet d’âne dans l’EAC. Denis Nshimirimana, secrétaire général de la Chambre Fédérale du Commerce d’Industrie du Burundi, fait le point.
Pourquoi le Burundi encaisse peu de recettes touristiques par rapport aux autres pays de l’EAC ?
Il convient d’abord d’interroger, dans une perspective historique, la politique nationale du tourisme pour identifier les raisons de cet échec. En 2012, le gouvernement a remarqué que le secteur du tourisme constitue l’un des piliers de la croissance économique. Il a mis en place une stratégie nationale de développement durable du tourisme. Même dans le document du cadre stratégique de lutte contre la pauvreté deuxième génération (CSLP II), le tourisme est classé parmi les secteurs porteurs de la croissance. Il vient après le secteur agriculture et élevage et le secteur minier. Malheureusement, les stratégies de valorisation des patrimoines historiques et des sites touristiques n’ont pas suivi. Aujourd’hui, le secteur touristique burundais souffre d’un manque d’une politique incitative.
Quelle place occupe le Burundi ?
Le Burundi est en dernière position dans l’EAC. Les recettes touristiques sont estimées à 16 millions de dollars pour le Burundi, 300 millions pour Rwanda, 800 millions pour l’Ouganda, 1 milliards pour le Kenya et 1,8 milliards pour le Tanzanie. Pourtant, le Burundi ne manque pas de potentialités puisqu’il recèle d’innombrables atouts naturels et culturels qui pourraient faire de lui un pôle touristique d’excellence dans la région.
Quel est l’état des sites touristiques?
Plusieurs sites naturels et historiques ne sont pas bien aménagés. Ils appartiennent à l’Etat. Il revient donc à l’Etat de les mettre en valeur ou de les faire exploiter. Mais c’est avant tout une affaire d’opérateurs privés qui investissent en construisant des hôtels et des restaurants. Ils créent également les agences de voyages et les tours opérateurs. Il faudrait confier la gestion des sites touristiques aux opérateurs privés. Pour inciter le secteur privé, l’Etat peut envisager un contrat emphytéotique allant jusqu’à 50 ans pour leur permettre d’amortir leurs investissements.
Quid des infrastructures d’accueil ?
Plusieurs sites n’ont pas d’infrastructures d’accueil. La chute de Karera souffre d’une insuffisance criante d’infrastructures d’accueil. Les touristes ne peuvent pas trouver une boutique ou acheter de l’eau. Ils ne peuvent ni se restaurer ni se reposer ou encore avoir accès à des toilettes. C’est dû à une planification insuffisante et à l’insuffisance des moyens de gestion du secteur.
Et le visa d’entrée ?
Le visa à l’arrivée à l’aéroport a été supprimé, suite à la crise de 2015. Les touristes sont ainsi découragés de venir au Burundi. Ceux des pays de l’Amérique latine doivent se rendre au Brésil pour s’en procurer, ce qui occasionne des frais supplémentaires. Les touristes préfèrent aller dans les autres pays de l’EAC qui leur délivrent un visa d’entrée aussitôt arrivés à l’aéroport.
Le Burundi n’a pas encore décidé de se doter d’un système de visa électronique permettant une demande en ligne des touristes. Il est surtout utilisé pour le tourisme et le commerce. Le paiement se fait en ligne et le temps d’attente est réduit. Les touristes payent les frais de visa via une banque correspondante ou lorsqu’ils arrivent à l’aéroport.
De surcroît, le Burundi et la Tanzanie n’ont pas encore adhéré au visa touristique unique de l’EAC. Il coûte 100 dollars alors que celui du Burundi vaut 60 dollars. Les touristes préfèrent le visa touristique unique, qui leur permet, pour l’heure, de circuler facilement au Kenya, en Ouganda et au Rwanda.
Ce secteur a-t-il un personnel qualifié?
Le niveau médiocre de la qualité du service offert est surtout consécutif au très faible effectif d’employés ayant suivi une formation spécifique en hôtellerie et tourisme. Nul n’ignore que la majorité du personnel des hôtels et restaurants se forme sur le tas.
La plupart des réceptionnistes et des maîtres d’hôtels ne parlent pas l’anglais. En plus, les hôtels qui ont des menus en anglais se comptent sur le bout des doigts. Or plusieurs touristes sont des anglophones.
En outre, le Burundi est le seul pays de la région sans école supérieure de tourisme. Il y a quelques sections à l’Ecole technique de Kamenge et au lycée de Bukeye. Aujourd’hui, elles ont des problèmes de manque de professeurs et de matériels didactiques.
Comment appréciez-vous la promotion de ce secteur?
Le Burundi est un mauvais élève dans la promotion et le marketing touristiques. Le Burundi est le seul pays de l’EAC qui n’a pas de compagnie aérienne, Air-Burundi n’étant pas fonctionnel. Or, le rôle des compagnies aériennes dans la promotion du tourisme est primordial. Elles deviennent des ambassadrices des pays dont elles sont originaires. A bord, les passagers accèdent aux dépliants vantant les sites touristiques.