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Touche pas à ma parole !

05/05/2013 Commentaires fermés sur Touche pas à ma parole !

Comme le veut la sagesse burundaise, "c’est un sacrilège d’insulter un chef mais il n’est pas interdit de lui dire la vérité". Cette vertu devenue tabou au temps des Républiques issues des coups d’Etat est pourtant ancestrale. Les cloches de la liberté ne sonneront qu’à partir des années 1990 avec le souffle de la démocratie. Le train de la liberté d’expression est en marche.

<doc7926|left>D’entrée de jeu, actualité oblige. Innocent Muhozi, directeur de la Radio télé Renaissance en même temps président de l’Observatoire de la presse au Burundi(OPB), avertit : « Que les Burundais n’acceptent pas que quelqu’un fasse reculer leur liberté d’expression, leur développement, leur bien-être. » Le ton est donné mais Adolphe Manirakiza, vice-président du Conseil Nationale de la Communication, relativise : « Comparés à la région, nous sommes parmi les premiers qui peuvent permettre à chaque Burundais d’exprimer ses opinions, surtout à travers les radios. C’est vrai que des problèmes peuvent surgir, mais nous sommes parmi ceux qui peuvent s’exprimer sans craindre des répressions.»

Selon le président de l’OPB, la liberté d’expression est très utile, elle passe par les médias, mais il y a bien d’autres moyens comme manifester dans la rue. Pour ce qui est de la liberté de la presse, explique-t-il, un pas appréciable a été franchi. « Mais quand il y a un journaliste qui se fait emprisonner pour avoir exprimé ses idées ou qui est passé à tabac, cela fait régresser le pays dans les classements », regrette Innocent Muhozi. Selon lui, des entraves à la liberté de la presse influent sur la liberté d’expression.

Une limite culturelle à la liberté artistique ?

Selon Léonce Ngabo, musicien et président du FESTICAB (Festival international du cinéma et de l’audiovisuel du Burundi), pour ce qui est de l’art et de la culture, la loi n’est pas encore très explicite: « On peut s’exprimer, faire du cinéma ou toute autre forme d’expression, tout en évitant toute atteinte à la pudeur publique. »
Un hic. « Il y a des limites, avant même que la loi ne le précise. Des images tolérées dans certains pays ne le sont pas dans le nôtre. Mais globalement, les artistes peuvent exprimer leurs idées librement », reconnaît-il. Mais M. Muhozi lui fait remarquer que des conclusions hâtives sont à éviter quand il est question de la culture burundaise.

Attention aux émissions en direct

Changement de cap avec le vice-président du CNC qui revient sur les émissions en direct : « Les gens ont tendance à exagérer. Il faut être prudent pour ne pas commettre un délit de presse. Un invité peut décider de proférer des calomnies ». Là, poursuit-il, il y a lieu de se demander si le journaliste est bien conscient que son invité est en train de l’induire en erreur ou si le journaliste ne lui a pas laissé consciemment la possibilité d’abuser du langage. « C’est là que nous les invitons à être attentifs. Il faut éduquer la population. Il en va de la responsabilité des médias  », avertit le colonel Adolphe Manirakiza.

<doc7927|left>Selon lui, les médias doivent promouvoir les valeurs du respect mutuel: « La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. Le CNC encourage les médias à travailler conformément à la loi. » Et Léonce Ngabo lui rappelle que « l’obligation de payer 300$ avant de faire un film freine de jeunes talents dans leurs productions ». C’est pour des films à caractère commercial, répond le Colonel Adolphe Manirakiza. Mais peu convaincu, Léonce Ngabo demande que le cinéma soit du ressort du ministère de la Culture. Le Colonel Adolphe Manirakiza se défend : « Ce n’est pas pour freiner la liberté d’expression, c’est pour vérifier s’il n’y a pas des séquences contraires à la culture burundaise et en désaccord avec la loi. S’il y a à corriger, nous leur demandons de rectifier. » A ces mots, un duel s’engage entre le vice-président du CNC et le président de l’OPB : 
– Mais cette idée de vérifier les scripts au préalable, c’est une insulte ! Mon colonel, est-ce qu’il y a un comité de lecture professionnel pour examiner les scenarios ?
– Nous n’avons pas d’experts pour ce travail. Mais nous utilisons la raison du cœur et la logique pour discuter avec eux.
– Et s’il refuse de corriger ?
– Il doit le faire. Nous échangeons jusqu’à trouver un terrain d’entente.

Et Innocent Muhozi de répliquer en se posant des questions : « Comment est-ce quelqu’un qui n’est pas de mon métier pourrait corriger mon éditorial, mon scénario ou mon reportage avant qu’ils ne soient diffusés ? C’est un blocage évident qui ne devrait pas exister. »

Selon lui, il y a deux obstacles sur le chemin de la liberté d’expression : une mauvaise loi et les moyens. Mais le vice-président du CNC se dit optimiste : « D’ici 2025, chaque Burundais sera en mesure de s’exprimer sans être inquiété ». Un espoir qui n’est pas du goût de M. Muhozi: « Je n’ai pas à espérer, il faut rendre concret la liberté d’expression, nous ne sommes pas maudits. » D’après Léonce Ngabo, la fibre optique va révolutionner le domaine de la presse et de l’audiovisuelle : « Il faut se préparer en conséquence pour ne pas être submergé par des productions externes. »

<quote><img7929|right><img7930|right><img7928|left>Ce travail nous vient de "Ninaba Nibuka" (« Si Ma Mémoire Est Bonne »), une co-production de la Radio Isanganiro, Groupe de Presse Iwacu et la Télévision Renaissance, en partenariat avec La Benevolencija, qui donnent la parole aux citoyens Burundais sur des sujets liés à l’histoire récente du Burundi. Les productions se font grâce au soutien de l’Union Européenne, dans le cadre du Pacam</quote>

CNC

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