Mardi 05 novembre 2024

Société

Torture d’Yvette Iradukunda : Interdit de compatir ?

14/10/2019 Commentaires fermés sur Torture d’Yvette Iradukunda : Interdit de compatir ?
Torture d’Yvette Iradukunda : Interdit de compatir ?
Jean Claude Ndagijimana et Aimable Nkurikiye se disent pourchassés.

A la suite de la médiatisation du passage à tabac d’Yvette Iradukunda par l’administrateur de la commune Mugongomanga, deux hommes de la zone Ijenda se disent persécutés. Ses parents ont été également appréhendés. Ils seraient accusés d’avoir dénoncé cette torture. Iwacu s’est rendu à Ijenda.

La compassion. C’est le ‘‘crime de lèse-majesté’’ dont seraient victimes deux hommes d’Ijenda. Ils ont manifesté sans faux-fuyant ce sentiment à Yvette Iradukunda, la fille violentée, il y a deux semaines, par Diomède Ndabahinyuye, l’administrateur communal de Mugongomanga.

D’abord, Aimable Nkurikiye. Ce sexagénaire n’a pas mâché ses mots, lundi 7 septembre, lors de la réunion communale de sécurité.

Alors que des plaintes quant à cette torture étaient sur toutes les lèvres à Ijenda, la question s’est invitée dans cette réunion tenue par l’administrateur. Les différentes prises de parole à propos sont passées du simple démenti aux accusations de diffamation, de calomnie, de médisance envers l’autorité communale.

Ceux qui avaient un avis contraire, la plupart des participants, se sont abstenus de s’exprimer, terrorisés, devant la personne de l’administrateur.

L’intervention d’Aimable Nkurikiye, à l’issue de la réunion, sera une surprise totale. Comme pour parler au nom de la “masse silencieuse”, il s’est inscrit en faux contre les positions antérieures. Pourquoi ne m’accuse-t-on pas, ou le commissaire communal ou toute autre personne? Si ce sont des diffamations, avec toute votre autorité, pourquoi ne traduisez-vous pas les auteurs devant la justice? C’est qu’il y a anguille sous roche, a finalement conclu Nkurikiye, sous un tonnerre d’applaudissements dans la salle.

Avec les applaudissements, il se sentait alors fier d’avoir dit la vérité. L’administrateur a alors dénoncé une ‘’imposture’’ de la part de son administré. «Celui qui relaie l’injure, injurie lui-même », a-t-il lâché.

Quatre jours plus tard, il paiera son impudence. Avant d’être libéré, il sera interrogé par les services de renseignement en province Bujumbura sur ses ‘’calomnies’’ envers l’administrateur. Et d’être mis en garde : «Monsieur, vous mourez de votre langue, de vos paroles. Vous laisserez orphelins vos enfants».

Pour ce vieil homme, la vie de tout humain se trouve entre les mains de Dieu. «Je ne tairai jamais la vérité». Aimable Nkurikiye se dit confiant envers les services de renseignement. «Ce sont des hommes intègres. Je ne crois pas qu’ils puissent traiter injustement un innocent».

«Détenu pour être soupçonné d’avoir appelé les médias »

Quant à Jean Claude Ndagijimana, il est également arrêté vendredi, alors en pleine réunion du mouvement Scout. Emmené manu-militari dans les cachots du SNR en mairie de Bujumbura, il est relâché, le lendemain, après être interrogé sur sa collaboration avec les médias, essentiellement Humura et Inzamba, visant à salir l’administrateur.
Selon les témoignages à Ijenda, son dossier est aussi lié à l’affaire Yvette. Des sources concordantes rapportent que, lors de l’arrestation de Ndagijimana, un chauffeur de l’administrateur, en même temps patron du SNR en commune Mugongomanga, aurait revendiqué avoir commandité l’arrestation. «Il travaille avec les médias qui ternissent l’image de notre commune en s’attaquant à l’administrateur», aurait-il expliqué. Probable, confie Jean Claude Ndagijimana, cet homme était dans le véhicule qui m’a embarqué pour Bujumbura mairie.

Ces sources confient que le différend entre Ndagijimana et l’administrateur est né quelque peu auparavant. D’après elles, après la torture, ce jeune homme s’est rendu au chevet d’Yvette Iradukunda alors à l’hôpital. Des membres de la CNIDH sont arrivés un peu après lui. Ensuite, des reporters d’un médium local sont arrivés.

Le chauffeur de l’administrateur qui avait suivi le mouvement, selon ces témoignages, auraient alors mal interprété les visites. «Il a cru que c’est Jean Claude qui a appelé les médias et le CNIDH dans le but de salir l’autorité de l’administrateur». Or, confie Jean Claude Ndagijimana, je ne leur ai jamais parlé. « Quand ils sont arrivés, je suis d’ailleurs sorti ».

La situation s’est alors aggravée avec la médiatisation de la torture. Jean Claude Ndagijimana dit craindre pour sa vie. Il demande que sa sécurité soit assurée. «Il n’y a pas de raison de s’acharner contre moi. Je suis apolitique». Et de demander au SNR qu’il lui remette sa carte d’identité.

«Nous avons porté le dossier au ministère de la Justice…»

Yvette Iradukunda, la victime de l’administrateur communal, à l’hôpital après son passage à tabac.

L’acharnement contre les dénonciateurs de la torture d’Yvette Iradukunda ne fléchit pas. D’après des sources de la commune Rusaka en province Mwaro, sa commune natale, ses parents ont été arrêtés, jeudi 10 octobre vers 2h du matin, par des policiers de Mugongomanga. «Ils ont été emmenés on ne sait pas où. Sur place, ces agents de police les ont accusés de porter atteinte aux institutions».

Iwacu a contacté Diomède Ndabahinyuye pour s’exprimer sur ses allégations. Au lieu de répondre, il a menacé : «Vous regretterez ce que vous avez fait. Vous avez relayé de fausses informations.»

Sixte Vigny Nimuraba, président de la CNIDH, soutient avoir enquêté sur ledit acharnement. Il confie n’avoir pas trouvé de lien avec la torture d’Yvette Iradukunda. En revanche, les enquêtes de sa commission au sujet de cette torture se sont avérées vraies. «Nous avons porté la question au niveau du ministère de la Justice et du parquet général de la République », assure-t-il, avant d’ajouter : «Ils ont promis de trancher équitablement le dossier sans considération du statut de l’auteur du crime, pourvu que la famille de la victime porte plainte.»

La commission nationale indépendante des droits de l’homme(CNIDH) se dit disposée à suivre de près l’interpellation des parents de la victime.

Le dossier de la torture d’Yvette Iradukunda remonte au dimanche 22 septembre. Elle a été tabassée par l’administrateur Ndabahinyuye sans motif apparent. Iwacu a mené une enquête sur ce cas et s’est entretenu avec la victime et différentes autres sources. Parmi lesquelles, les parents de la victime qui demandaient que justice soit faite.

Au moment où nous mettons sous presse, les parents de la victime viennent d’être incarcérés au cachot de la commune Mugongomanga.

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