Près de vingt ans après la dernière édition, le Concours national des pièces de théâtre reprend. Survol des univers troubles décrits par les lycéens burundais… <doc2544|right>De Mwaro, la notice de la pièce de théâtre parle « d’étalage de la délinquance juvénile » en présentant Lydia, chassée du logis paternel pour être tombée enceinte, et qui finira dans le suicide… De Ruyigi, c’est « Birama et sa femme qui malmènent leur fille jusqu’à l’empêcher de se rendre à l’école au nom de la tradition burundaise qui veut les filles au ménage ». A Muramvya, il est question du « mal du siècle », comprendre le Sida. Ngesombi, un garçon très riche et qui dilapide sa richesse dans la prostitution, voilà une histoire de Rumonge. A Muyinga, on y parle de polygamie avec une pièce qui met en scène Bienvenue, un riche qui peine à trouver un héritier mâle et qui décide d’épouser une troisième femme pour se retrouver avec… le Sida ! Au fur et à mesure que l’on lit les 37 pièces de théâtre en compétition dans le Concours de rédaction organisé par le ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, émerge un monde proprement « noir ». Autour des thèmes proposés (démocratie, délinquance juvénile, prostitution, conflit foncier, polygamie, lutte contre le Sida), les textes produits par ces jeunes dramaturges reviennent souvent sur une société bien malade, dont la jeunesse a perdu « les valeurs de nos ancêtres », puis plus loin sur un monde marqué par l’exode rural et ses conséquences, des foyers déchirés par l’autoritarisme paternel, l’administration rongée par corruption, etc. Redécouverte Et l’inspiration ne chôme pas, même si l’écriture mérite parfois de sérieuses retouches : « Ce concours revient à temps, car on se rend compte à quel point les notions de l’écriture théâtrale avaient disparu dans certaines écoles », note un membre du jury. Dans ce plaisir d’écrire retrouvé, des passages offrant d’exotiques translations du kirundi vers le français jalonnent les conversations : « Est-ce que le ciel est clair ainsi que le climat ? Fais-moi connaître la vérité », lance un personnage d’une pièce de théâtre venue de Karusi… Et c’est à Bujumbura que l’on retrouve des sujets plus « légers », avec par exemple cette pièce présentant les malheurs de Roland Sota dont les successives fiancées sont renvoyées au diable par la mère pour cause d’incompatibilité ethnique… Cadre au ministère en charge de la Culture, Gabriel Ntagabo rappelle que ces compétitions de théâtre existaient avant 1993 : « Ces concours rassemblaient autant les textes venus du milieu scolaire que des fonctionnaires. » Et, souligne Denis Nishirimbere, directeur des Arts, Spectacles et Loisirs, « l’objectif de leur réhabilitation est de redécouvrir autant la culture (les modes de vie) burundaise que de pousser les élèves à travailler leur expression orale, et ce autant en kirundi qu’en français.» Belle mission, pour autant que l’événement dure dans le temps.