Nouvelles inondations à Gatumba, constructions dans les montagnes surplombant Bujumbura, gestion des déchets, etc. Tharcisse Ndayizeye, professeur d’universités et environnementaliste, fait le point.
Actuellement, les inondations ont repris. Votre réaction ?
C’est déplorable. Gatumba n’est pas une zone habitable. L’administration et les habitants savent très bien que ces inondations ne vont pas s’arrêter. Alors, pourquoi au moindre repli d’eau de la rivière Rusizi, ils retournent s’installer là ? Je pense qu’il y a d’autres activités qui peuvent se faire à Gatumba.
Par exemple ?
Il y a le riz qui a besoin d’eau. Et ces alluvions, ces sédiments emportés par la rivière Rusizi sont très riches en éléments nutritifs. Tous les fertilisants, ces fumiers qu’on utilise pour cultiver dans les montagnes finissent par là. Bref, ces gens devraient être installés ailleurs et laisser Gatumba pour la riziculture. Aujourd’hui, au lieu d’être une chance, la pluie est devenue un cauchemar pour les habitants de Gatumba.
Mais, il est prévu la construction des digues de protection. Est-ce une solution durable ?
J’ai un avis nuancé. Si on a anticipé, cela peut être durable. Et là, ils doivent partir des estimations, des projections des alluvions qu’accumulent la rivière Rusizi. Il faut se projeter dans 20 ans, 30 ans, 40 ans. Ainsi, ils seront capables de dire que ces digues pourront contenir quelle quantité.
Au cas contraire, s’ils n’ont pas anticipé, cela peut fonctionner une année, deux ans et après les digues vont céder et les inondations vont reprendre.
Le pays a des moyens pour commanditer des études. C’est lui qui peut décider le genre d’activités à exécuter dans telle ou telle autre localité. Et ce, tout en protégeant la population. Il y a des gens qui ont besoin d’espaces cultivables, qui ont des terres stériles. Il y a des zones habitables et d’autres qui doivent être réservées à l’agriculture. C’est le cas de Gatumba.
Des éboulements se multiplient dans les montagnes surplombant Bujumbura. Qu’est ce qui se passe ?
C’est un phénomène normal. Parce qu’au regard de notre situation, nous sommes dans une zone fragile, instable. Les éboulements ne datent pas d’aujourd’hui. Seulement, ces derniers temps, ces mouvements de terrain s’amplifient.
Pourquoi ?
C’est lié à la pression démographique, ce qui entraîne l’augmentation de l’occupation humaine dans ces montagnes surplombant la ville. On construit des maisons. Et avec des toitures qui récupèrent des quantités importantes d’eau, on fait l’imperméabilisation du sol. Les eaux pluviales ont plus de force et détruisent les rives des rivières et causent d’autres dégâts sur leur passage.
Vous constatez que dans ces montagnes, le sol n’est plus protégé. Les espaces occupés par des arbres s’amenuisent, cédant la place aux maisons, aux aménagements agraires organisés de façon anarchique. Ce qui fragilise encore le sol.
Ne soyez pas étonnés si, dans quelques années, sur toutes ces étendues occupées par des arbres, on y trouve des maisons.
Ce qui va empirer la situation ?
La situation sera très catastrophique. A la moindre précipitation, la ville sera inondée. Des crues des rivières vont se multiplier, des éboulements, etc. Il faut toujours se rappeler que nous sommes dans un bassin et Bujumbura se trouve au fin fond d’un bassin.
Aujourd’hui s’observe la tendance de construire en hauteur. Est-ce à encourager ?
Personne ne peut encourager cela. Au contraire, c’est très inquiétant. Ici chez nous, au niveau individuel, la question environnementale n’est pas une préoccupation. Les gens pensent que c’est une affaire de l’Etat, du gouvernement, des associations œuvrant dans ce domaine. Ce qui est archifaux ! Chacun devrait être sensible, à commencer bien évidemment par le gouvernement.
Côté individuel, avant de construire une maison, on devrait se demander si sa maison va durer 30 ans, 50 ans, voire plus. Et dans ce cas, personne ne pourrait construire à proximité d’une rivière, d’un ravin, etc.
Malheureusement, beaucoup n’y pensent pas. Et c’est très regrettable. Vous trouvez quelqu’un qui construit près d’un ravin, d’une rivière et quelques années après, la maison s’effondre.
C’est une perte pour la famille, pour la société. Pour construire, beaucoup contractent des crédits. Et je ne pense pas que vous pourrez dire à votre banque que la maison s’est écroulée. Vous devez rembourser.
Le constat est que la circulation devient très difficile dans la ville de Bujumbura après la pluie. Quel est le problème ?
Au Burundi, il y a un problème d’anticipation. On trace un caniveau sans penser à ce qui va se passer dans l’avenir. Une population nombreuse, beaucoup de constructions, etc. Quand la pluie tombe, les caniveaux sont débordés. Les constructeurs n’ont pas pensé qu’après 20 ans, 30 ans, les gens seront installés dans Sororezo, Gasekebuye, Uwinterekwa, etc. Si on avait pensé à cela, on aurait construit de grands caniveaux capables de canaliser toutes ces quantités d’eau.
Les hydrologues peuvent mieux le décrire. Ils savent calculer au regard des projections des précipitations sur une longue période et peuvent quantifier et proposer des ouvrages appropriés.
Les caniveaux qui existent aujourd’hui étaient peut-être destinés à drainer la quantité d’eau des années 1950. 80 ans après, ils ne sont plus capables.
C’est comme celui qui fabriquerait une civière en se référant aux membres de sa famille. Et parmi eux, aucun n’a plus de 60 kg. Quand tu y places un homme de 120 kg, la civière doit inévitablement se casser.
Qu’est-ce que vous proposez ?
Que l’on fasse un redimensionnement pour ériger des ouvrages durables. Il faut aussi protéger ces rivières et de façon anticipée. On peut faire des estimations de la quantité d’eau pouvant tomber sur une période donnée. Nous avons besoin d’ouvrages capables de drainer la ville de Bujumbura.
Le gouvernement est-il capable de le faire seul ?
Cela demande beaucoup de moyens. Il faut alors une mobilisation nationale et des partenaires techniques et financiers.
A Bujumbura, la gestion des déchets reste problématique. Qu’en dites-vous ?
En matière de gestion des déchets, dans la ville de Bujumbura, il y a des initiatives qui ne sont pas durables. On voit quelqu’un ou une organisation installer une poubelle quelque part. Les gens y jettent des déchets et au bout d’un certain temps, elle est débordée. On remarque que personne ne revient pour voir comment elle est utilisée. Quelle est finalement son utilité ? Pourquoi on ne fait pas le vidange ? Pourquoi n’est-elle pas remplacée après une période X ?
Aujourd’hui, on te dit que c’est telle association qui est chargée d’enlever des immondices. Quelques jours après, on voit débarquer une autre association.
Que faire ?
Il faut réunir tous les acteurs pour trouver une voie de gestion des déchets durables. Il faut d’abord que ces éboueurs soient propres. Quand ils débarquent dans une parcelle, une odeur nauséabonde envahit tout le coin. Est-ce qu’à Bujumbura, on ne peut pas avoir des véhicules propres qui transportent des déchets ? Des éboueurs propres qui ont des gants, des bottes, des masques, des vêtements appropriés pour ce travail ? Je me dis qu’ils ont besoin eux aussi d’être protégés.
En tout cas, il doit y avoir un certain ordre dans ce secteur. Allez voir sur les avenues. On peut voir une balayeuse qui utilise des branchages d’un arbre, d’un palmier à l’huile pour faire son travail. Est-ce que ces femmes ne peuvent pas avoir du matériel propre à cette activité ?
Normalement, ces éboueurs et ces balayeuses devaient être formés pour bien faire leur travail et ils doivent aussi être protégés.
D’autres experts en la matière proposent la redynamisation des Services techniques Municipaux (SETEMU)…
Que ce soit SETEMU ou toute autre organisation, il suffit d’être sensible. Que ce travail de ramassage des immondices soit bien organisé, avec un calendrier bien établi. Mais que l’on ne continue pas à voir au centre-ville des poubelles qui, au lieu d’aider à rendre la ville plus propre, deviennent des déchets parmi tant d’autres.
Les citadins sont-ils sensibles à la question de la salubrité de la ville ?
Les citadins ne sont pas très sensibles mais ils peuvent l’être. Diriger les gens, c’est gouverner avec le bâton et la carotte. Tu leur montres comment les choses doivent être faites. Et si quelqu’un passe outre, tu lui infliges une petite punition pour le remettre sur le droit chemin. Dans peu de temps, les gens finissent par s’exécuter. On nous dit qu’il est interdit de se soulager n’importe où, mais on le fait publiquement et les passants rigolent au lieu de dénoncer un tel comportement. Mais si celui qui le fait est puni, sûrement que les autres n’oseront pas ou plus le faire.
Propos recueillis par Rénovat Ndabashinze
Le ramassage et le traitement des dechets et des eaux usees peuvent generer des ressouces considerables aux collectivites locales et a la Mairie de Bujumbura. Cela qui suppose une serieuse organisation et une depolitisation pour en faire une industrie nationale non partisanne. La necessite de l’achat de vehicules de collectes des dechets adaptes, la construction des centres de triallage et de recyclage de ces dechets en separant les dechets menagers des dechets durs et des metaux, dechets chimiques et sanitaires tres nuisaibles a l’environnement et a la sante de la population.Il faut aussi un personnel bien entraine et motive avec un salaire adequat et une tenue adaptee vue le danger que courent les gens qui font ce travail ou elles sont exposees aux elements de la nature, aux odeurs et a la pollution en general pouvant entrainer des maladies de la peau et des problemes respiratiores et la crise cardiaque.
Je conseille à iwacu de chercher d’autres spécialistes dans le domaine de l’eau. Il y a ceux qui ont beaucoup travaillé sur ces sujets dans la plaine de la Rusizi et surtout dans le delta de Gatumba. Allez chercher des hydrogéologue à l’université du Burundi. Sinon ce spécialiste autoproclamé a dit des choses qui ne sont pas scientifiquement vérifiables.
Bons conseils Monsieur Tharcisse. En conclusion, je retiens que c’est l’administration (la Mairie/Provinces, les communes et les ministères ) qui est le 1er responsable. Elle doit faire une bonne planification, une mise en œuvre et un bon suivi-évaluation. Il leur faut un voyage d’étude dans les pays amis et voisins: de l’autre cote de Kanyaru (Kigali= première ville propre de l’Afrique).