Tharcisse Gahungu se dit déçu du comportement de certains dignitaires qui, au lieu de protéger leurs entreprises, les enfoncent pour des intérêts cachés.
Que pensez-vous de cette tentative de privatisation ?
La loi no 1/20 du 28 septembre 2013 institue les entreprises à participation publique, des services et ouvrages parapublics à privatiser dans les trois prochaines années. Si ma lecture est bonne, ni la Regideso, ni ses services, ne figurent nulle part sur la liste des dix sociétés concernées. C’est une mesure qui a été prise à la hâte en violation des procédures.
Pour quels mobiles ?
L’agenda reste caché. Mais il se pourrait que le montant demandé par trois soumissionnaires équivaille à plus de 8% du montant de la vente. Or, au regard du bilan de la Regideso, celle-ci travaille à perte. La privatisation du secteur vente des unités cash power est illogique car elle enfonce l’entreprise au lieu de la sauver. C’est impensable qu’un dirigeant conduise sa propre entreprise à la liquidation. Il n’y a pas longtemps, le public se lamentait que la Regideso appliquait des prix assez élevés. Une fois la Regideso dans les mains des privés, le coût risque de retomber sur les ménages.
Derrière cette privatisation, des noms de certains dignitaires circulent. Qu’en savez-vous ?
Il y a des missions généralement incompatibles. On ne peut pas travailler pour l’intérêt général ou pour l’Etat et concurrencer ses services. La Regideso en tant qu’entreprise publique, l’immixtion des autorités dans sa privatisation est paradoxale, c’est une chose et son contraire. Cette mesure doit être levée pour privilégier l’intérêt général et non les intérêts de quelques particuliers qui veulent récolter ce qu’ils n’ont pas semé.
Certains travailleurs s’estiment lésés pour n’avoir pas été informés. Est-ce leur droit ?
Absolument. S’ils ne sont pas associés, leurs intérêts risquent d’en périr. Ils craignent évidemment pour leur avenir parce que ce n’est pas toujours évident que le nouvel acquéreur garde un personnel qu’il n’a pas lui-même recruté. Il arrive avec des exigences.
Dans un Etat de droit, tous les travailleurs sont concernés par la gestion de leurs entreprises parce que si une fois celles-ci tombent en faillite, ils sont les premiers perdants. C’est pourquoi, ils doivent rester vigilants et dénoncer tout acte de malversation ou de mauvaise gestion. De même, si leurs entreprises prospèrent, ils vont en tirer profit. Ils ont intérêt à s’impliquer parce que la loi le leur autorise.
Pourtant, le syndicat des travailleurs de la Regideso semble se réserver. Que traduit cette attitude ?
Où serait la liberté syndicale ? La liberté syndicale implique la liberté d’expression, d’organisation et de négociation collective. Si c’est le cas, le syndicat des travailleurs de la Regideso doit se ressaisir à défaut de rendre le tablier. Qu’un syndicat roule pour la direction, ça n’existe nulle part au monde. Un syndicat est une organisation des travailleurs, créée par les travailleurs et pour l’intérêt des travailleurs.