Jeudi 26 décembre 2024

Elections 2020

Têtes de listes aux législatives 2020 : Où sont les femmes ?

18/05/2020 Commentaires fermés sur Têtes de listes aux législatives 2020 : Où sont les femmes ?
Têtes de listes aux législatives 2020 : Où sont les femmes ?
Un groupe de femmes célébrant la Journée Internationale des Droits des Femmes du 8 mars 2018.

A l’occasion de la campagne électorale en cours, Iwacu a épluché les listes des candidats aux législatives de quatre partis politiques ayant présenté des candidatures dans toutes les provinces. Un constat s’impose : les femmes sont rares sur les têtes de listes aux élections législatives.

Sur dix-huit provinces, le parti Cndd-Fdd a présenté une seule candidate tête de liste aux législatives du 20 mai. A l’Uprona, deux femmes sont têtes de listes aux législatives dans deux provinces sur dix-huit.

Au niveau du Sahwanya-Frodebu qui a présenté des candidats-députés dans quinze provinces, deux femmes sont têtes de listes pour les législatives prochaines.

Du côté du Cnl, dont les candidats-députés sont présents dans dix-huit provinces, deux femmes trônent en tête de liste pour les élections législatives à venir. Simon Bizimungu, secrétaire général du parti Cnl, assure que c’est la pleine satisfaction : « Chez nous, ce problème de manque de représentativité des femmes sur les listes n’existe pas. Les femmes Inyankamugayo se montrent d’ailleurs ravies des places qu’elles ont obtenues. Nous en avons tant qui viennent en deuxième ou troisième position ! »

Pour Nancy-Ninette Mutoni, porte-parole du Cndd-Fdd, cela n’entre nullement dans les préoccupations du parti au pouvoir. « Pour nous, ce n’est pas l’essentiel ! Après tout, les candidats présents sur ces listes ne cherchent tous qu’à se faire élire ! »

Pour Phenias Nigaba, porte-parole du parti Frodebu, c’est aux femmes de montrer qu’elles méritent d’être placées têtes de liste. « Il faudrait que les femmes apprennent à s’imposer pour arracher les premières places ! De notre part, celles qui font montre de compétences occupent des places de choix sur les listes ! »

Pour Olivier Nkurunziza, secrétaire général de l’Uprona, plusieurs facteurs expliquent la présence très limitée des femmes en tête de liste. « L’activisme politique étant assez prenant, beaucoup de conjoints se montrent réticents à voir leurs épouses prendre part à la lutte politique. Par exemple, beaucoup de maris supportent mal de voir leurs femmes rentrer à des heures tardives après des meetings politiques».

Que fait l’Uprona face à cette sous-représentativité de la gent féminine ? « Nous essayons de travailler en amont en encourageant la gent féminine à intégrer massivement les bureaux des partis politiques».


Interview avec Alice Nkunzimana :« Le quota des 30% n’est pas un plafond, c’est un minimum! »

Alice Nkunzimana est coordinatrice à l’Association de Promotion de la Fille Burundaise (APFB). Pour Iwacu, elle évoque les principaux défis qui se posent en matière de représentativité féminine dans les institutions.

Au niveau des partis politiques qui ont présenté le plus de candidats aux législatives dans tout le pays, très peu de femmes sont présentes en tête de liste. Comment l’expliquez-vous ?

Je tiens d’abord à féliciter les partis politiques qui se sont engagés à mettre des femmes en tête de liste. On ne voyait jamais cela auparavant. C’est un bon début. Sinon, les faibles effectifs de femmes observées au niveau des têtes de listes s’expliquent de plusieurs manières. Parfois, ce sont les femmes elles-mêmes qui ne prennent pas une part active à la vie des partis politiques. Pour figurer sur les listes électorales, il faut avoir milité activement au sein de son parti politique et faire office d’un bilan d’actions en faveur de sa formation politique.

Mais certains conjoints ne sont pas à l’aise avec le militantisme politique de leurs épouses…

Cela se remarque malheureusement. Or quand l’époux ne se montre pas flexible quant à l’activisme politique de sa femme, celle-ci ne progressera pas du tout dans sa carrière politique. Il faut donc que la militante politique prenne le temps de convaincre son conjoint sur le bien-fondé de son engagement politique. Quitte à susciter l’intérêt de son mari qui, par voie de conséquence, fera montre de souplesse à l’égard du militantisme de sa moitié.

Le quota de 30% réservé aux femmes dans les instances étatiques est-il respecté ?

Dans certaines instances, ce quota est respecté mais dans d’autres, non ! A l’Assemblée nationale, au Sénat, au gouvernement, la représentativité des femmes respecte la règle des 30%, et parfois va au-delà. Mais dans beaucoup d’autres secteurs, les femmes demeurent largement sous-représentées. Nous déplorons notamment un manque criant de femmes au niveau des directions de plusieurs ministères réparties sur le territoire (les directions provinciales pour l’Environnement, l’Agriculture et l’Elevage, les directions provinciales de l’Enseignement, les médecins provinciaux, etc.). Cette sous-représentativité ramène le chiffre total des femmes présentes dans les différentes instances à 18% ! Nous sommes donc assez loin des 30% prévus par la Constitution !

Que demandez-vous aux leaders politiques ?

Agir en sorte que les femmes sortent de l’ombre, car toutes les études indiquent qu’un développement durable va de pair avec une politique inclusive en faveur des femmes. Partant de là, les leaders des partis politiques, souvent des hommes, devraient encourager les femmes à s’impliquer davantage dans leurs structures partisanes, en vue de bénéficier d’un accès privilégié aux têtes de listes. Créer aussi des conditions qui permettent aux femmes de prendre une part active dans la vie du parti. Par exemple, éviter d’organiser des réunions nocturnes, pour ne pas que les femmes se voient dans l’obligation de ne pas y assister jusqu’au bout, pour raisons familiales. En plus, ne jamais oublier que le quota des 30% est un minimum, pas un plafond. Nous devrions donc viser 50% de places dans les institutions, comme le précisent d’ailleurs les ODD (Objectifs de développement durable pour 2030, établis par les Etats membres de l’Onu).

Propos recueillis par Alphonse Yikeze


Eclairage

Pr Denis Banshimiyubusa : « Allons vers une loi qui force la parité dans les institutions »

Le politologue Denis Banshimiyubusa observe que le code électoral pour les élections actuelles joue contre la représentativité des femmes comme tête de liste : « Le code stipule en son article 127 alinéa 3 que ‘’Pour trois candidats inscrits sur une liste, deux seulement peuvent appartenir au même groupe ethnique. Et au moins 1/3 doit être une femme.’’ Mais il n’est mentionné nulle part la place exacte que devrait occuper la femme. Donc, les partis politiques vont accorder le minimum de places aux femmes, c’est à dire la troisième place.»

Il revient également sur les facteurs socio-culturels à l’origine de cette situation : « Dans nos mentalités et mœurs burundaises, l’image de quelqu’un qui prend des décisions est toujours incarnée par un homme. En plus, que ce soit au niveau légal, familial et même sur le plan religieux, l’homme trône toujours à la première place. Et au sein des partis politiques, les femmes socialisées de cette façon vont se contenter du peu qu’elles auront et ne vont pas réclamer plus.»

Pr Banshimiyubusa estime qu’une loi sur la parité s’impose : « Nous devons nous diriger vers une loi qui force la parité dans les institutions, comme d’autres pays l’ont déjà fait. Car à partir d’une seule élection, nous constatons que les 30% ne sont même pas atteints.»

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