Dimanche 24 novembre 2024

Politique

«TERMINATOR»

19/04/2019 Commentaires fermés sur «TERMINATOR»
«TERMINATOR»
Jérôme Ntibibogora

Des éléments sonores choquants circulent sur les réseaux sociaux et sont attribués au commissaire de police de Muyinga. Cet officier se dit prêt à décimer toute famille où se tiendrait « une réunion clandestine nocturne ». Interrogé par Iwacu, Jérôme Ntibibogora persiste et signe.

Verbatim : Kirundi Verbatim français
Mwavuze ikintu ca, namba ari SNL nk’ivyo ntitubimenya mu giporisi, CNL namba SNL biratugora kuvuga. Mugabo nagomba ndababwire nyakubahwa buramatari n’abegihugu bari ngaha. Harya ngomba ndababwire. Abantu bagira inama mw’ijoro. Muntu uriko ugira inama mw’ijoroǃ Ukihenda ukayigirira iwawe, twebwe tukabimenya yuko uriko ugirisha inama iwawe, uzoba uriko ukwegera umuryango wawe. Vous avez parlé d’une chose, je ne sais pas si c’est SNL… nous, en tant que policier on ignore ce genre de chose, CNL ou CNL ou SNL, il nous est difficile de le prononcer, mais je voudrais vous dire ; excellence gouverneur et la population ici présente, je voudrais dire aux gens qui tiennent des réunions nocturnes ; toi qui tiens une réunion nocturne et par erreur la tenant chez toi ; lorsqu’on sera averti de la tenue de cette réunion, tu seras en train de causer des dommages à ta propre famille.
Birazwi neza yuko ugiye ukiherera satanu z’ijoro ukaja mu nzu yawe ukagirisha y’inama, birazwi jewe komiseri provincial sinkigomba kuruha rwose. Ugomba guhangabanya umutekano ndafise ibintu ngendana harya ngenda nkakubitayo bibiri nkaca nigira. Biribiri gusa. D’ailleurs bibiri noba ngize vyinshi. Ntiwiyumvire ko le commissaire provincial azobwira umuporisi ngo ngenda uriko ugira inama mu nzu ngo ngende kukurarira ngo ngiye ku gufata. Ivyo vyari ivya kera. C’est bien connu que s’isoler (se cacher) dans sa maison à 23h du soir pour y tenir une réunion… c’est connu que moi, commissaire provincial, je ne veux plus me fatiguer avec des gens qui veulent perturber la sécurité… Je me promène toujours avec des choses sur moi, j’y vais, j’y lance (frappe) deux d’entre elles et je m’en vais. Deux seulement, d’ailleurs deux, deux ça serait beaucoup. Eeeeh ne t’y attends pas… ne crois pas que le commissaire provincial dira à un policier d’aller veiller sur quelqu’un qui tient une réunion pour l’arrêter, ça c’est révolu (c’est du passé).
Ugomba guhungabanya umutekano duhereza aho nyene. Uri kumwe n’abana n’umugore mugira rimweǃ Kuko kirazira kurwanira mu magi. Iyo ugomba kurwanira mu magi ayo magi barayamena nyene. Nivyo uba wogomvye. Twembwe twagomba kubasaba abo bantu bariko bagira inama mu kinyegero, mumenye yuko uwo tuzosanga ari mu nzu, ari iyo nzu, ari abayirimwo, ntihazogire umuntu atubaza. Nyakubahwa buramatari ndabivugiye aha. Ntimuzotubaze. Kandi ndabibwiye abenegihugu banyu. Na ba musitanteri baravyumva. Mugende mu bivuge. Si tu veux perturber la sécurité j’en fini avec toi sur place, que tu sois avec tes enfants, ta femme, vous partez ensemble, parce que, c’est interdit… c’est interdit de se bagarrer autour des œufs. Si tu veux te battre autour des œufs, on casse ces œufs, eeeh c’est ce que tu auras voulu. Nous voudrions vous demander, ummhh… ces gens qui tiennent des réunions en cachette, qu’ils sachent que ceux qui seront surpris dans cette maison, que ça soit cette maison, que ça soit les propriétaires, ne nous demandez pas leur sort. Excellence gouverneur, je le dis ici même, ne nous demandez pas le sort de ces gens, je le dis aussi à ta population et les administrateurs l’ont entendu, allez diffuser le message.

FIN

Interrogé, jeudi 18 avril, pour vérifier s’il est l’auteur des sons lui attribués sur les réseaux sociaux, le commissaire provincial de police à Muyinga a répondu par l’affirmative. Jérôme Ntibibogora s’est également targué de sortir d’une autre réunion de sécurité. « J’ai tenu le même langage. Gare à celui qui veut perturber la sécurité du pays ». A ceux qui s’insurgent contre ses propos, il lâche : « Qu’ils s’insurgent ou pas, sur une question de sécurité nous n’allons pas relâcher. »

Le commissaire n’est pas à son premier coup d’essai. A des orpailleurs clandestins, il avait dit : « Que ceux qui continuent à travailler dans la clandestinité, qu’ils commencent à creuser leurs tombes. Ils sont déjà morts. »

Dossier réalisé par Emery Kwizera, Patience Koribirama, Hervé Mugisha, Arnaud Igor Giriteka, Egide Nikiza et Agnès Ndirubusa

Qui est-il ?

Jérôme Ntibibogora est originaire de Kumwarangabo en commune Mugina de la province Cibitoke. Il a fait ses études au lycée communal de Rusagarara. Pendant sa scolarité, Jérôme Ntibibogora est aussi rôtisseur dans un bar situé au poste de Ruhwa, c’est à la frontière burundo-rwandaise. A la suite de la signature de l’Accord d’Arusha en août 2000, il intègre, sous l’instigation du propriétaire du bar, les forces de sécurité sous le grade de capitaine. Depuis, il va gravir les échelons jusqu’à être promu commissaire provincial. Il a exercé en mairie de Bujumbura, en province Cibitoke, à Ruyigi, à Karusi et à Muyinga où il est aujourd’hui affecté comme commissaire. Durant les manifestations de 2015 contre le 3e mandat du président Nkurunziza, Jérôme Ntibibogora réprime les manifestants au sud de la capitale, particulièrement à Musaga. Il aurait dirigé aussi les hommes en uniforme qui pénétrèrent à l’hôpital Bumerec en zone Kinindo de la commune Muha à la poursuite des putschistes. Jérôme Ntibibogora est marié. Différentes sources de sa colline natale affirment qu’il serait âgé de moins de 40 ans.

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Réactions

Venant Hamza Burikukiye : « C’est juste pour décourager les récalcitrants.» Le représentant de Capes+ trouve que le commissaire provincial a tenu ces propos, non pas dans l’intention de nuire ou de faire peur, plutôt avec le dessein de décourager les récalcitrants et les amener à se remettre en cause. «C’est comme un bon père de famille qui, parfois, utilise un langage direct pour remettre ses enfants dans le droit chemin ». Aline Manirabarusha: « Les tâches sont divisées.» La gouverneure de la province de Muyinga estime que le commissaire a pris les mesures qui s’imposent pour améliorer la sécurité de la province. « Comme tout responsable en charge de l’agriculture ou de l’éducation au sein de la direction peut prendre des mesures pour augmenter la production agricole ou les notes en classe ». Elle parle d’une urgence, « car les cas de réunions nocturnes rapportés par tous les administrateurs communaux vont crescendo ». Agathon Rwasa : « On ne devient pas un héros en abusant de son pouvoir.» « C’est vraiment décevant de voir un haut gradé de la police tenir de tels propos », a réagi Agathon Rwasa le patron du CNL. Il estime que ces déclarations encouragent l’intolérance politique en vogue ces derniers jours. M. Rwasa rappelle que les uniformes et les armes sont achetés par la population. Et parmi eux, figurent les militants de son parti. « C’est inconcevable que les hommes en uniformes menacent de mort nos partisans avec des armes auxquels ils ont contribué à acheter ». Il appelle les autorités compétentes à rappeler à l’ordre cet officier qui s’est égaré de sa mission de protéger les citoyens. Et de rappeler que « personne n’est devenu un héros en abusant de son pouvoir.»

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