Tensions autour des cotisations du Cndd-Fdd

Depuis deux semaines, des jeunes du Cndd-Fdd sillonnent quartiers et collines à la collecte des fonds destinés à « fêter la victoire des prochaines élections. » Alors que les élections n’ont pas encore lieu, la tension monte et le climat n’augure rien de bon.

Menotté pour avoir refusé de cotiser pour le Cndd-Fdd

Un recensement déguisé ?

C’est le cas d’A.M., père de trois enfants, habitant le quartier Twinyoni à la 10ème avenue. Il affirme qu’il a rencontré un jeune homme d’une trentaine d’années alors qu’il se rendait au marché : «Il avait une sorte de quittancier et m’a demandé de payer une somme 500 Fbu pour le parti Cndd-Fdd en vue de préparer les élections de 2015. »
Notre source  affirme s’être étonnée car n’étant pas membre du Cndd-Fdd. Toutefois, le monsieur confie qu’il a donné cette somme afin d’éviter d’éventuels problèmes : « Sur la quittance était écrit « Soutenez votre victoire de 2015 ». Et quand on sait que ces élections n’ont pas encore eu lieu, cela ressemble à une intimidation.»

V.B., habitant au quartier Cibitoke confie qu’un jeune Imbonerakure s’est pointé chez lui, très tôt le matin pour lui demander la même somme. Sur le coup, notre source indique avoir refusé : « J’ai quitté mon domicile mais un de mes voisins m’a convaincu de verser la somme car tous les autres l’avaient déjà fait. » Et d’ajouter que la perception de cet argent ressemble à un recensement déguisé : « Qu’adviendra-t-il à ceux qui n’auront pas contribué si ce parti gagne en 2015 ? »

Cependant, un des jeunes, chargé de collecter cette contribution pour le compte du parti au pouvoir à Kamenge, dément ces accusations : « Nous ne forçons pas des gens à nous donner l’argent.» Pour preuve, fait-il savoir, il y en a qui donnent 100 Fbu, d’autres 500Fbu et d’autres encore refusent carrément.
Cibitoke :  » Donnez les cinq cents francs. Sinon … « 

« Soutenir la victoire aux élections de 2015 », tels sont les écrits trouvés sur chaque quittance individuelle. Cette campagne de collecte de l’argent s’effectue au grand jour et à travers toute l’étendue de la province : « Il s’agit d’un mot d’ordre donné à partir des instances dirigeantes du parti pour trouver des fonds nécessaires aux échéances électorales de l’année prochaine», précise-t-elle.
Un témoin rencontré dans la commune de Bukinanyana, à une centaine de km du chef-lieu de la province, fait savoir que toute personne, membre ou pas du parti présidentiel, doit s’acquitter de sa contribution pour éviter les tracasseries des jeunes Imbonerakure.

Les partis réunis au sein de l’ADC-Ikibiri n’y vont pas par quatre chemins. Le représentant provincial du Frodebu fait savoir que le Cndd-Fdd, en exigeant un tel montant participe activement à la paupérisation de la population. «  Une telle pratique prouve à suffisance que le parti présidentiel joue sur la psychologie des électeurs pour voter en sa faveur », insiste Phénias Niyigaba avec colère.
Du côté des Fnl proches d’Agathon Rwasa, la réaction est que cet argent collecté va servir de corruption en échange de voix.
Quant au MSD, son représentant au niveau provincial fait savoir qu’en agissant de la sorte, le parti présidentiel a anticipé la campagne électorale sous la bénédiction de la CENI. « Cette dernière est appelée ,en collaboration avec le ministère de l’intérieur, de veiller à la bonne conduite de la feuille de route convenue par toutes les formations politiques lors des assises organisées par le BNUB au mois de mars de 2013 », indique Jean-Bosco Hakizimana.

Contacté à ce propos, Jean-Baptiste Hacimana, président du Cndd-Fdd dans la province, nie toutes ces allégations.  Pour lui, le parti au pouvoir n’a pas commencé la campagne électorale. Toutefois, M. Hacimana indique qu’il est normal aux membres de n’importe quelle formation politique de donner leur contribution.

Cotiser pour sauver sa peau

Samedi, 9 août, au quartier Magarama. Entre 9 et 11heures. Une trentaine des militants du Cndd-Fdd, confient des sources concordantes, s’étaient réunis à l’endroit communément appelé ‘Place’. A l’entrée du quartier, tout près du musée national de Gitega, ils demandent à tout passant la cotisation de 500 Fbu pour contribuer au financement des élections de 2015. Car, avancent-ils, les bailleurs de fonds du Burundi auraient refusé de donner l’enveloppe électorale.

C’est vers 12 heures que l’équipe chargée de la collecte a décidé de changer de tactique. Pour mobiliser beaucoup de moyens, il faut trouver les gens chez eux : « Moi et mon mari, avons appris que tout l’entourage était en train de cotiser. Nous avons payé 1000 Fbu pour sauver notre couple », révèle Mme Nizigiyimana, une habitante de Magarama. Elle avoue avoir demandé timidement si c’est volontaire ou obligatoire. Toutefois, elle n’a pas eu de réponse.