Jeudi 21 novembre 2024

Culture

« Ténèbres et lumière » : la triste histoire et l’espoir

04/11/2016 8

Economiste de formation, consultant à la Banque Africaine de Développement, Prime Nyamoya se « reconvertit » en écrivain. Il vient de sortir à Paris, aux éditions Riveneuve, son premier roman autofiction.

Prime Nyamoya : « Je dédie mon roman à mes six filles et à tout le peuple burundais qui vient de passer plus de cinquante ans dans la tourmente à cause de la faillite des élites. »
Prime Nyamoya : « Je dédie mon roman à mes six filles et à tout le peuple burundais qui vient de passer plus de cinquante ans dans la tourmente à cause de la faillite des élites. »

Prime Nyamoya, économiste burundais, entre par la grande porte dans la famille des écrivains burundais. A Paris, devant un public diversifié et multiculturel, il a présenté son premier roman : ‘Ténèbres et lumière’.
Le déclic : un assassinat ignoble tout proche de son domicile, à Bujumbura.

« N’eût été la guerre, je n’aurais jamais écrit ce roman », lâche l’auteur de « Ténèbres et lumière ». Ce père de six filles raconte qu’il travaillait dans son bureau à 12 h 30 quand, soudain, il entend des crépitements d’armes.
Nous sommes en 1995. C’était l’heure des infos, se souvient-il, comme si c’était hier. A ce moment précis de la journée, Bujumbura ressemblait à une ville morte, car à l’heure de la pause-déjeuner, presque tout le monde rentre. Il sort, s’approche et voit un homme immobile dans sa Mercédès de couleur rouge-bordeaux.

On vient de lui tirer dessus. Un grand trou au niveau de la tête, du sang coule encore. L’homme était déjà mort.
A cet instant, M. Nyamoya s’est demandé si c’était lui qui était assassiné, qu’est-ce qu’il aurait laissé à sa fille, Amélie. A l’époque, celle-ci n’avait que trois mois seulement.
L’après-midi, en rentrant dans son bureau, il s’est mis à écrire. Pendant deux ans.

« Ténèbres et lumière » : du fictif et du réel

Prime Nyamoya qualifie son roman de 138 pages de« court métrage ». Il reconnaît sa « faiblesse » : « Je n’écris pas beaucoup et on m’a toujours dit que je suis bref. Je ne suis pas capable d’écrire un roman-fleuve. »

Pour lui, ‘Ténèbres et lumière’ a son ancrage dans sa vie. Le personnage principal du grand-père est fictif. Selon lui, il lui a donné du fil à retordre : « Je pars de la fin du 19e siècle jusqu’à la fin de la monarchie et j’essaie de me raccrocher à lui pour avoir un lien entre la tradition et la modernité. » Et le personnage d’ambassadeur aux États unis, poursuit-il, est réel.

Dans son roman, il évoque ses amis morts du sida et de la guerre civile absurde. Tu vois quelqu’un le matin en te disant le revoir le lendemain, tu apprends qu’il est mort dans l’heure qui suit. « Malheureusement, ça continue », dit-il.

Moustafa Ammir : « Mon plaisir, c’est de voir le manuscrit de Prime Nyamoya devenir un bon livre, à regarder même la couverture. »
Moustafa Ammir : « Mon plaisir, c’est de voir le manuscrit de Prime Nyamoya devenir un bon livre, à regarder même la couverture. »

Ténèbres et lumière, c’est son histoire et son propre vécu. C’est un message d’espoir,  même dans les pires conditions : « C’est un message d’espoir comme Amélie, ma fille cadette. » Prime Nyamoya raconte des scènes de la vie par exemple dans les bistrots, comment les gens vivent intensément comme si la mort ne les concerne pas : « Il faut avoir vécu dans un pays en guerre pour comprendre cela. »

‘Ténèbres et lumière’, Prime Nyamoya le dédie à ses six filles et à tout le peuple burundais qui vient de passer plus de cinquante ans dans la tourmente à cause de la faillite des élites.

Son espoir : la jeune génération qui en a marre de la médiocrité de l’élite. Il estime que la jeunesse est en train de prendre le flambeau. Le Burundi, tranquillise-t-il, est capable de se régénérer.

Ce que confirme Jean Beauvin, un ami venu assister au lancement du livre : « Le Burundi a plein d’hommes intègres, de vrais bashingantahe. »

‘Ténèbres et lumière’ aura été pour la princesse Estelle Kamatari, présente lors de la présentation, une bouffée d’air : « Tous les jours quand on ouvre son ordinateur, c’est toujours les morts, des arrestations, etc. comme si on n’avait plus d’âme, comme si les Burundais étaient figés. » Le lac Tanganyika qui se trouve sur la couverture, fait remarquer la princesse, nous projette dans le futur. Elle espère que les Burundais pourront le lire.


Le goût à l’écriture

Tout commence au lycée. Prime Nyamoya a fait la section latin-mathématiques et à la fin de ses études secondaires (comparables au bac, NDLR), son prof de français lui demande pourquoi il ne ferait pas des études littéraires ou d’histoire. A l’époque, ça ne l’intéressait pas parce qu’il ne voyait pas à quoi il allait aboutir. Son rêve, confie-t-il, est de poursuivre des études économiques pour lui permettre d’avoir un bon poste dans l’administration, ce qui a été le cas d’ailleurs.

« J’ai toujours été féru de  littérature malgré ma lenteur rédactionnelle », signale Prime Nyamoya. Ténèbres et lumière est certes son premier roman mais il précise qu’il a déjà rédigé plusieurs carnets de voyage.

Et M. Nyamoya de dire merci à toutes les personnes qui l’ont accompagné dans ce parcours professionnel et de futur écrivain. Il pense particulièrement à Jean Beauvin, un ancien diplomate et doyen de la Faculté des sciences économiques devenu l’ami de la famille Nyamoya depuis les années 1972. Ses remerciements vont également à l’écrivain Moustafa Amir, fou amoureux du lac Tanganyika : « Depuis mon adolescence, j’ai toujours rêvé de venir à Bujumbura pour admirer ce lac que j’apprenais dans les manuels de Géographie au Maroc. »

Lors de son passage à Bujumbura en 2013, Prime Nyamoya en profita pour lui soumettre ses manuscrits. Selon M. Moustafa, son manuscrit avait un ton, un univers et une vérité humaine qui l’ont marqué. C’est Moustafa Amir qui mettra M. Nyamoya en contact avec Gilles Kraemer, directeur de Riveneuve éditions.

Pour contacter l’auteur: [email protected]

 

Forum des lecteurs d'Iwacu

8 réactions
  1. Frank Joe

    « Tout vieux qui meurt est une bibliotheque qui brule », disait Ahmadou Hampate Ba.
    Et si tout sage laissait au moins un livre avant de rejoindre les ancetres dans leur royaume!!!
    Cela constituerait une contribution a l’ecole de la vie pour les generations futures.

  2. Fofo

    Un projet sage qu’il faut encourager! Bravo Cher Nyamoya!

  3. ls

    Si le livre contient des idées comme celles-ci :

    http://www.iwacu-burundi.org/opinion-boniface-kiraranganya-imposteur-et-espion/

    Je me demande s’il est aussi intéressant que ça.

    • Nduwimana pierre-claver

      Certenement que sea livres don’t interressants. Nagire vyinshi tuzomugurire. Erega ntawuzi urukiza rw’UBURUNDI aho rwozanana. Wosanga ruzananye ngaho nyene. Inzira z’IMANA.

  4. MUGABARABONA

    Bravo. Les paroles passent, les écrits restent. Aujourd’hui, chacun ou un groupe d’individus racontent son histoire et se fait par transmission orale avec les déformations possibles selon les intérêts des uns et des autres.
    L’écrit peut être commenté et jugé alors que l’oral pourrait être qualifié d’IGIHUHA. Chers instruits, écrivez, laissez des témoignages pour les générations futures.
    Tiens, la rédaction d’Iwacu pourrait prendre le temps nécessaire et répertorier les romans des écrivains Barundi. Malheureusement, il se pourrait que les Barundi ne lisent pas les romans de leurs compatriotes par faute d’intérêt à la lecture ou par manque de moyens. Suggestion : les ministères ayant en charge la culture et l’éducation pourraient également acheter les romans et les mettre à la disposition des publics et des bibliothèques scolaires.

    • Paul

      Et toi, mon ami, tu sais beaucoup de choses, tu en as vécues aussi.
      L’ homme que décrit Prime était ton collègue,
      Tu sais plus de choses que Prime qui est ton cadet ,mais chacun a son histoire,chacun a sa route. Je sais aussi que tu as la plume, que tu es un grand orateur !!!

  5. Anonyme

    En lisant les premiers paragraphes de cet article , les souvenis de Mr Nyamoya me rappellent quelque chose aussi . J;ignore si c’etait en 1995 mais en ce moment Mr Nyamoya occupait un bureau pas loin de la CCIB ( chambre de commerce et d’industrie du Burundi) et c’est là ou je travaillais . Justement au cours cette tranche horaire creuse entre probablement 13h et 14 h , 2 coups de feu , l’homme dans une mercedes s’effondre , son bourreau repart tranquillement en marchant sans courir . On apprendra plus tard que la victime était Mr Rurashitse .Assassiné en plein jour . Triste .Nous avons un pays pourri de l’intérieur et ca ne date pas d’aujourd’hui.

    • Nduwimana pierre-claver

      Bien dit! Pourquoi le gouvernement be pkanifie pas led constructions des libraries dans tout le pays? Baratwiciye igihugu cacu kweri. Ariko UHORAHO aracariho buzozamuka. Ntiyabuhevye iriko iraraba utwo bigira. Notre pays est pourri plus que la la jungle.

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