Je fais partie de la première équipe des journalistes qui a lancé Bonesha. La radio qui fête ses 20 ans d’existence aujourd’hui, m’a demandé de partager mes souvenirs.
Je vais être sincère et mon ami Patrick, le directeur de Bonesha, ne m’en voudra pas j’espère : c’est un triste anniversaire…
Bonesha a été détruite, ses journalistes éparpillés un peu partout, d’autres vivent terrés. Et cette « fête » ne se célèbre pas à Bujumbura, pour des raisons que tout le monde connaît.
Bonesha est toute une histoire. Que des souvenirs! Quand je rejoins cette radio, j’étais un jeune journaliste, 29 ans, bourré de rêves et d’illusions. Je travaillais alors à la radio nationale. En fait, le choix n’était pas vaste.
J’étais donc à la vénérable « Mère » de toutes les radios. On ne choisit pas ses parents. C’est alors que Bernard Kouchner est venu au Burundi, avec une idée saugrenue : ouvrir une radio indépendante ! A l’époque, c’était très osé. Souvenez-vous, deux ans après le génocide du Rwanda, avec sa fameuse radio des Milles Collines, la radio n’avait pas bonne presse dans la sous-région. Et ce n’est pas un jeu de mots.
Bernard Kouchner a une idée simple : la radio a tué au Rwanda, la radio va sauver au Burundi.
Tétu, excellent orateur, le « french doctor » parvient à convaincre et obtenir les autorisations. La Radio « Umwizero », c’est le nom originel de Bonesha, voit le jour. Moi je vais démissionner de la « Mère de toutes les radios » pour rejoindre « la mère de toutes les radios indépendantes. » D’une mère à une autre. Belle histoire.
La naissance de cette radio se fait dans un contexte très tendu. La guerre civile fait rage. Les attaques de la rébellion, nombreuses, meurtrières. C’est l’époque des embuscades sur les routes, des massacres un peu partout.
L’AAH, (Association pour l’Action Humanitaire) une association de droit français qui gère la radio n’est pas très rassurée. La situation est fragile et peut déraper d’un moment à l’autre.
Quand nous démarrons la radio, nous avons des contrats mensuels. Le dernier jour du mois, on reconduisait le contrat. « Tu es un ouvrier » à la radio me dira un ami, choqué de me voir démissionner de la RTNB pour signer un contrat mensuel.
Mais j’avais envie de liberté. A la radio nationale, figée, on savait ce qu’il faut faire. Ce qu’il faut dire ou ne pas dire. Oui, c’est vrai, avec un contrat à durée indéterminée, c’était l’endroit rêvé où faire tranquillement sa carrière, sans faire des vagues.
A la radio Umwizero c’était un tout autre esprit. Nous avions la liberté, on pouvait proposer un sujet, refuser un angle d’approche, le débat était permanent. Et, surtout, nous avons eu d’excellents formateurs, des vieux baroudeurs de la radio. Je pense ici à Hubert Veille, un homme riche de 30 ans de radio, rigoureux, mais humble, François Capelier qui venait de France Inter, et bien d’autres qui nous ont transmis l’exigence de l’écriture journalistique.
C’est dans cette radio que nous allons petit à petit inverser la tendance, commencer à donner la parole à tous. Faire parler ceux qui étaient bannis dans les médias publics, les fameux « terroristes tribalo génocidaires ». Quand je vois l’animosité de certains envers les médias indépendants, je me dis que les gens ont vraiment la mémoire courte… Abbas Mbazumutima, aujourd’hui rédacteur en chef adjoint à Iwacu a connu la prison pour avoir… interviewé les rebelles sur Bonesha!
En ce jour anniversaire, je ne peux pas oublier d’autres voix qui sont passées par cette radio et qui se sont éteintes pour toujours. Je pense à l’inimitable Ital’O Caroli, Antoine Ntamikevyo, l’animateur congolais Sekembwe avec ses « poromosha madebe »…
Les années sont passées. Après des débuts modestes, on émettait de 14 heures à 19 heures, Umwizero a grandi, est devenue Bonesha. Station aimée, elle poursuivait son bonhomme de chemin quand la catastrophe de mai dernier s’est abattue sur elle.
Bonesha s’est tue. Détruite. Que dire le jour de ses vingt ans ? Que son silence n’est pas définitif. Que Bonesha renaîtra un jour. Il faut continuer à y croire. Alors, malgré toute ma tristesse je dis : « Bon anniversaire, Bonesha ».
Monsieur,
Vous n’étiez pas ouvrier mais plutôt employé.
les deux termes sont un peu nuancés.
Note de l’auteur: En général, un employé n’a pas un contrat « mensuel ». Par contre , c’est courant chez les ouvriers. Je pensais que c’était compréhensif… AK
La Radio BONESHA (UMWIZERO) me semblait la seule radio où l’on pouvait trouver une information équilibrée et bien documentée! Malheureusement, à la dernière minute sa ligne éditoriale a changé petit à petit jusqu’à ce se conformer à la ligne des autres médias (pro et anti) qui publiaient de l’information déséquilibrée et/ou manipulée. Je souhaite la réouverture de notre station et je l’espère qu’elle ne se laisserait plus désorienter ou manipuler!
… »Hard times never kill, they come and go. » Never, never ever give up!!!
One day, the reason will rise.
Isabukuru nziza Bonesha!!!
La RTNB, la radio « mère » était à l’époque appelée « radio Kabondo ». Ce terme a 3 significations : 1. La radio est située dans le quartier de Kabondo. 2. Le terme fait aussi penser à « ibondo » ventre bien plein, akabondo est une petite bedaine. Comme pour dire que ceux qui y travaillaient ne cherchaient qu’à remplir leur ventre. 2. Le terme renvoie également à « ikibondo » un enfant, un bébé, « akabondo » un tout petit enfant. Ceci pour dire qu’il ne fallait pas chercher des informations sérieuses dans cette radio. Notez que dans les années 70 il y avait une petite radio de la Mission Prostestante « La Radio Cordac », qui a été vite réduite au silence probablement parce qu’elle ne respectait pas la ligne éditoriale de la radio nationale. Rappelez-vous également des années 93 et suivantes avec la radio clandestine « Rutomorangingo » (littéralement « message clair » pour les uns et « radio coupe-jarrets » pour les autres). Les autorités ont mis sa tête à prix pour 10’000.– dollars. Bien que qualifiée de radio de haine, beaucoup de monde l’écoutait. Il fallait se mettre sous un poteau électrique pour la capter. Elle a fini par disparaître. Enfin les nouvelles radios libres sont nées, ont eu beaucoup de succès pour être finalement détruites. La radio Kabondo a repris ses droits sous l’autorité de ceux-là même qui voulaient sa mort à l’époque de la rébellion. Certaines radios libres sont entrées dans la clandestinité, elles sont toujours écoutées, en cachette. L’histoire en zigzag des radios burundaises n’a pas encore dit son dernier mot. Bon anniversaire à Bonesha. Courage à tous les journalistes.
TRES BONNE ANALYSE
Bon anniversaire malgré tout. L’important était de naître et de …grandir. Nta mvura igwa idahita,n’iyo izohita Bonesha isubire iboneshereze abarundi n’amakungu. Bon courage aho muri hose
Tony,ko kuri iyo foto utaboneka!!!uri uwuhe!!
Happy Anniversary Bonesha. Its been a bad year, but keep the spirit. Weeping may endure for a night, but joy comes in the morning.