L’OBR a mis en application, début septembre, le nouveau tarif extérieur commun (TEC). D’après ce document, certains taux de taxation ont été revus à la hausse. Les importateurs craignent une hausse des prix des produits importés.
S.K., importateur du matériel de construction rencontré au port de Bujumbura ne sait pas à quel saint se vouer. Ses marchandises sont bloquées depuis cinq jours au Port de Bujumbura. Motif officiel : il y a un nouveau tarif extérieur commun de l’EAC mis en application par l’OBR. D’après ce nouveau TEC, explique-t-il, les droits de douane pour les fers à bétons sont passés de 10 % à 25%. Pour lui, c’est une taxe exorbitante. Pour avoir sa marchandise, témoigne-t-il, les agents de l’OBR lui ont exigé de payer 47 millions de BIF alors qu’il prévoyait seulement 30 millions de BIF au moment de l’importation. Soit une hausse de plus 50%.
Cet importateur déplore également la manière dont l’administration fiscale fonctionne. Elle n’informe pas à temps les commerçants pour qu’ils puissent prendre des précautions. « J’ai pris connaissance de ce nouveau TEC au moment de la déclaration.»
D’après lui, l’OBR aurait dû avertir les importateurs avant la mise en œuvre de cette nouvelle taxation. En principe, souligne-t-il, l’administration douanière devrait donner aux importateurs au moins un délai de trois mois pour que les marchandises qu’ils ont commandées soient exemptées de ce nouveau TEC.
P.K., un importateur des tôles ne mâche ses mots. Ce nouveau TEC ne présente aucun avantage aux commerçants et non plus aux acheteurs. « Son objectif principal est d’augmenter les recettes douanières. »
Sa crainte est que les prix du matériel de construction augmentent d’au moins 40%. En conséquence, selon lui, les Burundais vont simplement abandonner l’achat du matériel importé moins cher et de bonne qualité pour se rabattre aux produits locaux chers, mais de mauvaise qualité. « Ceux qui ont déjà commandé du matériel de construction risqueront de ne pas avoir de l’argent pour les dédouaner. » En plus des droits de douane exorbitants de l’OBR, les commerçants payent également les frais d’entreposage. « Ce nouveau TEC sera profitable aux industries locales. »
Cet homme d’affaires fustige, par ailleurs, les explications de l’administration fiscale. La conjoncture économique actuelle du pays n’est pas favorable à l’augmentation des taxes. «L’OBR a voulu certes harmoniser ce TEC avec les autres pays de l’EAC. Mais, cet office ignore que les pouvoirs d’achat des habitants de ces pays ne sont pas les mêmes». Il rappelle que le Burundi vient en dernière position avec un revenu annuel moyen inférieur à 300 USD par habitant.
Les industriels burundais se réjouissent
Les industriels locaux se frottent les mains. Alfred Nijimbere, directeur d’import-export à l’entreprise UBUCOM, se réjouit de ce nouveau TEC. « Il va booster les industries locales. » La hausse du taux de taxation des fers à béton, des tôles et des tubes métalliques va freiner les importations de ces produits qui concurrencent la production nationale.
Les matériaux de construction, certaines denrées alimentaires, les friperies, etc., sont entre autres les produits dont les droits de douane ont été revus à la hausse dans le nouveau tarif extérieur commun.
Les denrées alimentaires sont les plus frappées. Les droits de douane pour le riz sont passés de 200 USD par mètre cube par tonne (MT) à 345 USD par MT. Pour le sucre, les taxes douanières passent de 200 USD par MT à 460 USD par MT. Les fromages sont aussi dans le collimateur du nouveau TEC (25 % à 60%).
Les matériaux de construction ne sont pas en reste. Le taux de taxation des fers à béton augmente de 15% (de 10 % à 25%). Celui des tôles planes est passé de 0% à 10%. Les bars et les profilés sont aussi frappés par cette nouvelle taxation. Leurs droits de douane sont passés de 10 % à 25%.
Par contre, le nouveau tarif extérieur commun de l’EAC, instauré en 2017, diminue les taux de taxation de certains produits. Notamment les ustensiles de cuisine et les boîtes d’allumettes. Les droits de douane de ces produits sont passés respectivement de 25 % à 0% et de 50% à 25%. Les taxes douanières pour les papiers ont baissé de 25% à 10%.
Les commerçants en profitent aussi
Au marché, les commerçants n’ont pas tardé à augmenter les prix du matériel de construction. A titre d’exemple, un fer à béton de 12 mm de diamètre et 12 mètres de longueur s’achète aujourd’hui à 36 mille BIF contre 23 mille, il y a deux semaines. En moins de deux semaines, celui de 10 mm de diamètre et de 12 mètres de longueur s’achetait à 16 mille BIF mais il est actuellement à 23 mille BIF.
Les prix des tôles sont également en hausse. Il y a seulement deux semaines, une tôle de 3 mètres de longueur et un mètre de largeur était à 35 mille BIF, mais aujourd’hui, elle se négocie à 52 mille BIF. Le nouveau TEC de l’EAC est pointé du doigt.
L’administration fiscale s’explique
Gérard Nsabamahoro, commissaire des Douanes et Accises à l’OBR, soutient que son administration n’a pas revu à la hausse les droits de douanes de certaines marchandises. L’OBR a simplement harmonisé les taxes douanières perçues au Burundi à celles des autres pays de l’EAC. «Avec l’union douanière, les droits de douane doivent être identiques dans tous les pays de la communauté.»
M. Nsabamahoro affirme que l’OBR informe régulièrement les commerçants. Il assure que les importateurs ont eu le temps de se préparer : « Ce nouveau TEC devait entrer en vigueur en 2017 comme dans les autres pays de l’EAC. »
Du reste, ce responsable de l’administration fiscale précise que le TEC de l’EAC doit être révisé tous les cinq ans. La commission chargée de sa révision intègre des amendements à la nomenclature du système harmonisé de l’EAC. Et tous les pays membres de la communauté doivent s’y conformer.
En principe, indique M. Nsabamahoro, la structure des droits de douane fixe le taux de taxation à 0 % pour les matières premières, 10 % pour les produits semi-finis et 25% pour les produits finis.
Mais d’une façon particulière, souligne-t-il, cette structure change pour des produits dits « stratégiques » c’est-à-dire fabriqués par les pays de la communauté. Pour ces produits, les droits doivent être revus à la hausse pour promouvoir et protéger les industries régionales. Cette commission diminue aussi les droits de douane pour des marchandises dont la communauté a fortement besoin.