Un projet de décret portant réorganisation de la gestion de la bourse d’études a été adopté en conseil des ministres. C’est l’exaspération chez les étudiants.
Il est le quatrième des six projets présentés sur la table du Conseil des ministres, mercredi 26 octobre. « Il convient de rappeler que les Etats généraux de l’Education de décembre 2014 ont recommandé que le système de gestion de la bourse d’études soit rapidement revu par l’introduction du système prêt-bourse pour s’adapter notamment aux pratiques régionales et internationales en matière de l’enseignement supérieur», peut-on lire sur le communiqué de presse du gouvernement.
Dans son argumentaire, la ministre de l’Education rappelle que le Burundi est l’unique pays au monde à encore attribuer des bourses gratuites aux étudiants.
Les étudiants ayant bénéficié de bourses à l’étranger ne sont pas en reste. Le décret propose que «les boursiers qui ne rentrent pas au Burundi pour y prester au moins deux ans après leurs études remboursent la totalité de la bourse perçue. »
Aaron Nduwayezu, président de l’Association des étudiants Futurs Educateurs (ASSEFED) de l’ENS s’inscrit en faux contre ce décret. Les conditions de vie de la majorité des familles burundaises sont précaires, explique-t-il, le remboursement de cette dette s’avérera ainsi extrêmement difficile.
Pour M. Nduwayezu, cette mesure ne va que réduire les effectifs des prétendants à l’Université du Burundi. « Beaucoup préféreront abandonner l’université au lieu de s’endetter sans savoir avec quoi rembourser.»
B.N., étudiant en droit à l’UB voit en ce projet une imminente suppression totale de la bourse. «C’est la volonté de l’Etat depuis 2014. Pour l’instant les conséquences ne seront pas très fâcheuses, mais plus tard nous allons en souffrir.»
«Un désastre pour les enfants des pauvres »
Pour Libérât Ntibashirakandi, ce principe de réorganisation des bourses n’est pas bon vu la conjoncture du pays. «Le revenu de la population étant très bas, comment prendre une décision qui hypothèque l’avenir de la majorité des jeunes du monde rural qui traîneront une dette concoctée au cours de leurs études, probablement tout au long de leur vie ?»
M. Ntibashirakandi trouve que ce projet – les étudiants du secondaire qui se seront distingués obtiendront des bourses d’excellence gratuites – ne fait que renfoncer le clivage entre les enfants des milieux favorisés et ceux des milieux démunis. « Les enfants des pauvres qui passeront dans les mailles du filet et qui termineront les humanités, seront encore une fois bloqués par le système de bourse. Ils préfèreront abandonner les études supérieures pour ne pas s’endetter. »
Pour cet universitaire, il est inconcevable d’instaurer un tel système dans la mesure où le pays est confronté à un problème très sérieux de chômage des jeunes, particulièrement les diplômés.
Selon une enquête menée par l’Isteebu en 2014, sur les conditions de vie des ménages burundais, le chômage est plus accentué en milieu urbain avec 11,1% contre 1,7% en milieu rural. 2,4% représente des jeunes dont l’âge est compris entre 15 et 35 ans.
Quant au porte-parole du ministère de l’Education, Edouard Juma, il se refuse, pour l’heure, à tout commentaire : « Si le décret n’est pas encore signé, je ne peux émettre des commentaires. C’est nous qui l’avons soumis. Une fois signé, nous pourrions alors donner des éclaircissements. »