Après la menace de la Cosesona de déclencher un mouvement de grève général suite à un test de niveau des enseignants, le ministère de l’Education vient de suspendre cette mesure. Une question qui a suscité la remise en cause du système éducatif burundais par le corps professoral et des experts en éducation.
Par Clarisse Shaka, Keyna Iteriteka et Alphonse Yikeze
Evaluer les enseignants du fondamental. Voilà l’annonce qui a mis le feu au poudre. Le ministère voulait vérifier si les lamentations concernant la baisse de la qualité de l’enseignement au Burundi étaient fondées.
Le test prévu pour 33 mille enseignants, selon le ministère en charge de l’Education, devait détecter les forces et les faiblesses des enseignants par matière.
Dans une déclaration du 14 janvier, les syndicats des enseignants affiliés à la Cosesona (Coalition des enseignants pour la solidarité nationale) s’étaient insurgés contre ce test.
Il s’agit selon cette coalition, d’une remise en question des institutions délivrant les diplômes, les réussites au test de recrutement et les cotations des performances des enseignants.
Selon ce syndicat enseignant, ce serait en outre une violation de la procédure légale de perfectionnement des fonctionnaires de l’Etat dont la charge ne revient pas au ministère mais à un comité interministériel de perfectionnement mis en place par le ministère de la fonction publique selon l’article 73 du statut général des fonctionnaires.
Le ministère accusé de faire diversion
Dans un mémorandum des syndicats enseignants soumis au ministère en charge de l’éducation, le 6 janvier, les enseignants disent regretter « des mesures intempestives qui viennent culpabiliser l’enseignant » et se disent consternés que la dégradation de la qualité de l’enseignement soit imputable uniquement à l’enseignant en faisant fi des facteurs réels qui gangrènent le système.
Et d’énumérer des classes pléthoriques, l’insuffisance des supports pédagogiques, l’insuffisance des équipements, l’absence de laboratoires et de bibliothèques, etc.
« On ne doit passer sous silence les décisions incessantes sur le système éducatif qui sont prises sans l’implication effective du praticien de terrain », regrettent ensuite les enseignants.
Les professionnels de l’enseignement se disent en outre indignés des jeux de prolongations qui, d’après eux, s’observent lorsqu’il s’agit de traiter des questions visant l’amélioration des conditions de vie et de travail du fonctionnaire enseignant. Et de se demander si ces mesures ne seraient pas diffusées dans l’optique de distraire les enseignants « afin de les détourner de leurs revendications longtemps présentées. »
Pour preuve, les enseignants évoquent le test de niveau prévu à l’endroit des enseignants des trois premiers cycles. « Organiser un test de niveau à l’endroit des enseignants est une façon de culpabiliser l’enseignant et une fuite en avant face aux droits des travailleurs. »
Les enseignants prennent le soin de souligner le statut général des fonctionnaires qui, en son article 6, stipule que « le fonctionnaire a droit au perfectionnement professionnel et une adaptation permanente aux besoins de renouveau de l’administration publique. Chaque ministère inscrit, dans la prévision budgétaire annuelle, le financement de ce perfectionnement en fonction de ses effectifs ».
Un deux poids-deux mesures…
D’après les enseignants, au regard de cette disposition de la loi, il n’apparaît nulle part l’organisation d’un concours pour tester le niveau de connaissances des fonctionnaires de l’Etat. Et de s’interroger sur les mobiles qui auraient inspiré le ministère de l’Education pour organiser un tel test « en dehors de toute réglementation et sans aucune concertation avec les représentants syndicaux tel que recommandé par les principes de dialogue social et de bonne gouvernance ».
Selon toujours le même mémorandum, l’article 72 du même statut met à jour les modalités d’application des renforcements des capacités des enseignants. « Les cours de perfectionnement professionnel permettent d’acquérir un ensemble de connaissances de base et d’aptitudes nouvelles relatives à un domaine d’activité déterminé ou à améliorer, approfondir ou mettre à jour des connaissances déjà acquises au titre de la formation antérieure et de l’expérience professionnelle ».
A cet effet, les enseignants disent s’interroger sur les motivations du ministère à vouloir passer à côté de ce qui est préconisé par les textes légaux et réglementaires et l’accusent de préférer adopter « une voie qui ne vient que pour ternir l’image du système éducatif en général et celle de l’enseignant en particulier ».
Par ailleurs, ajoutent les enseignants, l’organisation d’un tel concours, dans des conditions où son efficacité, sa pertinence, sa finalité et la transparence sont loin d’être établies, est vouée à l’échec.
Les enseignants dénoncent également un deux poids-deux mesures. « On se demande pourquoi le reste des fonctionnaires de l’État n ‘est pas soumis à de telles conditions s’il s’agit de son perfectionnement. Cela constitue une injustice notoire à l’égard de l’enseignant et porte préjudice à sa moralité et à son professionnalisme ».
Le corps enseignant rappelle que durant les années 1980, des formations de perfectionnement étaient régulièrement organisées et dont le résultat était toujours positif. « Pourquoi ne pas se servir de l’expérience réussie du passé afin de trouver des solutions efficaces et efficientes ? », se demandent les hussards noirs.
Urgence d’un dialogue
Les dispensateurs du savoir suggèrent aussi au ministère d’user du personnel technicien en sa disposition pour évaluer le travail enseignant. « Il dispose des inspecteurs, des directeurs et autres encadreurs de proximité qui sont régulièrement rémunérés pour un accompagnement professionnel des enseignants et qui donnent régulièrement des rapports relatifs aux forces et aux faiblesses des enseignants, pourquoi ne partiraient-ils pas des données fournies par ces derniers pour déterminer le personnel en besoin de perfectionnement ? »
Les syndicats enseignants demandent, à travers ce mémorandum, la mise en place d’un dialogue pour évoquer largement tous les maux qui gangrènent le secteur de l’enseignement.
En annonçant cette mesure, le ministère de l’Éducation avait affirmé dans un communiqué de presse du 3 janvier, que des évaluations de la nature à évaluer le niveau de compétences des enseignants par un test ne sont pas une nouveauté au Burundi. Le ministère a fait savoir qu’une évaluation par test a été organisée en 2019 au Burundi à l’endroit des enseignants et des élèves. « Ce test n’a suscité aucune lamentation ni de la part du public, ni de la part des enseignants soumis au test. Il est donc incompréhensible que certaines personnes s’insurgent contre l’organisation d’un tel test».
Mardi 18 janvier, le ministère de l’Education décide de suspendre temporairement cette évaluation en attendant les conclusions des négociations qui seront menées sous la médiation de la Commission nationale de dialogue sociale (CNDS).
Ce dernier, après avoir observé les échanges de nature conflictuelle matérialisés par des déclarations des deux parties (Cossesona et ministère), s’est saisi de cette question « pour prévenir une escalade de nature à perturber la paix sociale en milieu du travail ».
Un secteur « politisé »
Pourquoi cette levée des boucliers ? Plusieurs enseignants concernés ne voient pas du tout d’un bon œil ce test. Pour eux, il s’agit d’une mauvaise réponse aux maux dont souffre le domaine de l’enseignement.
M.A., enseignante dans la province Mwaro, affirme que si la qualité de l’enseignement est très défaillante aujourd’hui, la balle n’est pas dans le camp des enseignants : « Nous pouvons avoir une centaine d’élèves dans une seule classe, avec un nombre limité de livres. Ils s’assoient quelquefois à quatre et la plupart des fois à trois. Les trois partagent le même livre. Il ne faut alors pas s’attendre à ce que tous ces enfants aient un niveau adéquat dans de telles conditions d’apprentissage. »
Cette enseignante depuis une vingtaine d’années fait remarquer que les conditions de travail des enseignants doivent aussi être prises en compte : « Je me souviens que lorsque j’ai commencé, je connaissais les noms et même les parents de mes élèves. Aujourd’hui, avec un tel nombre d’élèves, il est très difficile d’assurer le suivi et l’encadrement».
Il y a eu le redéploiement de certains enseignants, on parcourt des kilomètres pour se rendre au travail. Avec notre petit salaire, certains se découragent à force d’être tous les jours dans les rues à faire de l’auto-stop.
Un ancien enseignant de la mairie de Bujumbura explique que le militantisme dans les partis politiques a aussi un grand rôle dans le recrutement dans le secteur de l’éducation.
« Le métier que nous faisons demande engagement et dévouement, quand on commence à recruter sur base de l’appartenance politique, il faut s’attendre à des dysfonctionnements», regrette D.K., un retraité du domaine de l’enseignement.
Il regrette que le recrutement ne se fasse pas sur base de la compétence tant pour les enseignants que pour les organes dirigeants : « Un enseignant recruté parce qu’il est du parti au pouvoir ne va jamais se soucier du bien-être de ses élèves, il va être au service de celui qui l’a engagé. On a déjà vu plusieurs d’entre eux s’absenter pour se rendre à des séances dédiées au parti. Ceci se fait avec la complicité des directeurs, parce que ces dernières années sauf pour quelques établissements, ils sont aussi issus du parti au pouvoir. »
Un autre enseignant contacté observe que si le niveau des enseignants était médiocre, l’Etat en porterait l’entière responsabilité : « Les enseignants sont formés par l’Etat car c’est lui qui délivre les diplômes de fin d’études aux concernés qui attestent de la qualité de leur formation.»
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Pédagogue : « Il n’appartient pas au ministère de l’Education d’établir un programme d’évaluation des enseignants »
Un ancien haut fonctionnaire au département de l’Enseignement supérieur tient d’abord à apporter une mise au point. « Il n’appartient pas au ministère de l’Education de mettre en place un programme d’évaluation des enseignants car celui-ci existe via diverses structures ».
A cet effet, l’ancien cadre du Bureau pédagogique de l’Enseignement secondaire cite les directeurs d’établissements, les préfets d’études, les inspections scolaires et les bureaux pédagogiques. « Ce sont toutes ces structures qui, en principe, assurent le contrôle et l’encadrement des enseignants. Un rôle qui n’est pas dévolu au ministère ».
Tout comme les syndicats d’enseignants, le pédagogue estime que les dysfonctionnements liés au secteur de l’enseignement ne reposent aucunement sur l’enseignant. « Les enseignants sont souvent face à des classes surpeuplées et au manque de matériel didactique. »
Celui qui a consacré une trentaine d’années de sa vie au domaine de l’enseignement juge également qu’il n’appartient pas au ministère d’élaborer les programmes. « C’est une tâche qui revient à des techniciens de l’enseignement. Le ministère n’est là que pour fixer les grandes orientations ».
Sur les écoles d’excellence, cet ancien préfet des études soutient que lesdites écoles n’ont d’excellence que le nom. « J’ai comme l’impression que la plus-value de ces écoles réside dans les bonnes conditions matérielles octroyées aux élèves qui y sont scolarisés ». Et de mettre au défi ce système d’excellence. « Dans le temps, il y avait des concours d’éloquence. J’aimerais bien que les élèves qui fréquentent ces écoles soient confrontés à ce type d’épreuves pour évaluer leur niveau réel ».
Le pédagogue à la retraite se montre également sceptique quant au rôle devant être joué par les directeurs d’établissements. « Beaucoup de directeurs d’écoles sont recrutés sur des bases partisanes. Du coup, comme ils savent qu’ils sont à leurs postes autrement que par leurs compétences, ils n’osent exiger quoi que ce soit ! C’est triste ! »
Enfin, l’ancien enseignant et ancien président du comité des parents dans une école de Bujumbura soutient que les parents doivent aussi avoir leur place dans le secteur de l’enseignement et mis au parfum de toutes les réformes qui y sont opérées.
Phénias Nigaba : « Ne pas mettre les vrais problèmes sous le tapis»
Pour le porte-parole du parti Sahwanya-Frodebu, le programme d’évaluation et de recyclage devrait concerner tous les fonctionnaires de l’Etat. « Nous ne comprenons pas pourquoi ce programme devrait concerner uniquement les enseignants. D’ailleurs, les enseignants ont plutôt un bon niveau et je trouve dommage qu’on ait douté de leurs compétences ! ».
Phénias Nigaba avance en outre qu’en voulant mettre en place des programmes d’évaluation, le ministère en charge de l’Education a enfoncé des portes ouvertes. « Les programmes de renforcement des capacités des enseignants existent déjà et sont financés par différents bailleurs ».
D’après lui, le ministère aurait dû traiter en priorité les problèmes qui hantent le secteur éducatif. « Il y a des effectifs pléthoriques dans les écoles. Un enseignant peut parfois se retrouver face à 150 élèves ! Avec cela, l’enseignant ne va dispenser son cours qu’aux élèves assis aux premiers rangs ! En plus, beaucoup d’écoliers n’ont pas de bancs pupitres et s’asseyent à même le sol, les livres font défaut sans parler du matériel de laboratoire ». Il demande au ministère de ne pas mettre les vrais problèmes sous le tapis.
M. Nigaba pense qu’il faut une augmentation du corps enseignant pour faire face au surnombre d’élèves et des conditions salariales décentes. « Je trouve déplacé qu’on demande aux enseignants de fournir des efforts en termes de qualité alors qu’on leur paie des miettes ! ».
Le haut-cadre du parti de Melchior Ndadaye demande à ce qu’il y ait à nouveau des Etats généraux de l’Education pour disséquer tous les dysfonctionnements qui gangrènent ce secteur. « C’est comme une pépinière. Pour qu’il y ait de bons fruits, il faut qu’il y ait une synergie de tous les acteurs de ce domaine, y compris les parents ».
Francis Rohero : « Faire passer un examen à un enseignant ne peut être un paramètre d’évaluation »
L’ancien candidat à la présidentielle de 2020 déplore qu’en l’absence d’évaluations responsables, les autorités désignent des coupables. « Faire passer un examen à un enseignant ne peut être un paramètre d’évaluation puisque sa capacité à enseigner ne tient pas exclusivement à son aptitude intellectuelle, mais aussi à son état d’âme et bien d’autres paramètres plus complexes».
D’après le cadre administratif à l’Université du Burundi, pour comprendre la baisse de la qualité de l’enseignement, il faut remonter aux débuts des années 2000. Une situation due, selon lui, aux conséquences de la guerre civile. « Avec la précarité dans les familles à cause de la guerre, la course vers la recherche de l’argent, la dégradation des conditions de vie pour ceux qui étaient supposés être à l’abri parce que intellectuels, le mythe de « l’école clé de la vie » a pris fin et les enseignants n’ont plus été des modèles pour les enfants ».
Pour l’ex-candidat indépendant à la présidentielle de 2020, les enseignants sont aussi bien que les élèves, victimes d’un manque de planification « dans une jungle où les puissants amènent leurs enfants dans des écoles plus organisées ».
L’ancien conseiller économique à la Deuxième vice-présidence de la République en profite pour revenir sur certaines de ses propositions en termes d’éducation lors de sa course à la présidentielle. A savoir notamment une bonne qualité de formation des enseignants, des élèves en bonne santé et ambitieux, du matériel didactique à suffisance avec un budget conséquent, une bonne collaboration dans la planification entre les décideurs politiques, les professionnels de l’enseignement et les parents, etc. « Partant de là, ce qu’il faut faire devient facile du moment où « heureux » pour les enseignants et « en bonne santé » pour les élèves doivent être pris comme des résultats d’un devoir bien fait d’une bonne politique de développement », juge ainsi M. Rohero.
Me Jean Samandari : « Ce test de niveau des enseignants est nécessaire »
Le président de la Coalition pour l’éducation pour tous Bafashebige, Me Jean Samandari, estime que la problématique des enseignants non qualifiés est aussi une des sources de la détérioration du système éducatif burundais : « Il y en a qui enseignent le swahili, l’anglais alors qu’ils n’ont pas de formation pour cela.»
D’après lui, il y a plusieurs paramètres à la base certes, mais le manque de qualification des enseignants en fait partie. « Cela pour dire que ce test de niveau est nécessaire».
Selon lui, d’autres raisons forment le nœud du problème tels que le manque de bancs-pupitres, des salles de classe saturées, le manque de livres, de bibliothèques et de laboratoire. Des problèmes dont il juge qu’ils sont en train d’être résolus par le Gouvernement du Burundi.
Me Samandari indique que le Gouvernement est en train de construire des salles de classes. D’après lui, le Premier ministre a promis que cette année, il y aura 100 mille nouveaux bancs pupitres. Ils ont commencé à les distribuer dans les établissements. « L’Etat ne ménage aucun effort pour confectionner de nouveaux livres même si le nombre n’est pas toujours satisfaisant, il ne reste qu’à s’attaquer à la qualité de l’enseignement».
Cet avocat affirme également que certains élèves ne font pas d’efforts pour l’apprentissage, parce que selon lui ils se découragent à cause du chômage qui frappe la jeunesse.
Il propose au ministère de l’Education et aux syndicats enseignants de se mettre ensemble pour trouver un accord sur la manière dont ce test de niveau pourrait être effectué dans le respect de la loi.
Libérat Ntibashirakandi : « Un système éducatif complètement délabré »
Le chercheur et conseiller pédagogique demande un nettoyage de fond en comble du secteur de l’enseignement aux prises, selon lui, à des dysfonctionnements énormes.
« Le ministère de l’Education veut faire porter le chapeau aux enseignants, soi-disant qu’ils sont responsables de la détérioration de l’enseignement. Mais c’est totalement faux », assure l’expert en éducation.
D’après lui, la loi burundaise ne prévoit pas du tout l’organisation de tests pour les fonctionnaires. L’on ne peut donc pas le faire uniquement pour les enseignants. « Même dans les contrats qu’ils ont signés, je ne pense pas qu’il est prévu qu’ils fassent un test d’évaluation».
Selon Libérat Ntibashirakandi, les enseignants ont été formés par l’Etat. C’est ce dernier qui devrait plutôt organiser leur formation continue et faire leur recyclage, car la pédagogie évolue.
Pour ce professeur à l’Université Libre de Bruxelles, le fond du problème réside dans la manière dont la formation initiale des enseignants est organisée et comment ces derniers sont recrutés. « Organiser aujourd’hui un test de niveau à l’endroit des enseignants, c’est reconnaître d’une autre manière que la formation initiale et le recrutement des enseignants sont biaisés. », tranche l’expert naturalisé belge.
Le nœud du problème…
M. Ntibashirakandi estime que la principale raison de la détérioration de l’enseignement est le contexte socio-politico-économique burundais qui n’est pas favorable. Le secteur de l’éducation est aujourd’hui politisé, d’après lui. Le recrutement des enseignants se fait parfois sur des bases politiques et la corruption.
Ensuite, d’après lui, les enseignants sont mal formés, ne sont ni compétents ni qualifiés ni motivés. « Ils travaillent juste pour pouvoir survivre. Sans parler de l’insuffisance des infrastructures, des équipements, du matériel didactique… »
Selon M. Ntibashirakandi, les méthodes d’enseignement ne sont pas actualisées au Burundi. « La pédagogie évolue. Comme il n’y a pas de recyclage des enseignements, il n’y aura jamais d’amélioration », juge-t-il.
L’autre problème, explique le mathématicien, il n’y a pas de projets d’écoles au Burundi. « C’est-à-dire que l’Etat doit former des citoyens burundais qui dans 10-20 ans, seront des citoyens honnêtes, qui ont un sens de l’humanité, qui respectent les droits de l’Homme, l’environnement, etc. Bref, des citoyens responsables, qui auront des compétences diversifiées et qui seront capables de faire face aux défis qui pourront se poser dans les années à venir. »
« Une réforme qui a complétement dégradé le système éducatif »
Libérat Ntibashirakandi parle des réformes multiples, comme le système dit « fondamental », qui ont été mises en place sans aucune étude préalable pour évaluer les conséquences, les risques et les avantages.
Ailleurs, selon le professeur d’université belgo-burundais, chaque réforme doit être soumise à des experts qui mènent une réflexion approfondie et décident de l’expérimenter dans quelques écoles pilotes. « C’est là où ils constatent des lacunes, des erreurs, tirent des leçons et adaptent la réforme avant de la généraliser dans toutes les écoles. » C’est ce manque d’expérimentation qui renforce le désordre dans le système éducatif burundais, selon M. Ntibashirakandi.
Il fait savoir que le système fondamental a été évalué par un cabinet burkinabé qui a dressé un rapport final qui date d’avril 2021. Les conclusions de ce rapport montrent bel et bien que la réforme fondamentale est un fiasco.
Pourtant, ce professeur affirme avoir maintes fois partagé ses orientations et recommandations pour améliorer ce système, des recommandations qui reviennent d’ailleurs dans ce rapport. « Mais le gouvernement a toujours fait la sourde oreille. C’est ce manque d’écoute qui détériore davantage le système éducatif burundais».
Les pistes de solution
Bien qu’il juge difficile de sortir de cette impasse, Libérat Ntibashirakandi propose à l’Etat de créer des conditions socio-politiques et économiques favorables sans omettre de préciser que les moyens nécessaires sont colossaux. D’après lui, l’Etat du Burundi est incapable de financer, à lui seul, le système de l’éducation. « Il faut que la confiance entre le Burundi et les bailleurs soit rétablie. »
D’après cet expert, il faut élaborer une politique cohérente de formation initiale des enseignants et la formation continue des enseignants du secondaire et de l’université. Là, la priorité est de créer, selon lui, dans chaque province, un Institut de formation des enseignants du primaire et du secondaire d’une durée de 5 ans après les Humanités générales. « Depuis 2005, si le parti au pouvoir, au lieu de construire des stades, avait construit un Institut de formation des enseignants qui organise chaque année les recyclages, le système éducatif burundais serait aujourd’hui très avancé. »
Pour l’enseignement supérieur, ce conseiller pédagogique recommande de renégocier des partenariats avec les pays amis pour former des formateurs dans des universités de renommée internationale.
Il propose également de redessiner la carte scolaire du pays. Par exemple, explique M. Ntibashirakandi, sur les meilleures écoles du pays comme le Lycée du Saint-Esprit ou les Séminaires, il faut créer des écoles primaires rattachées à ces établissements pour que ce meilleur niveau intellectuel de l’élève commence dès la base.
Cet expert en éducation propose aussi de renforcer l’encadrement de proximité des enseignants par des conseillers pédagogiques compétents surtout pour les nouveaux enseignants.
Enfin, Libérat Ntibashirakandi recommande l’amélioration des conditions de travail des enseignants. « Il faut revaloriser l’enseignant en augmentant son salaire, en lui facilitant l’accès au logement décent, au crédit, etc. C’est sidérant de voir une enseignante avec un bébé dans le dos pendant les cours. »
Pour ce professeur, le métier d’enseignant est un métier noble. Ce sont eux qui produisent les dirigeants du pays. « Nous tous sommes le produit des enseignants. Ils méritent d’être respectés, encouragés et valorisés. »
La photo des élèves en classe parle d’elle même ! Ni l’enseignant, ni les élèves ne peuvent bien travailler dans ces conditions ! Celui qui le croit est dans le déni de la réalité.
Dans tous les échecs multiformes que Le Journal iwacu essaie de décrire:
Je citerais dans le désordre: système éducatif, les routes, la Regideso, L’ONATEL, Mpanda papers, etc…
Il y a un constat accablant, un point qui revient sans cesse pour expliquer cette faillite. Une corruption dantesque, caractérisée par des recrutements à base politique. Il faut être du parti de l’aigle pour avoir du travail.
Le « wamaze iki » qui signifie tous les malheurs du pays