Vendredi 22 novembre 2024

Société

Système d’évaluation en réseau, une mesure qui irrite

05/05/2021 4
Système d’évaluation en réseau, une mesure qui irrite
Victor Ndabaniwe : « Il y a fraude massive des examens, des élèves qui bénéficient des points non mérités. »

Depuis l’année scolaire 2020-2021, un système d’évaluation en réseau qui consacre un examen unique par commune est à l’œuvre. Les professionnels de l’éducation dénoncent une improvisation qui favorise des cas de fraude.

Par ordonnance ministérielle du 19 décembre 2019, le ministère de l’Education a mis en place des réseaux scolaires. Un réseau scolaire est composé de 5 à 6 écoles dans un rayon de 5 km. Une école centrale est sélectionnée en fonction des opportunités matérielles qu’elle propose : les salles, bibliothèque et laboratoire équipements et des enseignants expérimentés ou qualifiés. Les élèves du même réseau passent un même examen de fin du trimestre dans l’établissement choisi.

Des enseignants, des responsables scolaires, des syndicalistes dénoncent plusieurs irrégularités de ce système d’évaluation. Ils évoquent des fraudes massives des examens, du manque de moyens d’encadrement, un relâchement dans le mode d’évaluation, un ralentissement du niveau d’apprentissage chez certains élèves.

Un des responsables du lycée de « La convivialité » en zone Knyosha, au sud de Bujumbura n’en revient pas. Il déplore que les examens passent dans les mains de plusieurs personnes et, du coup se retrouvent dans la rue. « Nous avons l’habitude d’évaluer par des vrais examens afin de préparer nos élèves à l’examen d’Etat. Mais nous devons nous conformer aux autres établissements. Comment voulez-vous qu’une école qui est peu avancée dans les programmes ou n’a pas d’enseignants soit évaluée au même titre que les autres ?

Pour lui, c’est un système qui ne favorise ni l’enseignant ni l’élève. Par ailleurs, les enseignants des écoles d’un même réseau doivent se réunir pour trouver un examen pour chaque cours et chaque classe. Ce qui dit-il a des implications sur le travail de l’enseignant. Il estime que l’Etat aurait dû considérer quelques objectifs tels que l’excellence recherchée par certains établissements. D’après lui, il faut que chaque établissement soit indépendant dans le choix des examens dans l’intérêt de l’enfant.

Même son de cloche chez Juvénal Basogomba, directeur du lycée municipal Ruziba. Il faudrait prendre en compte des spécificités des écoles. Lui aussi appelle le ministère de tutelle à prendre des mesures d’accompagnement pour le rendre « plus efficace et plus efficient possible. »

Délitement du système d’éducation

Mêmes appréhensions au petit séminaire de Kanyosha. Un des enseignants dénonce un ‘’délitement’’ du système d’éducation depuis la nouvelle réforme dite « du fondamental. » « Le système d’évaluation en réseau ne fait que favoriser et pérenniser la culture de la médiocrité. Aucun dispositif pour la sécurisation des examens. En conséquence, les examens se retrouvent dans la rue avant leur passation. Les exemples sont légion». Pour lui, certains sont défavorisés et d’autres ne sont pas évalués à leur juste niveau.

Au nord de la capitale économique, des enseignants interrogés eux aussi dénoncent des tricheries et des vols d’examens. «Les examens sont choisis juste au début du trimestre et passent dans les mains de plusieurs personnes. Certains enseignants ou agents des directions communales de l’enseignement les distribuent aux élèves», déplore un enseignant de l’Ecofo Ngagara du quartier II et III. Il rappelle que la direction de l’enseignement en mairie de Bujumbura a dû annuler les examens suite aux fraudes en commune Ntahangwa.

Ils convergent sur la nécessité de prendre en compte certaines spécificités des établissements. Ils appellent le ministère en charge de l’éducation à revenir sur sa décision. Ils l’invitent plutôt à équiper en matériel didactique les écoles et leur donner des enseignants qualifiés.

Pour Victor Ndabaniwe c’est une initiative prise à la hâte, engagée sans le consentement des syndicats. Pour lui, « la qualité des apprentissages est déplorable dans le système éducatif et il n’y a pas besoin d’autres réformes sans avoir averti toutes les parties prenantes. « Il y a fraude massive des examens, des élèves qui bénéficient des points non mérités. Ce système diminue l’esprit de compétition », a regretté M. Ndabaniwe lors de l’assemblée générale des représentants nationaux et provinciaux des syndicats réunis à la confédération COSSESONA le 16 avril.

Il a invité le ministre de l’Education à organiser des consultations avec les parties prenantes pour analyser ensemble les contours de cette mesure pourtant bonne, mais mal implémentée.


Eclairage d’expert : « Il ne faut pas supprimer les examens en réseaux mais mieux les organiser »

Joseph Ndayisaba, pédagogue et professeur d’université précise que la mise en réseau des établissements scolaires est une stratégie qui figure dans les programmes financés au niveau du plan transitoire de l’éducation 2018-2020. Il suggère des mesures pour éviter les fraudes.

« Concrètement le regroupement en réseau c’est pour un partage des ressources. Cela veut dire qu’un établissement ayant de l’électricité, une bibliothèque, des enseignants qualifiés met au service des autres établissements, membres du réseau, ces ressources qui leur manquent. C’est essentiellement des outils pédagogiques et particulièrement les enseignants », explique Joseph Ndayisaba.

D’après lui, la mise en réseau des évaluations semble une conséquence assez logique à cette mise en réseau de ces établissements. Cela veut dire qu’ils partagent les fichiers d’évaluation. « Ils essayent d’initier les évaluations. C’est-à-dire que la décision de la pratique des examens en réseau n’est pas tombée comme ça. C’est une suite logique de la mise en réseau des établissements scolaires». Et de préciser que ces réseaux ont en interne les capacités de formation des enseignants.

Le professeur Ndayisaba fait savoir qu’il y a la pratique et les effets. Il déplore que ces examens organisés en réseau connaissent des fuites. Il considère néanmoins que c’est un phénomène universel. Il y a même des fuites aux examens nationaux, des enseignants trichent pour les élèves à qui ils prodiguent des cours du soir et ces derniers réussissent artificiellement.

Le pédagogue estime qu’il faut prendre des mesures pour éviter les fraudes. Il suggère la diminution du nombre de gens qui ont accès à ces examens et aux grilles de correction. « Organiser les examens de manière à ce qu’il y ait le moins de fuites possibles. Il y a un décret qui date de 1993 qui érigent en infraction les vols d’examens ou tricheries », conclut-il.

Forum des lecteurs d'Iwacu

4 réactions
  1. Mayigi

    Comment voulez-vous que l’enseignement, comme les autres domaines, performent sans planification? Chaque ministre se lève le matin et hop il met en place un système qui n’a ni tête ni queue. Au Burundi , le système scolaire change selon le ministre (autant de ministres, autant de système scolaire. Je ne sais même pas s’il faut parler de système). On est toujours dans l’improvisation!!!
    Tous les pays se développent par la mise en place d’une stratégie :
    1) La planification: le développement d’un pays ne s’improvise pas, il se planifie;
    2) L’éducation et la recherche (une formation de qualité). Certains ont compris la valeur de la matière grise;
    3) Le contrôle: tout le monde est contrôle sauf au Burundi où les responsables gèrent les domaines qui leur sont confiés comme une affaire privée. Tout le monde doit rendre des compte du travail confié;
    4) L’industrialisation et la technologie;
    5) La politique de nourriture;
    6) Le système social (soins de santé, assistance des démunis).

  2. Mbariza

    « Il y a fraude massive des examens, des élèves qui bénéficient des points non mérités. Ce système diminue l’esprit de compétition ». Burundi bwejo bushigwa mu busuma bukiri imitavu ? Tuvuye he ? Tugeze he ? Tuja he ?

    • Aloys Jusho

      De nos temos, ces choses ne se passaient qu’au Zaïre voisin.
      Pauvre Burundi

      • Kagayo

        Plus Sidérant encore le fameux ministre de l’Education Banyankimbona a été envoyé représenter le Burundi dans une organisation régionale alors qu’il a échoué chez lui. Que de l’amateurisme. Tant que le recrutement des enseignants se fera par favoritisme avec corruption á la clé, la qualité de l’enseignement continuera à dégréngoler.

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