La pauvreté, des violences familiales, des séquelles du passé font partie des facteurs de risque de suicide au Burundi, selon une étude sur les déterminants du suicide menée par le centre Ubuntu. La multiplication des centres de prise en charge des problèmes psychosociaux est parmi les solutions proposées.
« Au total, 1080 ménages sur 1510 ménages enquêtés en 2019 ont été retrouvés et enquêtés ; et 195 cas de tentative de suicide. 252 cas de décès par suicide sur 150 cas attendus ont été identifiés dans la communauté », lit-on dans les résultats de cette étude sur les déterminants du suicide au sein des communautés du Burundi menée dans quatre provinces dont la mairie de Bujumbura, Rumonge, Gitega et Ngozi, avec l’appui de la Coopération suisse.
Pourtant, cette étude stipule que le phénomène de suicide reste peu documenté par les chercheurs du domaine des sciences humaines au Burundi. Selon elle, les mauvaises conditions de vie liées à diverses sortes de causes peuvent aujourd’hui générer des traumatismes psychiques et des séquelles mentales pouvant conduire au suicide.
« Il a été remarqué que les crises qu’a traversé le Burundi ont laissé des séquelles dans la société comme la pauvreté, l’indigence, des maladies, mais aussi au niveau de la santé mentale des blessures psychologiques et psychosociales », explique Frère Emmanuel Ntakarutimana, coordinateur du centre Ubuntu, lors d’un atelier de restitution de cette étude, ce 27 avril.
Pour l’expert en santé mentale et membre d’une équipe de consultants qui ont conduit cette étude, Sylvère Sakubu, la tranche d’âge la plus touchée par le suicide est entre 25 et 49 ans.
Selon lui, le facteur de pauvreté vient en premier lieu : « Devant une misère extrême, certains gens ne peuvent plus donner de sens à leur vie. Ainsi, ils recourent au suicide. Cela est l’effet d’une certaine décompensation psychopathologique. Pour une personne normale, rien ne peut justifier le suicide ».
Il rappelle que face aux séquelles laissées par les crises socio-politiques, certaines personnes n’ont pas trouvé des endroits de prise de parole en privé ou de façon collective : « Ainsi, les conséquences s’observent au niveau de leurs comportements de prise de risque et de l’intolérance qui peuvent aboutir au suicide ». Et d’évoquer aussi les injustices sociales au niveau des familles et des communautés comme facteur influençant le suicide au Burundi.
Cet expert en santé mentale regrette qu’avec la culture burundaise et certaines stéréotypes sociales, le phénomène de suicide reste tabou et pris à la légère par certains Burundais qui croient que les gens se suicident suite à l’ensorcellement.
Des recommandations pour prévenir le suicide
Pour Sylvère Sakubu, il faut renforcer l’accès aux programmes de santé mentale et la prise en charge des problèmes psychosociaux dans les communautés burundaises : « Ces programmes doivent intégrer des psychosociologues et des agents de santé mentale dans les structures sanitaires, mais aussi au niveau des communes et des collines. Que les pouvoirs publics mettent en œuvre cette stratégie ».
Selon Frère Emmanuel Ntakarutimana, la résilience économique est difficile à réussir, si on ne travaille pas en même temps sur le renforcement du bien-être au niveau de la santé mentale et psychosociale.
Il appelle le ministère de la Santé publique et de la lutte contre le Sida à continuer à créer des espaces pour tous ceux qui sont impliqués dans le secteur de la santé mentale et de l’appui psychosocial pour qu’ils échangent de l’expérience, se renforcent mutuellement et développent des synergies.
Pour d’autres participants dans cet atelier, il faut étendre cette étude dans les autres provinces pour avoir des données sur le suicide dans tout le pays. Ils appellent à la multiplication des campagnes de sensibilisation sur la santé mentale dans les communautés pour réduire les cas de suicide dus aux troubles mentaux.
Cette étude sur les déterminants du suicide au Burundi suggère aussi la formation du personnel qualifié dans les provinces pour l’accompagnement des patients en santé mentale, la création d’espace de prise de parole pour une approche partagée de la vérité sur les crises passées ainsi que l’exécution des projets durables engagés dans la gestion des mémoires, la guérison des traumatismes et l’accompagnement psychosocial.