Cinq ans déjà. Le 23 avril 2007, Léonard Nduwayo était emporté par un cancer foudroyant. Il reste vivant dans le cœur de nombreux Burundais. Jeune procureur il a refusé de condamner les innocents dans un complot fabriqué par le régime Micombero.
Début 1972, le régionalisme est à son paroxysme. De nombreux Tutsi originaires de Muramvya sont arrêtés. Ils sont accusés de « complot contre l’Etat. » L’entourage de Micombero affirme détenir des preuves. Marc Manirakiza, un des condamnés, se souvient : « Les ultras de Bururi les Simbananiye et autres Shibura avaient convaincu le président qu’ils avaient les preuves du complot. Micombero, confiant, a demandé que le procès soit exemplaire et public. Cela a été notre chance, car l’affaire a été instruite par un jeune procureur exceptionnel : Léonard Nduwayo. » Et, effectivement, le jeune procureur va mettre à mal les accusateurs. « Tout simplement, Nduwayo a refusé le montage. » témoigne encore Manirakiza. Il fallait avoir un courage extraordinaire pour aller à l’encontre de la machine à broyer. Personne n’oubliera le « je n’ai rien trouvé contre les accusés » lancé par le procureur, raconte un témoin. Au sein de la clique à Micombero, c’était « la douche froide», se souvient Manirakiza. Malgré tout, les accusés seront condamnés à mort par le Conseil de guerre, puis graciés in extremis. Le prix de l’intégrité Léonard Nduwayo a payé cher son intégrité. Un témoin de l’époque confie : « Il ne faut pas perdre de vue que Nduwayo était de Bururi. En refusant de cautionner le montage, il prenait un énorme risque. » Limogé, après le procès, il connaîtra le chômage. « Mais il pouvait marcher la tête haute », lance admiratif un ancien camarade de classe.
Homme modeste, discret, il travaillera ensuite dans le privé (Brarudi). Sportif, il était membre des plusieurs instances sportives et ses conseils prisés. Il a aussi aidé de nombreux athlètes à percer. Son épouse, Régine, parle de 33 ans d’amour qu’elle a vécu avec un « homme exceptionnel.» Elle se souvient aussi de son courage : « Il se savait condamné par son cancer mais il n’a jamais laissé paraître la moindre peur et consolait ceux qui venaient le voir. » Pour les rescapés du faux coup d’Etat de 72, c’est tout simplement « un héros. »