Jeudi 21 novembre 2024

Économie

Sosumo : Le nouveau prix du sucre irrite

27/09/2024 3
Sosumo : Le nouveau prix du sucre irrite
Photo de la nouvelle structure du prix du sucre Sosumo

En mi-septembre 2024, la Sosumo a augmenté le prix du sucre, passant de 3 200 à 8 000 BIF le kilogramme. Les consommateurs se disent irrités par cette mesure. Pour la Confédération des syndicats des consommateurs du Burundi (Cosybu), la procédure de fixation des prix du sucre n’a pas été respectée.

Dossier réalisé par Pascal Ntakirutimana (Iwacu) et Pierre Claver Banyankiye (Jimbere)

L’annonce de la hausse du prix du sucre tombe en plein week-end de la semaine du 14 septembre 2024. Qualifiée « d’intox » par certains, elle se répand rapidement comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux. Les groupes WhatsApp deviennent de véritables arènes de débat. Les commentaires indignés fusent de partout. Pour certains, « Isukari yaha iwacu iracitse inzahabu » ( le sucre local est devenu de l’or). Pour d’autres, après la libéralisation, le sucre est devenu le goût du lucre.

Quelques minutes après, la mauvaise nouvelle pour les consommateurs tombe. La hausse du prix du sucre s’avère authentique. Le sucre passe de 3 200 à 8 000 BIF le kilo.

Cette hausse du prix des cristaux de saccharose de Kumoso s’annonce comme un coup de massue qui frappe de plein fouet les consommateurs puisqu’ils se retrouvent face à un choix impossible : renoncer au sucre ou sacrifier d’autres produits essentiels. « Quand j’ai vu cette annonce, c’était clair : le sucre est devenu un produit de luxe que ma famille ne peut plus se permettre », déplore M. L., habitant de la zone urbaine de Kanyosha. D’ailleurs, poursuit-il, deux cuillères du sucre qui étaient à 100 BIF sont vendues à 200 BIF dans notre localité.

La Sosumo s’explique

Face à une tempête de critiques et d’indignations exprimées par les consommateurs, Aloys Ndayikengurukiye, administrateur directeur général de la Sosumo, sort du silence en sapeur-pompier et défend fermement sa position. « La raison principale de cette hausse réside dans l’augmentation des prix des produits et des matériaux sur le marché international », explique-t-il.

Selon lui, cette envolée se fait également sentir sur le marché local. « Les prix ont largement augmenté sur le marché local, ce qui entraîne une hausse des coûts de production d’un kilogramme de sucre. »

Ce gestionnaire de la sucrerie de Moso précise par ailleurs que le prix d’un kilo de sucre importé sur le marché varie entre 8 000 et 12 000 BIF. Ce niveau de prix a poussé la Sosumo à revoir à la hausse le prix du sucre « Si nous maintenions l’ancien tarif, cela induirait une spéculation », avertit-il. M. Ndayikengurukiye explique cette problématique. « Des commerçants viendraient acheter le sucre de la Sosumo pour le revendre à un prix qui varie entre 9 000 et 12 000 BIF. » Cette situation, selon lui, nuirait aux consommateurs.

Cependant, malgré cette explication, beaucoup restent sceptiques. Une question subsiste. Qui fixe le prix du sucre de la Sosumo ?

Même le chef de l’Etat n’est pas convaincu

Lors d’une séance de moralisation à Cankuzo, le jeudi 19 septembre 2024, le président de la République, Evariste Ndayishimiye est revenu sur le dossier du sucre. « Dans la Sosumo, on m’a dit qu’ils travaillent à perte. Et je leur ai répondu : vous, vous avez échoué. Aucune plus-value que vous n’avez apportée au pays. Vous êtes des commerçants comme tant d’autres. La solution est de libéraliser le sucre. Vous voulez vous enrichir alors que la population souffre. Ils travaillent pour leur ventre », s’est-il emporté contre les dirigeants de l’entreprise Sosumo.

Il a d’ailleurs dénoncé des mensonges dans ce qu’a avancé la Sosumo pour revoir le prix à la hausse. « Je ne sais pas si la ministre a déjà enquêté. Ils nous ont menti. Ils nous ont dit que le sac est à quel prix ? 400 000 BIF ? J’ai découvert qu’un sac importé de l’Ouganda arrive à 243 000 BIF à Bujumbura alors que l’importateur s’est approvisionné sur le marché noir. Dites-moi comment celui qui s’approvisionne en devises à la BRB dit le contraire ? N’y a-t-il pas un hic là ? ».

Le ministère du Commerce et la Sosumo se dédouanent

Après la sortie du chef de l’Etat, le ministère ayant le commerce dans ses attributions indique qu’il va réagir incessamment. « Nous allons vous chercher pour vous tenir au courant de la suite », répond Onésime Niyukuru, porte-parole.

Du côté de la Sosumo, Aloys Ndayikengurukiye, l’ADG n’y va pas par quatre chemins : « Au niveau de la Sosuma, nous avons entendu le message du président de la République et nous sommes à l’œuvre en tant que techniciens. Nous allons soumettre le rapport au ministre de tutelle dès son retour de son voyage. Et nous allons attendre les orientations ».


Haro sur le nouveau prix du sucre

Encore un coup dur pour les ménages qui peinent à joindre les deux bouts du mois au quotidien. Cette décision de la Sosumo constitue pour les consommateurs une chape de plomb. Ces derniers demandent à la Sosumo de fixer les prix en fonction de leur pouvoir d’achat. Reportage

Depuis l’annonce de la mesure qui revoie à la hausse le prix du sucre Sosumo, l’étau se resserre autour des consommateurs de cette denrée qui se fait de plus en plus rare. Du Nord au Sud en passant par le Centre du pays, la décision est cruellement ressentie.

Des gens qui attendant le sucre: « Il fallait tenir en compte notre pouvoir d’achat»

Dans la province de Gitega, la population fustige le nouveau prix de 8 000 FBu le kg récemment annoncé. Elle demande que la décision soit tout simplement annulée. Elle indique en outre qu’elle vient de passer une longue période sans avoir du sucre.

Les commerçants grossistes de cette denrée indiquent, de leur côté, qu’ils en ont en abondance dans leurs stocks et qu’ils attendent l’autorisation du cabinet du gouverneur de Gitega pour le disponibiliser sur le marché. Et au marché noir, le sucre s’obtient à un prix variant entre 8 000 et 12 000 FBu le Kg.

L’impact de la récente décision de la Sosumo se fait sentir également dans la province de Kayanza. Certains consommateurs du sucre regrettent en effet que cette denrée reste quasi inexistante au sein des boutiques contrairement à la situation à laquelle ils s’attendaient avec l’annonce. Ils témoignent que ces derniers jours, le sucre s’achète clandestinement entre 12 000 et 13 000 BIF le kilogramme. « Malgré son prix exorbitant, le sucre frauduleux n’est pas vendu à quiconque le cherche », déplorent ces consommateurs. Ils demandent à la Sosumo de disponibiliser ce dernier au sein de plusieurs boutiques afin de permettre à toute personne capable de s’en procurer de le trouver facilement ou à un prix abordable.

Emmanuel Hatungimana délégué du ministère ayant le commerce dans ses attributions dans la Région nord du pays, atteste que depuis la récente hausse du prix du sucre, aucune distribution du sucre n’a été faite jusqu’ici en province de Kayanza. Toutefois, il rassure que le sucre comptant pour le mois de septembre est déjà dans les stocks à Kayanza. « Sa distribution pourrait se faire d’un moment à l’autre car l’administration provinciale est en train de confectionner les listes des distributeurs », tranquilise M.Hatungimana.

Le Sud du pays dans le désaroi

Une somme d’argent variant entre 400 000 et 450 000 BIF est le prix qu’on doit payer ces derniers jours pour l’achat d’un seul sac de 50 kg de sucre en commune Rumonge. Certains commerçants déplorent la pénurie de ce produit qui se commercialise frauduleusement dans cette commune. « Le sucre se vend frauduleusement. Une fois à la boutique, tu n’es pas directement servi. On te fait attendre pour te servir en cachète », témoignent certains habitants des zone Rumonge, Gatete et Kigwena.

Pour certains habitants de la commune Bukemba dans la province de Rutana, toujours au sud du pays, la montée du prix du sucre ces derniers jours est très inquiétante. Ceux qui se sont exprimés indiquent que passer de 3 200 BIF à 8 000 BIF le kilo est irréaliste.

« C’est pratiquement intenable d’acheter un kilo de sucre à 8 000 BIF alors que ce n’est pas n’importe qui qui pouvait se permettre de l’acheter lorsque son prix était à 3 500 BIF », haussent le ton les habitants des collines Buga et Butemba. Ils demandent à la Sosumo de revoir ce prix et de considérer le pouvoir d’achat des Burundais.


Nouvelle structure des prix: une décision qui ne respecte pas la procédure légale

Après l’annonce de la nouvelle structure des prix par la Sosumo, la Cosybu plaide pour l’annulation de l’annonce de la hausse du prix du sucre et le Parcem appelle à redéfinir les statuts de la Sosumo
Selon la Cosybu, le prix était fixé par une ordonnance ministrielle

Selon Célestin Nsabimana, président de la Confédération des Syndicats du Burundi (Cosybu), cette hausse inexpliquée du prix du sucre qui dépasse 120 %, laisse les consommateurs perplexes. « Le sucre, un ingrédient indispensable pour la fabrication de nombreux produits de consommation courante (bière, pain, jus, thé…) est désormais devenu un fardeau pour les ménages. »

Ce syndicaliste ne mâche pas ses mots. « La procédure n’a pas été respectée dans ce cas précis. Le directeur général de la Sosumo a-t-il le droit de fixer le prix du sucre comme bon lui semble ? Non. La fixation du prix d’une entreprise publique relève de l’autorité gouvernementale. »

M. Nsabimana fait savoir que dans le passé, le prix du sucre était fixé par une ordonnance du ministre du Commerce. « Il devait absolument informer le Conseil des ministres de sa décision », précise-t-il. Le président de la Cosybu demande au gouvernement d’annuler la décision du directeur général et du président du Conseil d’administration de la Sosumo.

« L’État doit redéfinir les statuts de la Sosumo après la libéralisation du sucre »

Faustin Ndikumana, président de Parcem abonde dans le même sens. « L’État doit définir les attributions de la Sosumo dans le contexte de la libéralisation économique. Il doit déterminer son statut juridique après la libéralisation. Est-elle une entreprise libre ou pas ? »

Il propose également la mise en place d’une commission chargée d’étudier la structure du prix du sucre importé et du sucre local. « Les importateurs pourraient être des oligopoles qui s’entendent pour fixer le prix du sucre afin d’éviter toute concurrence sur le marché. »

Que disent les chiffres ?

Dans son intervention, le président Évariste Ndayishimiye évoque le cas du sucre importé qui se réfère à un sac de 50 kg. Selon la Sosumo, le coût de revient d’un kilogramme de sucre importé s’élève à 8 000 BIF. Toutefois, le président indique que ce coût est en réalité de 4 860 BIF pour le sucre importé.

D’après les statistiques publiées par la Banque de la République du Burundi (BRB), le coût de revient du sucre importé par la Sosumo, entre 2019 et juin 2024, a varié entre 1 505 BIF et 1 917 BIF.

De plus, la loi budgétaire de l’année dernière dresse un bilan de la santé financière de la Sosumo. Cette dernière est budgétivore. Elle avait prévu des dépenses supérieures à ses recettes. Un budget de plus de 80 milliards de BIF était envisagé pour cette sucrerie, alors que l’entreprise projetait de produire 21 900 tonnes de sucre qui auraient généré environ 28 milliards BIF.

Ce document révèle également que la Sosumo prévoyait d’importer 15 000 tonnes de sucre. Ce qui devrait rapporter davantage que la production locale avec un bénéfice estimé à 33 millions BIF. En bref, un kilogramme de sucre importé apporterait un bénéfice de 2 230 BIF. Cependant, à la fin de l’année, la Sosumo devrait enregistrer un déficit de plus de 18 milliards de BIF.

Forum des lecteurs d'Iwacu

3 réactions
  1. jereve

    1. L’on entend ici et là les gens qui répètent a longueur de journées les paroles du Chef de l’Etat qui promet par tous les moyens en sa disposition d’œuvrer de telle sorte que chaque burundais ait quelque chose d’une part à se mette dans les poches, et d’autres part à se mettre à la bouche. Très beau discours.
    2. Mon commentaire
    En partant du cas bien précis de la hausse vertigineuse du sucre, on constate tout simplement que c’est l’inverse du discours qui est en train de se passer sous nos yeux. Au lieu de mettre quelques sous dans les poches, on racle le fonds des poches, ou on fait un trou dans ses poches pour pouvoir s’offrir quelques grammes du précieux produit. D’autre part, au lieu d’avoir quelque chose à se mettre sous la dent, on est soumis à un régime sévère, sans sucre ou avec un peu de sucre. Dans les deux cas, on se retrouve dans une situation d’insuffisance ou même de privation où les plus démunis deviennent plus démunis que jamais.

  2. Stan Siyomana

    1. Vous ecrivez:« Ndayikengurukiye explique cette problématique. « Des commerçants viendraient acheter le sucre de la Sosumo pour le revendre à un prix qui varie entre 9 000 et 12 000 BIF. » Cette situation, selon lui, nuirait aux consommateurs… »
    2. Mon commentaire
    Des consommateurs a charge de l’Etat burundais comme les internats des ecoles secondaires, les cantines de l’Universite du Burundi, les camps militaires, les orphelinats, les hopitaux publics, les centres de deplaces internes…pourraient acheter le sucre de SOSUMO a un prix inferieur au prix normal du marche et CETTE ENTREPRISE PUBLIQUE QU’EST LA SOSUMO AURAIT BIEN JOUE SON ROLE DANS LA SOCIETE BURUNDAISE. Tout le monde serait en train de louer les qualites des dirigeants de la SOSUMO (plutot que de maudire ces dirigeants qui veulent tout accaparer pour soi).

    Cepen

  3. Stan Siyomana

    1. Vous ecrivez:« le jeudi 19 septembre 2024, le président de la République, Evariste Ndayishimiye est revenu sur le dossier du sucre. « Dans la Sosumo, on m’a dit qu’ils travaillent à perte…
    Vous voulez vous enrichir alors que la population souffre. Ils travaillent pour leur ventre.. ».
    2. Mon commentaire
    a. Le president de la Republique/SEBARUNDI est la pour s’assurer que les interets du peuple burundais sont proteges le mieux possible.
    Moi je crois qu’il a plein pouvoir de faire renvoyer le conseil d’administration et le directeur general de TOUTE ENTREPRISE PUBLIQUE QUI NE SERT PAS BIEN LES INTERETS DU PEUPLE BURUNDAIS.
    b. Dans le secteur prive, aucun proprietaire d’entreprise ne tolererait que ses managers et employes travaillent pour leurs propres interets.

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