Vendredi 22 novembre 2024

Politique

Sommet de Kigali : Fallait-il se retirer ?

25/07/2016 15

Après le retrait du Burundi du sommet de l’Union Africaine (UA) à Kigali, les raisons fournies par le gouvernement ne sont pas très convaincantes et des interrogations persistent.

Alain Aimé Nyamitwe : « C’est un choix opéré en toute conscience. »
Alain Aimé Nyamitwe : « C’est un choix opéré en toute conscience. »

«Nous avons décidé de ne pas participer aux travaux du Conseil exécutif et de la conférence des Chefs d’Etat pour des raisons qu’on peut décliner en deux ordres », a expliqué Alain Aimé Nyamitwe, le chef de la diplomatie burundaise. Il donnait les raisons du retrait du Burundi des assises de l’UA à Kigali. En effet, alors que le 27ème sommet des Chefs d’Etat de l’UA s’ouvrait ce dimanche 17 juillet, Bujumbura a décidé de se retirer. Les rumeurs sont alors allées bon train pour expliquer les raisons de ce retrait. La plus persistante était que ce sommet allait revoir la question de l’envoi d’une force africaine au Burundi pour protéger la population. Ce qui est sûr, c’est que le médiateur dans la crise burundaise, l’ancien président tanzanien Benjamin Mkapa s’était rendu à Kigali pour présenter la feuille de route issue du second round des pourparlers d’Arusha II aux présidents de l’EAC. Une deuxième session que la délégation gouvernementale est accusée d’avoir boycottée. « La première raison est que le Burundi a voulu donner un message à la Commission de l’Union Africaine qui fait la sourde oreille aux sollicitations légitimes de notre gouvernement. » Ici, il pointe du doigt le Rwanda que le gouvernement burundais accuse d’ingérence dans l’insécurité du Burundi. M. Nyamitwe rappelle que ces sollicitations ont été transmises et exprimées à plusieurs reprises, y compris par des contacts directs entre le gouvernement du Burundi et la présidente de la Commission de l’UA.

La sourde oreille et la sécurité

La seconde raison, toujours selon M. Nyamitwe, est que Bujumbura a demandé d’avoir des garanties de sécurité pour les délégations ministérielles et présidentielles à Kigali. «Ces garanties ne sont jamais venues, et nous avons estimé donc que ce n’était peut-être pas prudent de participer à ces assises à un niveau aussi élevé tant que ces garanties ne sont pas données. » Surtout que la situation sécuritaire inconfortable du Burundi est liée directement aux actes posés par le gouvernement rwandais.

Pourtant, une délégation burundaise a participé à Kigali a une session en marge de ce sommet, avant de plier bagage : « C’est un choix opéré en toute conscience pour montrer notre bonne foi».

Avant la tenue de ce sommet, le gouvernement burundais, par le biais de son porte-parole et secrétaire général, avait rassuré quant à sa participation à ce sommet. Pour Philippe Nzobonariba, le Burundi répondrait à l’invitation de l’UA et non de Kigali, en soulignant qu’une délégation d’experts burundais est déjà dans la capitale rwandaise dans le cadre des préparatifs du dudit sommet. Quant à la sécurité des délégations burundaises sur le sol rwandais, M.Nzobonariba a renvoyé à un adage kirundi : « Qui veut mettre à l’épreuve un sorcier lui confie un enfant. »

Une absence non justifiée…

Du côté rwandais, la ministre des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, a déclaré, dans une conférence de presse de ce mardi 19 juillet, que les raisons de ce retrait restent tout autant inconnues pour Kigali. « C’est une perte pour le Burundi de ne pas avoir participé aux travaux de ce sommet qui a traité de sujets importants pour ce pays et le continent. Mais l’UA n’y perd rien »

Selon le commissaire à la paix et à la sécurité de l’UA, Smaïl Chergui, ce sommet a décidé de continuer à chercher la solution à la crise burundaise par l’envoi des experts au Burundi, et en soutenant le dialogue inclusif. « Nous avons également parlé du Burundi et de ce qui se passe. En commençant par les tueries qui persistent, la violation des droits de l’homme, l’économie qui vacille et les mouvements de réfugiés qui continuent. » L’ambassadeur Chergui a rappelé qu’une délégation du conseil de paix et de sécurité est venue au Burundi récemment et s’est penchée sur deux aspects. « D’abord comment nous pouvons envoyer des experts pour assister les sinistrés, mais aussi des experts militaires. Ensuite, c’est la façon dont nous pouvons appuyer un dialogue inclusif inter-burundais comme seule véritable voie pour trouver des solutions politiques à la crise burundaise. »


Réactions

Les réactions n’ont pas manqué. Certaines sont même tombées avant les explications du patron de la diplomatie burundaise.

Jack Bigirimana« Les autorités burundaises ont décidé de boycotter ce Sommet pour peut-être contester des décisions qu’il juge défavorables au pays et au peuple burundais», estime Jacques Bigirimana, le président du FNL. D’après lui, toutes les décisions prises à leur encontre et en leur absence ne les concernent pas.

Tatien Sibomana, porte-parole du parti Uprona non reconnu par le gouvernement juge ce retrait comme une attitude irresponsable. Pour lui, ce n’était pas le moment, pour un gouvernement illégitime, de s’isoler davantage. « Les institutions de facto de Bujumbura auraient du être humbles et profiter de l’occasion pour se créer des ouvertures. » Il trouve que le Burundi a perdu énormément au niveau de la visibilité et de la crédibilité dans le concert des nations, surtout que ce sommet s’est penché sur le Burundi.

Sylvestre Ntibantunganya (2)L’ancien président Ntibantunganya ne comprend pas non plus comment le gouvernement de Bujumbura a pu rater une réunion de ce genre où il avait au contraire l’occasion de défendre ses positions. Et il s’interroge : « J’ai de sérieuses interrogations sur les raisons profondes qui ont poussé la partie gouvernementale du Burundi à boycotter ce Sommet. »

Pour Léonce Ngendakumana, le nouveau vice-président du Frodebu, « il n’y a aucune raison que le gouvernement burundais qui s’est imposé en violant la Constitution puisse avancer pour expliquer le fait de ne pas avoir représenté le Burundi et les Burundais dans un sommet réunissant plus de 50 Etats. C’est un suicide politique qui démoralise la population qui peut se sentir abandonné », martèle-t-il. Le motif de la sécurité ne tient pas, selon lui, car le Burundi n’est pas plus sécuritaire que le Rwanda. « Cette réaction fait honte au pays et aux Burundais et n’arrange pas la situation car elle aura des conséquences fâcheuses, surtout pour la population burundaise. » Léonce Ngendakumana pense que « ce comportement solitaire des autorités burundaises va renforcer la méfiance de la communauté internationale envers le Burundi ».

Pancrace Cimpaye, porte-parole du Cnared, craint que les Chefs d’Etat africains n’appuient Pierre Nkurunziza, si on considère le mépris du gouvernement burundais en claquant la porte au sommet de l’UA à Kigali, alors qu’il venait de boycotter la deuxième session du dialogue d’Arusha. « Il est incompréhensible que ce sommet ne se soit pas penché sur la question burundaise et ce manque d’intérêt de l’Afrique pour résoudre la crise burundaise déçoit beaucoup le Cnared. »

D’après M. Cimpaye, le Cnared aurait aimé que des sanctions soient prises contre le Bujumbura, comme un embargo sur les armes, ou que ce sommet décide d’envoyer une force africaine pour protéger la population burundaise.

Audifax NdabitaoreyeComme ancien patron des renseignements, Audifax Ndabitoreye, président du parti Révolution Haguruka, indique que les délégations burundaises n’auraient pas été invitées sans que Kigali ne soit sûre de leur sécurité. Il pense ensuite qu’un tel sommet aurait été pour Bujumbura une occasion de défendre sa position et de créer des lobbyings. Pour lui, le gouvernement burundais a péché par arrogance. « Ce retrait est un manque de personnalité politique, et la promesse de Dieu de délivrer le Burundi est proche », prévient-il.

Cyprien Mbonimpa« Ce retrait n’est pas catastrophique, ce sont des choses qui arrivent de temps en temps, l’important étant de ne pas quitter l’UA et que le Burundi garde le contact avec l’union », rassure Cyprien Mbonimpa, ancien ambassadeur et ministre des Relations extérieures. Habituellement, indique-t-il, lorsqu’il y a un problème au sein d’une organisation dont on est membre, le mieux est de participer à ses réunions pour expliquer aux autres membres, notamment en cherchant des appuis. « Même si le fait de se retirer n’est pas en soi catastrophique, il vaut mieux rester. »


Analyse

Pour plusieurs observateurs, les deux raisons ne sont pas objectives. Si Bujumbura était mécontent de l’inaction de l’UA à propos de la plainte déposée par le gouvernement du Burundi contre l’ingérence du Rwanda dans l’insécurité du Burundi, c’était l’occasion de l’exprimer, quitte à dénoncer la commission de l’UA.

En ce qui concerne la sécurité, comme le dit si bien Léonce Ngendakumana, le Rwanda n’est sans doute pas un pays moins sûr pour les délégations burundaises en matière de sécurité que de vivre à Bujumbura. Pour le moment, on ne connaît sans doute pas les véritables raisons de ce retrait, si on remet en cause celles fournies par le ministre burundais des Relations extérieures. Mais on peut supposer que ce retrait est lié à la participation du Burundi à la réunion des comités des représentants permanents. En effet, le porte-parole du gouvernement avait assuré que le Burundi participerait à ce sommet.

Logiquement donc, après avoir participé aux travaux des comités des représentants permanents, certainement pas par bonne foi, et en se retirant du reste des sessions, la délégation burundaise a montré que la réunion des ministres et le sommet des Chefs d’Etat n’iraient pas dans le sens recherché par le Burundi, qu’il y a des tendances claires contre la position de Bujumbura. C’est pour éviter de se faire taper sur les doigts en sa présence que cette délégation a sans doute décidé de quitter Kigali.

Un fait est donc évident, si le Burundi avait convaincu lors de cette session des comités des représentants permanents, il ne se serait pas retiré du reste des sessions, car sa position en serait sortie fortifiée par la légitimation par les autres Etats. Mais, incapable de convaincre, le gouvernement burundais aurait voulu créer un précédent en croyant qu’il allait le servir, alors que c’est le contraire qui risque de se passer. Dans tous les cas, l’attitude et le comportement de sa délégation ont montré à la communauté internationale l’ « originalité » des politiques burundais. La question ici est de savoir si ce retrait est une réaction de fierté ou un signe de manque de maturité politique…

Cependant, comme l’explique l’Ambassadeur Cyprien Mbonimpa, chaque pays membre d’une organisation comme l’UA a le droit d’exprimer son désaccord. Mais, dans le contexte de crise que vit le Burundi, le gouvernement devait mûrir ses réactions, s’il est réellement de « bonne foi. » Ce qui est plus étonnant, c’est que même l’opposition que juge le gouvernement de Bujumbura d’illégale aurait quand même voulu qu’il soit présent à ce sommet pour représenter le Burundi…

Forum des lecteurs d'Iwacu

15 réactions
  1. Orignal

    Narinzi ko mutavyerekana kuko mwanka ko ukuri kumenyekana. Ntaco tuzoza turaminyanira mu kinyegero uwutsinzwe ace akazibamwo amahwa.

  2. Bakari

    … »Audifax Ndabitoreye, président du parti Révolution Haguruka, indique que les délégations burundaises n’auraient pas été invitées sans que Kigali ne soit sûre de leur sécurité. »

    Eh ben! Audifax essaie de nous persuader que Kigali ne parvenait pas à dormir si la sécurité de la délégation de Nkurunziza n’était pas optimale! Pourquoi pas? Ne soyons pas incrédules!

    • NGENDAMBIZI Jonathan

      Monsieur BAKARI, moi je connais ce NDABITOREYE Audifax (alias YEHA) depuis 1983-1984 quand il faisait la Faculté des Sciences à l’Université du Burundi. Il a démérité et en 1984-1985, il est allé à l’IP pour faire l’Agriculture-Biologie (AGRI-BIO) et là aussi il a échoué avec fracas, … Comme je le connais, il n’a pas de connaissances requises sur la Région des Grands Lacs pour pouvoir faire de la politique au Burundi. Surtout, il oublie vite : qu’est – ce qui l’a poussé à fuire le pays quand il était Chef des Renseignements burundais ? Pourquoi, à cette époque, vivait – il caché ou se déplaçait avec des bêréts verts armés jusqu’aux dents ?
      Monsieur Audifax, soit certain que ce que tu craignais dans les années 1990 n’est pas déterminé et ouvre les yeux.

  3. roza kamikazi

    ariko ba nyamitwe barikubahuka yo nibitutsi batuka urwanda nukuri baragize neza, en faites uburundi butuka urwanda kumwe kayibanda yahora atuka uburundi ico bize co kiriho !!!!!

  4. KABADUGARITSE

    Bonne analyse des uns et des autres malgré les quelques différences de points de vue mais hélas, qui confirment l’aspect négatif de ce retrait de la Conférence des Chefs d’États de l’U. A. Au demeurant, la politique de la chaise vide n’a profité à personne, y compris dans les petites rencontre entre amis. Souvent, ces derniers déplorent mais aussi, finissent par se fâcher.-

  5. RUGAMBA RUTAGANZWA

    La diplomatie burundaise est dirigée, je pense, par un suiveur qui met en œuvre ce que les Généraux puissants et autres DD qui comptent lui exigent. Sinon, comment par exemple laisser passer les fariboles, mensonges et autres propos injurieux de Mr NDABIRABE sur les ondes nationales ?
    Concernant le retrait du sommet de l’UA à Kigali, c’est une autre bourde diplomatique qui ne fait qu’enfoncer ce dans l’impasse diplomatique à laquelle ce Gouvernement affaibli et aux abois fait face depuis Avril 2015.

  6. congo

    Le gouvernement a raison de se retirer. Aucune personne ne peut expliquer la désolation dans laquelle ils ont plongée le Burundi. Eux même n’auraient sans doute espérer le pire que ils affligent au peuple. Un ami hutu me disais : tu verras ,avec les hutu comme gouvernants il y aura la démocratie, la justice sociale, la paix et la prospérité avec le dollar à 50 fbu. Et oui peut être que je dois attendre mais pour l’instant ils ont fait pire.

    • Je comprends effectivement pourquoi le Gouvernement Tutsi de Kigali continue son programme d’assassiner tous les Hutus au pouvoir au Burundi. Mais, je vous dirais q’avec l’efficacite des militaires Burundaises, le future nous cache quelque chose. Wait and see.

      • yoya

        @Hima Jeremy, je penses que tu es payé par tes frères sanguinaires dd pour donner toujours des informations fausses.un jour j vous répondrez au burundais tous vos crimes .wait and see

      • Muhima Mweru

        Mr Jeremy la honte ne tue pas, si non tu ne serait plus de ce monde. Accuser le Rwanda sachant que c’est Nkurunziza et sa clique du CNDD FDD qui massacre et torture les Burundais tu devrais avoir honte. Vous êtes entrain de détruire votre pays et vous voulez faire du Rwanda un bouc émissaire? Vos accusations ne tiennent pas, seuls les dupes peuvent se laisser tromper. Ils ont eu de la honte d’aller a Kigali.

      • congo

        Hima, c’est un sentiment d infériorité qui t habite et qui rend le tutsi responsable même de tes erreurs. Du reste personne même toi ne connais ce que demain sera fait.Ntutege imisi abantu. La supériorité militaire était hier pour les examens fab, aujourd’hui elle a changé de camps. Pour toujours ? Je vous le souhaitez.

        • Bakari

          @congo
          « La supériorité militaire était hier pour les examens fab, aujourd’hui elle a changé de camps. »

          Qu’est-ce que vous nous racontez-là? Hier c’était 99% contre 1%; aujourd’hui nous avons 50% contre 50%.
          Les voisins sont jaloux(juste de cela)!

      • Burundi

        Les DD s’attendaient a ce que leur haine viscerale des contre le Rwanda empeche le sommet de se tenir a Kigali. Tout ce comportment des Nyamitwe et leur bande e n’agashavu ». Ils pensent que uwobanse aba yanswe n’Imana. Comment peuvent-ils penser tous ces presidents peuvent tous danser leur chanson de tout les jours que tout est la faute du Rwanda. Ils y en a qui ne peuvent pas se prononcer sur le chaos qu’a cause Nkurunziza pour se proteger eux-memes. Mais soutenir que le probleme est le Rwanda seraient un mensonge ehonte, impardonable ici bas et au ciel.

  7. NGENDAMBIZI Jonathan

    Monsieur le Ministre, quelqu’un disait qu’ « il faut suivre sa pente pourvu que ça soit en montant ». Courage Monsieur le Ministre, la majorité des Burundais sont derrière vous et nous trouvons que les raisons que vous avez données pour expliquer le retrait du Burundi du sommet de l’UA à Kigali sont très convaincantes.

    • Mutama

      Courage a toi qui plutot qui encourage des gens qui sont entrain de couleur toute une nation

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