Dimanche 05 janvier 2025

Editorial

Somalie, on ne vit pas sans se dire adieu

03/01/2025 4

En matière de rentrée de devises dans le pays, après le café, le thé, l’or et les minerais en général — des secteurs porteurs mais aujourd’hui moribonds, il faut se regarder en face et se dire la vérité —, c’était l’ATMIS, la Mission de transition de l’UA en Somalie, qui a été remplacée par l’AUSSOM, la nouvelle mission d’appui et de stabilisation de l’UA dans ce pays de la Corne de l’Afrique. Celle-ci a pris ses quartiers à partir du 1er janvier 2025. Cependant, les troupes burundaises, pourtant présentes en Somalie depuis 17 ans au prix d’immenses efforts et de sacrifices, ne font pas partie de ce nouveau contingent.

Dans la loi des finances, il est spécifié que les produits ou recettes exceptionnelles pour l’année budgétaire 2024-2025 proviendront notamment des missions d’intervention militaire en Somalie et en République Centrafricaine. À ce niveau, il y aura des écarts à combler, des coupes et des révisions budgétaires à faire, ainsi que des mesures d’austérité à prendre, si les démarches et tractations diplomatiques auprès de l’Union africaine pour réintégrer les troupes burundaises dans l’AUSSOM n’aboutissent pas.

Et ce n’est pas la diaspora qui parviendra à remédier à la situation malgré ses promesses. Si l’UA et le gouvernement fédéral somalien ne trouvent pas un accord, il y aura, comme dans l’Évangile selon Saint Matthieu, « des pleurs et des grincements de dents ». Cela entraînera des réactions en chaîne, et l’onde de choc se fera sentir non seulement au niveau de la BRB, la Banque centrale, et de la CECADEM, la Coopérative d’épargne et de crédit pour l’autodéveloppement des militaires, mais aussi parmi les militaires déployés en Somalie et en attente de déploiement, ainsi que leurs ayants droit.

Après la notification de Mogadiscio annonçant la non-participation des militaires burundais à l’AUSSOM, Gitega s’est tourné vers l’UA pour introduire sa requête, exprimant sa volonté de déployer au moins 3 000 hommes. « Il nous faut au moins deux bataillons et du personnel d’appui pour accomplir efficacement notre mission de maintien de la paix au sein de cette nouvelle mission de l’UA en Somalie. Nous venons de passer 17 ans en Somalie, c’est un pays que nous connaissons très bien », a précisé le porte-parole de l’armée burundaise, le Général de Brigade Gaspard Baratuza.

Jusqu’à présent, l’UA ne s’est pas encore prononcée sur ces effectifs demandés. Cependant, d’après le porte-parole de l’armée burundaise, Mogadiscio a mené ses propres pourparlers avec certains pays contributeurs de troupes pour s’accorder sur les effectifs à retenir et le matériel à déployer pour l’AUSSOM. « Des démarches inhabituelles puisque c’est l’UA qui avait ces prérogatives ».

La correspondance du ministre somalien de la Défense à son homologue burundais, tombée comme un couperet, faisait suite à une série de négociations infructueuses. « Bien que nous regrettions qu’un consensus n’ait pas pu être atteint concernant l’attribution des effectifs aux Forces de défense nationale du Burundi (FDN), nous respectons votre décision et sommes contraints d’admettre la non-participation des FDN à l’AUSSOM », peut-on lire dans cette lettre.

Tout en reconnaissant les sacrifices consentis par les militaires burundais, cette correspondance est assortie d’une demande : « dépêcher une équipe technique qui entamera la discussion sur le retrait en douceur et en bon ordre des FDN de la mission, selon un calendrier à convenir, pour le transfert des positions des FDN au sein de l’ATMIS aux forces armées nationales somaliennes. » Une mauvaise nouvelle qui appelle la diplomatie burundaise à sortir l’artillerie lourde. Finalement, la Somalie on l’aimait bien…

Forum des lecteurs d'Iwacu

4 réactions
  1. Gacece

    Depuis le début de l’AMISOM en 2007, les militaires burundais et ceux de l’Ouganda étaient les plus exposés aux attaques des Al-Shabaab. Ces 2 contingents sont de loin les seuls qui ont la connaissance de terrain et l’expérience la plus accomplie dans les zones de combat.

    Ils étaient positionnés dans les zones de guerre les plus dangereuses. Maintenant qu’on juge – sûrement à tort – que le danger est moindre, on veut se débarrasser de ceux du Burundi.

    Le fait que le Burundi demande un minimum d’effectifs pour se protéger tout en remplissant sa mission me paraît être une revendication légitime. Ils connaissent les dangers et les pièges auxquels ils risquent de s’exposer.

    Ils pourraient aussi laisser tomber. L’histoire nous a habitué à voir que les groupes islamistes ne tardent pas à reconquérir les territoires laissés par leurs adversaires. Surtout lorsqu’ils se rendent compte que l’adversaire a baissé sa garde.

    Si la situation se produit, ce sera au Burundi de poser ses conditions avant d’y retourner. Il aura alors une position de force pour négocier. Les autres pays, incluant ceux que la Somalie juge mieux équipés que le Burundi, ne voudront jamais y envoyer leurs militaires aux champs de bataille pour y mourir.

    J’ai une vague impression qu’il y n’y a pas eu que les seuls objectifs de sécurité pris en considération dans cette rupture. Quand on commence à mêler le jeu politique aux négociations concernant la sécurité, les décisions prises peuvent conduire à des conséquences imprévisibles. C’est juste une intuition que j’ai.

    Prenez note : l’avenir me donnera raison! … ET… me donnera raison!

    • Kay

      Des militaires burundais, aussi bons qu’ils soient, ne sont pas irrempacables (excusez de l’absence d’un accent).

    • Gacece

      @Kay
      Vous avez raison. Ils ne sont pas irremplaçables. Par contre, ceux qui vont prendre leur place devront reprendre tout à zéro alors que les Burundais maîtrisent déjà le terrain.

      Et les nouveaux pourraient même faire mieux. Je trouve seulement que c’est un risque considérable.

    • Le probleme est que seule la Somalie connait ses problemes de SA securite et les moyens d’y faire face. Le contingent burundais ou tout autre ne sont la que pour appuyer. Tout appui devrait donc repondre aux besoins exprimes par ce pays et non l’inverse. Si le Burundi ne peut pas repondre aux besoins exprimes par la Somalie,il n’a qu’a se retirer de la mission. C,est ce qui est exprime dans la lettre au ministre de la defense par son homologue somalien.

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