Arriérés de salaires de quinze mois, pas d’indemnités de préavis, licenciements, fin de carrière, entre autres griefs de 99 anciens employés de la Sogestal Kirundo-Muyinga licenciés, depuis le 23 mars dernier.
99 employés sous contrat à durée indéterminée et 1.360 travailleurs pour la récolte du « café cerise » de la Sogestal Kirundo-Muyinga ne travaillent pas. Ils ont été licenciés par leurs employeurs pour motifs économiques, il y a 7 mois. Aujourd’hui, ils ne savent pas à quel saint se vouer. La liste de leurs griefs est longue.
Jean Bosco Harerimana, président du syndicat des anciens employés de la Sogestal Kirundo-Muyinga dénonce le non-respect de la loi dans le licenciement. « Aucune indemnité n’a été versée aux employés licenciés, personne ne veut écouter nos doléances ». Les diverses indemnités totalisent 523 millions de BIF.
M. Harerimana témoigne, par ailleurs, que la situation financière des anciens employés licenciés de la Sogestal Kirundo-Muyinga est critique. «Depuis janvier 2019 jusqu’au 20 mars 2020 date de résiliation de nos contrats, aucun salaire n’a été versé aux employés de la Sogestal Kirundo-Muyinga. Le total des arriérés se chiffre 523 millions de BIF. Aujourd’hui, nous vivons grâce à la volonté divine.»
Le président du syndicat des anciens employés de la Sogestal Kirundo-Muyinga indique que les employés licenciés réclament aussi les diverses cotisations sociales prélevées sur leurs salaires. «Elles n’ont pas été versées aux institutions assurant la sécurité sociale. Depuis 2013 jusqu’en 2017 aucune cotisation n’a été transférée à la Mutuelle de la Fonction publique ni à l’Institut National de la Sécurité Sociale. Les cotisations pour l’assurance vie prélevées sur les salaires n’ont pas été versées sur le compte de la SOCABU.» Le montant total des cotisations sociales réclamées par les anciens employés licenciés s’élève à 437.934.4574BIF.
Le responsable syndical affirme par ailleurs que les employés limogés ne comptent pas lâcher : «Nous avons déposé nos doléances chez l’Ombudsman burundais. Nous attendons toujours la réponse. Mais la patience a des limites. Nous avons également saisi la justice. Nous espérons que très prochainement nous serons réhabilités dans nos droits. Le total du montant réclamée dépasse 1,4 milliard de BIF.»
Emmanuel Minani, ancien employé licencié de la Sogestal Kirundo-Muyinga, ne mâche pas ses mots : «Ce licenciement précipité a bouleversé le quotidien des anciens employés de la Sogestal. Personne n’a confiance en eux. Les dettes envers nos amis se sont accumulées. Les intérêts bancaires s’accumulent aussi. Pour le moment, je crains que les banques viennent saisir nos biens.» Là où le bât blesse, regrette-t-il, même les frais prélevés régulièrement sur nos salaires pour payer les dettes bancaires n’ont pas été versés au compte du créancier.
M. Minani témoigne que certains de ses anciens collègues manquent de moyens pour envoyer leurs enfants à l’école. D’autres ont été emprisonnés à cause de leur situation financière catastrophique qui les empêche de payer leurs dettes. Une fois régularisé, M.Minani espère une somme de 8, 5 millions de BIF.
Motifs économiques à l’ origine
Victor Nkunzimana, directeur général de la Sogestal Kirundo-Muyinga, reconnaît la totalité des réclamations de ses anciens employés : «La Sogestal n’avait pas de moyens financiers pour payer ses anciens employés. Ils ont reçu leurs lettres de résiliation du contrat de travail le 23 mars sans avoir touché leurs arriérés de salaires 15 mois, leurs indemnités de licenciement, de préavis et de fin de carrière. La Sogestal Kirundo- Muyinga avait connu un problème de trésorerie.» Si non comme la loi le prévoit, affirme le directeur général, lorsque le contrat du travail est rompu par l’employeur, l’employé doit bénéficier de toutes les indemnités légalement dues.
A part des travailleurs saisonniers, les employés à des contrats à durée indéterminée, les anciens fournisseurs des différents matériels d’équipements, de l’huile de véhicule, des pneus réclament une somme de cent vingt millions francs burundais selon les fournisseurs une année est trop, ils demandent le remboursement immédiat des crédits.
Le directeur général de la Sogestal Kirundo-Muyinga raconte, par ailleurs, que tout a commencé en décembre 2019. Le ministère des Finances a mis en demeure la Sogestal suite aux manquements observés dans les engagements contractuels avec l’Etat burundais. Il reprochait de ne pas payer régulièrement le loyer, l’entretien et la maintenance des biens loués, la rémunération du personnel, le paiement des impôts et taxes. Un autre manquement noté par le ministère des Finances est l’absence de l’organisation efficace et efficiente de la campagne café tels que prévus dans le contrat signé avec l’Etat.
Dans son avertissement, souligne M. Nkunzimana, le ministère en charge des Finances avait demandé à la Sogestal Kirundo-Muyinga qu’il ne participera pas dans la campagne café 2020-2021 avec l’ensemble des biens immobiliers loués à l’Etat Burundais. Un délai de grâce de 8 jours a été accordé au Sogestal pour corriger ses manquements. Une exigence que le Sogestal n’a pas réussi à mettre en application.
M. Nkunzimana fait savoir que le Ministère des Finances n’a pas tardé à mettre en exécution ses menaces: «Le 15 janvier 2020, il a résilié le contrat de bail entre la Sogestal Kirundo- Muyinga et l’Etat burundais.»
Le responsable du secteur caféicole dans le nord pays estime que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase est que le Sogestal n’a pas réussi à payer à l’Etat burundais une somme de 3, 8 milliards de BIF. Le gouvernement était intervenu à la hauteur de ce montant à titre d’aval dans la réalisation des deux dernières campagnes café pour le compte du Sogestal Kirundo-Muyinga.
Suite à la résiliation du contrat de bail par l’Etat burundais, souligne le directeur général, l’assemblée générale des actionnaires de la Sogestal Kirundo-Muyinga a décidé le 20 mars 2020 de mettre fin aux activités de leur société. Elle a remis certains actifs de la Sogestal à l’Office du Développement du Café ODECA moyennant une convention de cession.
La Sogestal Kirundo-Muyinga exploitait les infrastructures étatiques suivant le contrat de bail signé le 27 mai 1993 entre l’Etat du Burundi représenté par le service du Patrimoine et la Sogestal. Ce dernier comptait 17 stations de lavage, dont 14 loués à l’Etat burundais. Avant la fermeture, la Sogestal comptait 99 employés sous contrat à durée indéterminée 1 360 travailleurs à caractère saisonnier. Ces derniers s’occupaient du traitement du café cerise pendant les campagnes aux différentes stations de lavage. Le montant global de leurs arriérés s’élève à 85 millions de BIF. Actuellement, la Sogestal Kirundo-Muyinga est exploité par l’ODECA, un organe étatique qui compte 20 employés. Ces derniers sont régis par un contrat d’engagement de 9 mois.