Mardi 05 novembre 2024

Économie

Sogestal Kirimiro : de mal en pis

25/06/2019 Commentaires fermés sur Sogestal Kirimiro : de mal en pis
Sogestal  Kirimiro : de mal en pis
La Sogestal Kirimiro n'a pas eu son salaire.

Sur injonction du directeur général de la Sogestal Kirimiro, six employés sont convoqués au SNR de Gitega en deux temps au début du mois de juin. Il leur est reproché d’organiser une grève. Ils vivent la peur au ventre. Ils viennent de passer 10 mois sans salaires.

Mines effarées, les cœurs qui battent la chamade au moindre coup de fil… Ils sont tendus. Depuis leur interpellation, ces  employés sont sur le qui-vive. Lorsqu’ils rentrent chez eux, le moindre stationnement de véhicules à leur hauteur, tout près de leurs domiciles les fait paniquer. Ils sont conscients qu’ils ne sont pas à l’abri d’une autre convocation.

H.D. est parmi les six employés convoqués, elle habite au quartier Yoba. Elle confie qu’elle n’arrive pas à dormir la nuit depuis deux semaines. «Le moindre bruit de véhicules qui passent devant mon domicile me fait sursauter. Au fond de moi-même, me disant que cette fois- ci, ils ne vont pas me relâcher».

Même son de cloche pour son collègue D.K. qui habite au quartier Rango. Ce féru de sport après les heures de travail, témoigne qu’il lui est désormais impossible de se hasarder seul dans les rues sans être avec mes collègues.

Lorsque je n’ai pas les 500 francs pour prendre une  moto, révèle-t-il, je dois patienter pour être en groupe comme un écolier attendant ses camarades de classe. « J’ai peur de me retrouver seul dans la rue».

Une certaine angoisse se lit sur leurs visages. Pourtant, si l’on en croit leurs propos, le dénouement aurait été autre si le directeur général n’en avait pas fait une histoire personnelle.

«Après 10 mois sans salaires et sans explication convaincante  de la part de la direction de l’entreprise, nous  avons adressé une lettre à  l’administrateur communal pour lui informer que nous  prévoyons de faire un sit-in devant les locaux de l’entreprise pour manifester notre désarroi», raconte  D.K.

La « hargne » du directeur général

Conscients de l’interprétation que les autorités locales, pourront en faire, poursuit-il, nous prenons soin de demander au préalable l’avis de l’admistrateur communal, surtout dans quelle mesure un tel sit-in peut se faire.

La lettre qui a fait déborder le vase.

Pour le directeur général, c’est une goutte qui fait déborder le vase. «Sans en connaître le contenu, il en informe directement le chef du SNR à Gitega, l’avisant que nous prévoyons perturber l’ordre public».

C’est le début des convocations en cascade. Lundi du 3 juin, quatre d’entre nous comparaissent. Dans les  bureaux du SNR, les menaces, invectives  du responsable du SNR, petit à petit cèdent  à une discussion  franche. «Quand il apprend que nous venons de passer 10 mois sans salaires, il devient compréhensif voire compatissant». Et de révéler : « C’est lui qui  suggérera de saisir le conseil d’administration de l’entreprise».

Un conseil qu’ils vont mettre à profit. Dans la foulée, indique-t-il,  nous adressons une correspondance au  président du conseil d’administration, mettons en copie le chef du SNR de Gitega, le gouverneur de province, et même le directeur général.

D’après N.N., un autre employé, ce stratagème irrite le D.G. « A ce moment, il le prend comme une défiance totale.» Ce dernier fait savoir que de nouveau, il fera  appel au SNR, sans pour autant savoir que le chef du SNR à Gitega est déjà au courant de ladite correspondance.

D’après cet employé, c’est dans cette logique que deux  des nôtres, seront par après convoqués le 14 juin par le chef adjoint du SNR à Gitega. «Objet : donner plus d’explications par rapport à cette lettre.» Heureusement, il fait savoir que le discours de ce responsable du SNR  sera le même que  pour les quatre autres.

Des laissés pour compte

Le  11e mois sans salaire, se profilant à l’horizon, dans les familles, le chemin de croix continue. Tout récemment, rapporte H.M., deux de nos collègues ont succombé des suites de leurs maladies. Parmi eux Antoine et Léopold.

«Dès son retour d’hôpital, Antoine a  retrouvé sa femme et  ses enfants  chassés de la maison qu’il louait. Sur le coup, il a fait une rechute et il en est mort».

Même cas de figure que Léopold. « Atteint d’une maladie chronique, il était astreint à un régime alimentaire particulier. Mais, faute d’argent, il succombera ».

D.O., père de 4 enfants, avoue que deux jours peuvent passer sans que ces derniers trouvent de quoi mettre sous les dents. « Si ce n’était que la bienveillance de nos  voisins ou certains de nos parentés, nous serions déjà morts et enterrés».

Aussitôt de lâcher : «C’est pire quand les deux conjoints travaillent ensemble.» Outre  les  besoins élémentaires, tels que le minerval  des enfants, cet employé  raconte qu’à cause de la faim, ils deviennent vulnérables et maladifs. «Imaginez ce qu’il en sera si la Mutuelle de la Fonction Publique nous retire la couverture médicale ».

A la question de savoir à quand l’issue favorable, des sources  concordantes  font savoir  que tant que le gouvernement ne fait pas de pression auprès de la Banque de Crédit du Burundi(BCB), le statu quo perdurera. «Il ne reste que la BCB débloque l’argent. Sinon, le gouvernement a donné son aval», indiquent-elles.

Pour le moment, expliquent-elles, c’est une éventualité qui n’est pas à prendre en compte. Le prix du kg du café cerise burundais sur les cours mondiaux est de 380 BIF alors que le gouvernement ordonne de payer 500 BIF par kilo aux caféiculteurs. Ces mêmes sources révèlent que la BCB ne compte pas prêter à un client qui travaille à perte, qui sera de facto dans l’incapacité de rembourser.

Dans l’attente d’une éventuelle réponse, le personnel se demande comment  les taux d’intérêts des crédits contractés  seront rééchelonnés vu les retards de paiement des salaires.

Pour rappel, la Sogestal Kirimiro compte près de 400 employés, dont 240 contractuels. Elle est la première au Burundi avec 31 stations de lavage. Contactée à plusieurs reprises, la direction de cette entreprise n’a pas voulu faire de commentaire.

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