Après une semaine de réunions, négociations et occupation de l’usine par les travailleurs, elle a été cédée au Consortium Kyoga – Coprodiv. 48 travailleurs licenciés se sont contentés des indemnités prévues par le règlement interne d’entreprise.
<doc4028|right>La Société de déparchage et de conditionnement (Sodeco) de Songa n’a pas été convoitée par hasard. Elle est au deuxième rang continental après celle de la Côte d’Ivoire par sa capacité et son niveau d’usinage. Elle mesure 6,7 hectares de superficie et sa production atteint annuellement plus de 20 mille tonnes. Il n’y a pas une année, cette usine a eu le mérite d’excellence au niveau mondial pour le traitement et le goût de son café. D’après les sources proches de l’usine, cet établissement aurait été vendu à une valeur ne dépassant pas 2,8 millions de dollars américains. Ce qui inquiète le plus, les travailleurs de Sodeco Songa ,c’est le silence total qui a entouré le processus de privatisation de cet établissement qui, selon eux, ne présentait pourtant aucun signe de faillite. « Avant nous l’avons pris pour des rumeurs infondées. Même le directeur nous disait qu’il n’était pas au courant de cette affaire jusqu’au jour où nous avons eu connaissance de la lettre faxée qui nous informe de la remise et reprise de l’usine», témoigne l’un des syndicalistes.
Surpris par ce fait accompli, les travailleurs se sont organisés pour revendiquer leurs indemnités. L’occupation de l’usine a duré une semaine. Les travailleurs se sont barricadés à l’intérieure par peur d’une intrusion brutale des forces de l’ordre qui viendraient les expulser sans obtenir leurs indemnités. Depuis une semaine qui a duré une éternité pour ces 75 travailleurs de l’usine, le mot d’ordre était le même ; « Nous ne refusons pas la politique du gouvernement de privatiser les sociétés publiques mais que nous soyons licenciés dignement. Indemnisez- nous tous sans exception en tenant compte de notre ancienneté de travail !»
Un climat de méfiance a perduré pendant toute une semaine, les travailleurs se relayant pour aller chercher de quoi mettre sous la dent. Jour et nuit, le gros de l’effectif restait sur place pour empêcher toute intrusion à l’intérieur de l’usine. Jeudi 3 mai, la délégation du gouvernement présidée par Melchiade Nzopfabarushe, directeur général de la SCEP, a rencontré les représentants des travailleurs dans la salle des réunions de la province de Gitega. A la sortie de cette journée d’imposition ou de négociation, selon la terminologie de chacune de deux parties, un compromis semblait être trouvé.
Entre colère et résignation
Chez les salariés de l’usine, la vérité est tout autre. Dans la réunion avec la délégation du gouvernement, les travailleurs avaient refusé de négocier autre chose que les mesures d’accompagnement au licenciement. Ils revendiquaient entre autres une indemnité de fin de carrière et préavis de licenciement. « Il n’y a eu jamais d’entente, ils nous ont seulement sommés d’accepter leurs points de vue. Ils avaient déjà depuis longtemps statué sur le cas. Les négociations n’ont été qu’une formalité, seul le règlement interne de l’entreprise a été appliqué pour indemniser ceux qui n’ont pas été retenus par le nouveau patron», rétorque une femme qui n’a pas caché son désarroi.
Songa, 5 mai à 15 heures. Pierre –Claver Kiraroba, directeur général de Sodeco ,une liste dans la main, les appelle un à un à entrer dans le bureau administratif pour signer les nouveaux contrats avec le nouveau patron. Certains sourient, d’autres affichent un air presque grave. Sur 75 personnes qui travaillaient dans cette usine , seuls 25 sont retenus pour continuer à travailler avec la nouvelle société qui a acheté l’usine de déparchage et de conditionnement de Songa. Les autres licenciés doivent attendre un moment pour recevoir leurs lettres de licenciement. Ils toucheront leur argent le jeudi ou le vendredi suivant. Réunions, occupation de l’usine, négociations, rien n’a changé sur les mesures déjà arrêtées par le nouveau patron et la délégation du gouvernement.
Au moment où ces travailleurs se demandaient sur leur avenir, le nouveau patron et sa délégation se frottaient les mains. Guidés par le chef de production et maintenance, ils ont visité et écouté attentivement le fonctionnement de chaque machine. Devant chaque hangar, ils ne cessaient de se demander si réellement ces engins sont encore en bon état. A la question de savoir si le prix payé correspond à la valeur exacte de cette usine, M. Lühmann s’est gardé de révéler quoi que ce soit. Comme un aparté avec un sourire, il a déclaré, « elle été achetée à juste prix. »