Les employés des sociétés de ramassage des déchets se disent démunis. Ils disent n’avoir ni contrat ni couverture sociale et de santé. De leur côté, les compagnies déplorent une situation instable due à une absence de contrat avec la mairie.
Travail sans contrat, pas de sécurité sociale, pas d’assurance-maladie, salaires insignifiants, des heures supplémentaires non payés, exposés aux risques, car travaillant sans protection, sont entre autres les défis cités par les employés des sociétés de ramassage des ordures et déchets ménagers.
Ils sillonnent les ménages, galeries, restaurants, centres de santé, hôpitaux, usines, entreprises pour ramasser les déchets. Ils procèdent au tri manuel des déchets sans aucune protection. Ils n’ont ni casques, ni masques, ni gants, ni bottes, etc. Il peut y avoir des aiguilles, des lames, des bidons d’eau de Javel ou de chlore, des bouteilles de propane ou d’autres produits dangereux non-recyclables.
Pire encore, ces travailleurs peuvent manger des fruits et des restes d’aliments trouvés dans des déchets. Une odeur de solvant occasionnant des maux de tête aux travailleurs. Les restes de cuisine et les contenants alimentaires mal nettoyés exposent les travailleurs aux risques biologiques que représentent les bactéries et les moisissures.
« Notre vie est en danger. Nous sommes exposés à différentes maladies. C’est comme si nous sommes délaissés. Il y a deux compatriotes qui sont déjà morts à cause de risques. D’autres décident d’abandonner le travail car les conditions sont insupportables », se lamente un employé d’une société oeuvrant dans la commune Ntahangwa.
Même indignation pour un employé d’une autre société qui ramasse les ordures en commune Muha. Il dit travailler dans des conditions désastreuses et exposé aux dangers. «Nous entrons dans des hôpitaux, centres de santé et là, les déchets sont mélangés avec des objets tranchants. Un ami a mis les mains dans des ordures et ses doigts ont été blessés par des aiguilles. Un autre employé est tombé du camion et a été blessé », se désole-t-il.
Des employés surexposés aux risques
Sans contrat ni protection sociale, ni assurance-maladie, la vie de ces employés est un cauchemar. D’après eux, leur avenir est hypothéqué. Ils ne peuvent pas satisfaire leurs besoins vitaux et ceux de leurs familles. « Nous nous imaginons si on est humain ou pas. C’est inconcevable de travailler pour moins de 100000 BIF par mois et de s’exposer aux risques de mort. Des problèmes respiratoires et des maux de tête chroniques à cause des intoxications provenant des déchets », explique un employé ayant démissionné de Bujumbura cleaning company, BCCO.
Ces sociétés disposent des camions en piteux état qui exposent les travailleurs. Un chauffeur chez Kamenge Usafi Kwetu indique qu’ils sont entre la vie et la mort. Ces engins ont toujours des problèmes techniques comme le dérèglement des freins. « Comme on n’est pas assuré, en cas d’accident, un employé se bat lui-même. Le gouvernement devrait nous sauver de cette situation inquiétante».
Sylvestre Nsengiyumva travaillait sans contrat, ni prévoyance sociale et sans assurance-maladie à la société BCCO. Il a insisté pour que ses droits soient respectés mais en vain. Il a dû abandonner son travail et la société l’a remplacé. Il n’a pas baissé les bras. Il a saisi le ministère du travail via l’inspection du travail. Un accord de conciliation a été signé par les deux parties sous la supervision de l’inspection du travail. L’employeur acceptait de lui donner un contrat de travail, l’inscrire à la sécurité sociale et à l’assurance-maladie.
Il rejoint son poste le 3 février, mais sera licencié sans préavis le 25 février accusé de tenir une réunion pour inciter les autres employés à l’insurrection. « C’est un moyen pour me renvoyer sans aucune demande. Les clauses du contrat de conciliations signées n’étaient pas encore mises en application. Je demande d’être rétabli dans mes droits. Les conditions de travail sont difficiles et notre vie compte », fait-il savoir.
La BCCO se défend
Eric Nsengiyumva, directeur commercial de Bujumbura cleaning company, BCCO reconnaît cet état des faits. Il explique que la société a une volonté de respecter le code du travail comme il se doit. « Nous travaillons nous-même sans contrat écrit avec la mairie. Nous ne savons pas le temps que notre compagnie va durer. Quand on change les institutions en mairie de Bujumbura, c’est rare que les compagnies de ramassage ne changent pas ».
Pour lui, ils sont toujours menacés d’être remplacés par d’autres sociétés. Cette instabilité, dit-il, les met dans un dilemme. Depuis septembre 2022, la société a décidé dans une réunion de respecter le droit du travail. Il a été décidé que les employés disposent de contrats de travail, soient affiliés à l’INSS et assurance-maladie depuis janvier 2023. « Les dossiers pour l’INSS sont déjà terminés et un règlement d’entreprise est en cours d’élaboration. Mais le problème qui se pose, c’est la durée du contrat alors que nous aussi nous sommes dans l’incertitude ».
En plus de l’absence du contrat écrit avec la mairie, Eric Nsengiyumva parle d’autres défis. Il s’agit notamment d’un manque de décharge publique, car celle de Buterere est toujours submergée, des camions s’embourbent. Il y a également les clients qui tardent à payer.
Le directeur commercial de BCCO affirme que leurs camions sont en piteux état et qu’ils représentent ce qui met à mal le déroulement des activités. Pour lui, la société ne peut pas contracter un prêt à la banque sans contrat avec la mairie. Il demande à l’administration municipale de leur donner des contrats avec un mandat précis pour faire correctement leur travail. « Que la mairie ne nous retire pas les activités de ramassage des déchets alors qu’on n’a pas démérité », souhaite-t-il.
Eric Nsengiyumva reconnaît le cas de Sylvestre Nsengiyumva licencié après être retourné au travail sur implication de l’inspection du travail. Pour lui, c’était un bon employé mais, il n’a pas respecté les clauses du contrat de conciliation. « Il a commis des fautes lourdes qui entravent le bon fonctionnement de l’entreprise. Inciter les autres employés à la révolte est intolérable».
Pour Me Fabien Ndikumana, avocat du barreau de Bujumbura, c’est une violation systématique du droit du travail, des normes nationales et internationales. « Devant tout employé, il faut une relation de travail c’est-à-dire 8h par jour et une rémunération mensuelle. Il a droit à la sécurité sociale pour couvrir les risques professionnels, accident de travail et droit à l’assurance-maladie ».
Pour lui, l’inspection du travail doit remplir sa mission de veiller au respect des droits des employés et bonne relation entre employeur et employé. Elle fait des descentes quotidiennes chez les employeurs pour constater les violations. Cela permet, dit-il, un climat de travail apaisé afin d’augmenter la productivité et la production.
Selon Me Ndikumana, il faut un plaidoyer très intense pour que tous les employés dans tous les secteurs du pays jouissent de leurs droits. Même des employés, indique-t-il, doivent agir pour réclamer leurs droits. Ce sont eux qui doivent se rendre à l’inspection et déposer des plaintes.
Nécessité du matériel de protection pour les éboueurs
Selon un médecin, les déchets contiennent, en quantités variables, des éléments toxiques ou dangereux qui présentent des risques accrus pour la santé humaine et l’environnement. Ils peuvent être de nature organique (solvants, hydrocarbures…) ou minérale (acides, bains de traitement de surface, boues d’hydroxydes métalliques…). L’élimination de ces déchets nécessite des précautions particulières.
La nature même des matières manipulées est une source de dangers pour la santé. L’urine des rats attirés par les poubelles peut également provoquer des maladies. « L’inhalation d’un certain nombre de toxines ou de champignons peut aussi aggraver des pathologies spécifiques au niveau respiratoire », explique-t-il.
L’exposition est cutanée, mais aussi digestive si l’éboueur ne se lave pas les mains avant de boire ou de manger. Gare aux gastro-entérites ! Pour les éboueurs, dit-il, le risque biologique est aussi celui des mauvaises rencontres avec les animaux qui rôdent autour des poubelles et qui peuvent mordre. « C’est sans compter les piqûres de guêpes, également attirées par les déchets de cuisine. Des personnes plus vulnérables, comme les asthmatiques, peuvent développer des problèmes respiratoires si elles sont exposées à des moisissures ».
Pour lui, la manipulation des déchets de toute nature requiert des précautions. Les employés doivent disposer d’objets de protection notamment des habits spécialisés, des bottes, des masques et des gants appropriés.