Vendredi 22 novembre 2024

Économie

SOBUGEA face à un abus de pouvoir ?

18/01/2018 Commentaires fermés sur SOBUGEA face à un abus de pouvoir ?

Le personnel de la SOBUGEA crie à la violation de la loi par l’Etat en mettant en place une commission chargée de recruter un auditeur pour l’Air Burundi et la SOBUGEA. Pour le SCEP, il use de son plein pouvoir.

Hamissi Hakizimana : «Derrière cet audit, l’Etat a un agenda caché: fusionner Air Burundi et la SOBUGEA, et ensuite privatiser la nouvelle société à vil prix.»

« Cette commission est illégale. L’audit de la SOBUGEA doit être commandité par le conseil d’administration sur recommandation de l’assemblée générale des actionnaires, et non pas par une ordonnance ministérielle», déplore Hamissi Hakizimana, le premier secrétaire du syndicat de la SOBUGEA. D’ailleurs, assure-t-il, le personnel n’a pas été associé dans cette commission. « Aucun délégué des employés n’est parmi les 11 membres de cette commission.» En outre, les autres actionnaires minoritaires, notamment Socabu et Sabena, ont été écartés. Hamissi Hakizimana signale également que ces actionnaires n’avaient pas été associés dans la commission qui avait donné son avis sur le projet de fusion Air Burundi- SOBUGEA.

Pour rappel, les membres cette commission sont nommés, le 5 décembre 2017, par une ordonnance conjointe du ministre des Finances, du Budget et de la Privatisation et celui des Transports, des Travaux publics et des Equipements. Elle a comme agenda d’élaborer des termes de référence et un dossier d’appel d’offres international pour recruter un consultant chargé de faire un audit d’Air Burundi et de la SOBUGEA.

Ce représentant du personnel se dit surpris d’entendre que Célestin Mazoya représente le personnel dans cette commission. « Il ne nous représente pas. Il y est en tant que conseiller de l’administrateur directeur général de la SOBUGEA.»

Actionnaires minoritaires sont écartés

Pour le premier secrétaire du syndicat de la SOBUGEA, cette commission prouve que le gouvernement a été induit en erreur par Air Burundi en le persuadant d’étendre son audit à la SOBUGEA. Les actionnaires, notamment Sabena, pourraient faire jouer l’article 60 du code des sociétés et le Burundi risquerait de se retrouver devant les juridictions internationales. En outre, Sabena jouit également des droits de la convention entre l’union économique belgo-luxembourgeoise et la République du Burundi concernant l’encouragement et la protection réciproque des investissements. Il serait étonnant que les actionnaires privés de la Socabu n’en profitent pas pour se remorquer sur Sabena dans une procédure internationale.

«Derrière cet audit, l’Etat a un agenda caché: fusionner Air Burundi et la SOBUGEA, et ensuite privatiser la nouvelle société à vil prix.» Il se dit également inquiet par cette générosité du gouvernement qui se porte volontaire pour financer un audit d’une société mixte.

Un autre employé de la SOBUGEA sous couvert d’anonymat évoque l’erreur qu’a commise l’Etat Burundais en nationalisant la Burundi Tobacco Company. « Suite à cet abus de pouvoir, le gouvernement burundais rembourse jusqu’à maintenant avec des pénalités.»

« Comment le SCEP (Service chargé des entreprises publiques) peut-il s’ingérer dans l’audit d’une société mixte sans aval de tous les actionnaires? », s’interroge Hamissi Hakizimana.

Selon des sources internes à la Socabu et Sabena, les actionnaires minoritaires écartés attendent le gouvernement au tournant.

L’objectif de fusion n’est pas exclu

Sylvestre Ngendakumana, l’administrateur directeur d’Air Burundi, balaie du revers de la main toutes les accusations : « Cet audit est l’initiative du gouvernement, Air Burundi n’en sait rien.» Et d’ajouter que les membres de la commission ont été désignés par le ministre des Transports et celui des Finances.

Pacifique Munyeshongore : «Qui peut empêcher l’Etat d’auditer une entreprise dont il est actionnaire à 90% ?»

Pacifique Munyeshongore, commissaire général du SCEP et président de la commission, juge la grogne du personnel non fondée. Il révèle que la représentation des employés doit plutôt se régler entre le directeur de la SOBUGEA et le syndicat. « C’est le directeur général qui a proposé les noms de ceux qui représenteront la SOBUGEA dans cette commission.» S’ils se sentent lésés, renchérit-il, ils devraient plutôt s’adresser à leur directeur général. De surcroît, il soutient que la SOBUGEA pouvait être représenté par trois ou quatre délégués.

Pour M.Munyeshongore, l’audit doit s’étendre à la SOBUGEA, dont Air Burundi est actionnaire à 90%. Ce responsable n’exclut pas l’option de la fusion. Après l’audit, l’Etat choisira une option pour redynamiser Air Burundi.

Concernant les procédures de la mise en place de cette commission, le commissaire général du SCEP n’y va pas par quatre chemins : « Qui peut empêcher l’Etat d’auditer une entreprise dont il est actionnaire à 90% ?» Et de préciser que cet audit sera financé par l’Etat via le SCEP.

Télésphore Irambona, administrateur directeur général de la SOBUGEA, se refuse à tout commentaire : « Demandez aux ministres des Transports et celui des Finances qui ont nommé les membres de cette commission. »

Salvator Nakumuryango, Assistant permanent du ministre des Transports, des Travaux publics et des Equipements et vice-président de cette commission, n’a pas non plus souhaité s’exprimer.

Que dit la loi ?

Le code des sociétés de 2011 est clair. Dans les termes de l’article 60, les décisions collectives peuvent être annulées pour abus de majorité et engager la responsabilité des associés qui les ont votées à l’égard des associés minoritaires. Il y a abus de majorité lorsque les associés majoritaires ont voté une décision dans leur seul intérêt, contrairement aux intérêts des associés minoritaires, et que cette décision ne puisse être justifiée par l’intérêt de la Société.

Toutefois, les associés minoritaires peuvent engager leur responsabilité en cas d’abus de minorité. Il y a abus de minorité lorsque, en exerçant leur vote, les associés minoritaires s’opposent à ce que des décisions soient prises, alors qu’elles sont nécessitées par l’intérêt de la société et qu’ils ne peuvent pas justifier d’un intérêt légitime.

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