Jeudi 13 mars 2025

Société

Inquiétante pénurie d’eau potable au site des déplacés de Gateri

13/03/2025 0
Inquiétante pénurie d’eau potable au site des  déplacés de Gateri
Deux jeunes femmes puisent de l'eau coulant dans la route depuis une roche à quelques dizaines de mètres du site

Dans le site Gateri abritant les sinistrés des inondations de Gatumba, en commune Buganda il s’observe une pénurie récurrente d’eau potable. Un tuyau qui approvisionne le site est régulièrement endommagé. Ses occupants se rabattent sur des eaux de la Rusizi. Ce qui représente un danger. Ils appellent à l’aide.

Il est midi le vendredi 28 février 2025 dans le site de Gateri en commune Buganda sous un soleil de plomb. Situé derrière une montagne, sur une pente à moins de 50 m des rives de la rivière Rusizi, le site abrite les sinistrés des inondations de Gatumba, victimes de la montée des eaux du lac Tanganyika et de la Rusizi. Chaque ménage est hébergé dans une maisonnette faite de bâches.

Ils se retrouvent confrontés à une pénurie d’eau potable à Gateri. Le site vient de passer trois jours sans eau potable. Les robinets installés sont à sec.

Ces déplacés de Gatumba avaient été au départ délocalisé vers le site Matyazo en commune Mubimbi, province de Bujumbura en avril 2024. Ils ont entamé une nouvelle vie au site de Gateri en commune Buganda, province de Cibitoke le 3 décembre. A cette époque, leurs visages rayonnaient, c’était des cris de joie, de l’enthousiasme, de l’allégresse, des acclamations. Le bonheur illuminait leurs visages. Cette joie a été de courte durée. Vite, des  défis sont apparus.

« Après sept mois passés dans le site de Matyazo en commune Mubimbi, un endroit horrible où le froid, le vent, l’isolement, la sorcellerie et la mort nous guettaient quotidiennement, grâce à Dieu, nous avons quitté ce site définitivement. Le malheur ne vient jamais seul. Nous voilà dans une situation de pénurie récurrente d’eau potable à Gateri. J’ai du manioc et du haricot mais je manque d’eau potable pour les cuire. Je ne peux pas utiliser l’eau de la rivière Rusizi de peur de m’exposer aux maladies », se désole Jeanine Ndayihaya, une quarantenaire, mère de quatre enfants, un bidon et un seau à la main.

Selon les occupants du site, un tuyau qui approvisionne Gateri à partir de la localité de Ruhagarika est régulièrement endommagé par la population, sapant ainsi tout approvisionnement en eau potable. « Les résidents de la localité de Ruhagarika n’ont pas besoin de nous. Ils cassent les tuyaux pour nous empêcher d’avoir de l’eau potable et ainsi nous chasser de leur commune », s’indignent deux jeunes femmes en train de puiser de l’eau coulant dans la route depuis une roche à quelques dizaines de mètres du site.

Le site était également régulièrement approvisionné par l’Unicef qui amenait chaque jour des camions-citernes pour remplir des citernes souples y installées. Depuis trois jours, ces opérations se sont arrêtées. Aucun camion n’est venu. Ce qui ajoute le drame au drame. Les citernes souples à partir desquelles les occupants du site s’approvisionnaient sont à sec.

Les déplacés doivent se rabattre sur les eaux de la Rusizi. Les risques sanitaires sont accrus
Les robinets se trouvant à la clinique mobile installée dans ce site pour assurer les soins de santé des occupants sont aussi à sec. Une citerne d’eau de cette clinique qui s’alimentait à partir des citernes souples installées par l’Unicef est en effet vide. « C’est inquiétant car on peut faire face à une épidémie suite au manque d’eau », se lamente Elvis Ndizeye, un jeune à la sortie de ce centre de soins où il venait d’être accueilli.

Les locaux ne seraient pas contents

Une femme sous couvert d’anonymat indique que c’est très regrettable que les victimes de la montée des eaux du lac Tanganyika soient installées sur un site sans accès facile à l’eau potable. Elle précise que certaines victimes souffrent de la dépression car, après avoir presque tout perdu dans les inondations, elles se retrouvent de nouveau sur un site dans des conditions difficiles.

Les habitants de ce site sont dans le désarroi. Jean Damascène Kabura accuse les habitants de la colline Ruhagarika d’intentions meurtrières. « Pourquoi couper l’eau potable pour des milliers d’autres Burundais qui sont victimes des inondations. Cette situation que nous vivons n’est pas voulue et nous allons retrouver notre dignité », s’indigne-t-il. Et d’appeler ces habitants à la raison. Il demande également aux autorités d’ agir pour leur garantir le bien-être.

Devant leur maison, une jeune fille affirme que face à cette situation, le choix est d’utiliser l’eau de la Rusizi. Elle ne se soucie pas du danger que cette eau représente. « Nous avons été secoués par beaucoup de catastrophes et nous avons survécu. Je suis convaincue qu’on ne mourra pas de cette eau. Au lieu de mourir de faim, nous préférons nous faire soigner. Il n’y a pas d’autres choix. »

La prénommée Aline témoigne qu’elle vient de passer trois jours sans laver les ustensiles de cuisine. « Nous avons peur de l’eau que nous utilisons pour cuire et laver les assiettes. Nous venons de passer trois jours sans aucune goutte d’eau potable. Pour nous laver et laver les ustensiles de cuisine, nous nous rabattons sur les eaux de la Rusizi. Nous craignons des maladies des mains sales. Une épidémie de choléra risque de nous attaquer si cette question n’est pas résolue. Il faut que les autorités règlent ce problème ».

M.H est un tenancier d’un restaurant se trouvant dans ce site. Il a décidé de prendre une pause dans son business pour éviter l’irréparable. Pour lui, il serait irresponsable et meurtrier de servir aux gens la nourriture préparée avec l’eau de la Rusizi. « J’ai fermé momentanément mon restaurant depuis jeudi. Normalement, nous utilisons 10 bidons d’eau par jour et c’est le minimum. Alors, acheter un bidon à 1000 BIF revient à débourser 10 000 BIF à partir de Ruhagarika. C’est compliqué ».

Bientôt une solution

Le site Gateri abritant les sinistrés des inondations de Gatumba

Cette situation inquiète également les ONG qui opèrent dans le site de Gateri. Il s’agit notamment de la Maison des Jeunes, un service opérationnel de Grobal development community dans ce site qui y a implanté une clinique mobile. Ange Nelly Nininahazwe, coordinatrice adjointe de la Maison des Jeunes du Burundi fait savoir qu’aucun cas de maladie des mains sales n’est encore enregistré mais elle dit craindre des conséquences de cette pénurie d’eau sur la santé. « Nous craignons des conséquences désastreuses. Cette question nous préoccupe. Nous devons agir avant qu’il ne soit trop tard ».

Selon Joseph Ngendahayo, conseiller chargé des questions politiques, administratives, juridiques et sociales dans la commune Buganda, la question de la pénurie d’eau dans le site de Gateri est connue. Il confirme les informations faisant état de la cassure du tuyau qui approvisionne le site par certains habitants de la localité de Ruhagarika. « Quand on a effectué le raccordement pour alimenter en eau potable le site de Gateri abritant des sinistrés des inondations de Gatumba, la population locale ne l’a pas bien accueilli. Nous avons entendu des lamentations comme quoi chez les résidents l’eau potable sera insuffisante et ils ont tenté de s’y opposer. Nous avons tranquillisé la population au départ. Quand les tuyaux ont été endommagés, l’administration a diligenté une enquête pour déterminer les malfaiteurs responsables de ces mauvais actes. Des individus ont été arrêtés et emprisonnés ».

Cet administratif fait savoir que l’administration a organisé des séances de sensibilisation dans la localité de l’incident pour tenter de dissuader de tels actes de vandalisme. Il menace que les autorités administratives ne restent pas les bras croisés face à ces agissements. Il considère que les auteurs doivent subir la rigueur de la loi. « En tant qu’administration, on ne peut pas tolérer cela. Nous devons assurer le bien-être de tous car la commune Buganda est caractérisée par une hospitalité légendaire ».

M. Ngendahayo a indiqué que tout est mis en œuvre pour rétablir l’approvisionnement de ce site en eau potable car, l’eau est la vie. Il en a profité pour annoncer qu’une organisation travaillant dans le secteur de l’eau potable a également promis de s’y investir. Pour lui, les membres de la délégation de cette organisation dont il n’a pas précisé le nom ont passé dans son bureau pour présenter le projet. « Ils sont partis sur le terrain pour s’enquérir des besoins. J’attends leur retour pour fixer les modalités de leur intervention. Je pense que sous peu, la question de la pénurie d’eau potable sera résolue ».

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