Manque d’aide en vivres et en matériel ; manque d’eau potable ; manque de moyens de déplacement, … Tels sont quelques problèmes auxquels font face les personnes vivant avec handicap dans le site de Gisagara de la commune Mubimbi de la province de Bujumbura. Ces dernières demandent auprès du gouvernement une autre délocalisation
Il est 11 h sur le site de Gisagara de la zone Martyazo dans la commune Mubimbi de la province de Bujumbura. Le site est établi sur le sommet d’une montagne. Le vent souffle et véhicule le froid. Il balaie le sol poussiéreux et crée parfois du brouillard.
Assis devant sa tente, toute trouée par le vent, prise pour une maison, Antoine N. est un père de six enfants. Il est âgé de 50 ans et vit avec handicap. Il décrit le martyre qu’il endure depuis qu’il a été délocalisé avec sa famille de Gatumba à Martyazo en mai 2024.
« Vivre sur ce site, c’est du calvaire. La vie n’est pas facile, notamment pour avoir de la nourriture et de l’eau potable. Et quand ça arrive sur nous les personnes vivant avec handicap, c’est pire. J’ai une famille qui compte sur moi. On ne méritait pas une vie pareille. », raconte Antoine avec un visage triste.
Il ajoute que le déplacement des personnes vivant avec handicap est tellement difficile à cause de la configuration géographique de leur site. « Le déplacement est très difficile. Je ne peux plus utiliser mon vélo à mains pour faire mes courses. Je l’ai laissé à la zone. Et pour m’y rendre, je parcours 800 m avec mes béquilles. Des fois, je préfère rester à la maison. »
Marie-Rose Kabera, la soixantaine, est une dame vivant également avec handicap. Elle n’est pas loin du témoignage précédent. Elle trouve en effet que la vie à Martyazo est plus difficile que celle qu’elle vivait à Gatumba. « Je n’ai plus d’autre choix parce que j’ai accepté de monter. Sinon, la vie d’ici n’est pas du tout meilleure par rapport à celle que je menais à Gatumba. Nous ne sommes pas respectés ici. Lorsqu’on amène une aide en vivres, comme nous n’avons pas assez de force pour nous battre, on nous met derrière les autres. »
Elle explique qu’avant, elle avait son petit commerce qui la faisait vivre. « Maintenant, je n’ai aucune autre source de revenu. Avant, je faisais mon petit commerce et je survivais. Mais, ici, la vie est chère. On ne peut pas avoir des marchandises à vendre et des clients pour les acheter. Nous vivons dans le désarroi, dans la misère totale. » se désole-t-elle.
Des abandons scolaires
Les enfants vivant avec handicap éprouvent également des difficultés dans leurs vies courantes. Certains parmi eux ont dû abandonner leurs études. La prénommée Martine, une jeune fille de 16 ans, est victime de cette situation.
« Lorsque nous sommes arrivés à Martyazo, je croyais que j’allais continuer mes études ici car, à Gatumba, j’étais en 7ᵉ année fondamentale. Ici, l’école se trouve à 5 km. Avec l’état de ma jambe, je ne peux pas y arriver à temps et étudier. Mes parents m’ont dit d’arrêter mes études après une semaine de marche vers l’école avec douleur », témoigne-t-elle tout en affirmant qu’elle a été victime de violences verbales de la part de ses camarades de classe suite à son état physique.
Rencontré dans un marain de la localité en train de puiser de l’eau, le prénommé Kevin a lui aussi témoigné qu’il n’étudie plus à cause de la distance qui sépare le site de l’école mais qu’il se débrouille pour survivre.
« Même si je vis avec handicap, je me débrouille pour survivre dans ce camp. J’étudiais en 5ᵉ année mais, pour le moment, j’ai créé mon petit salon de coiffure afin d’aider ma mère veuve et mes petits frères. « Et parfois, je puise de l’eau pour les autres et on me paie 500 BIF par bidon de 20 litres », témoigne-t-il.
Une nouvelle délocalisation est urgente.
Les sinistrés du site de Gisagara vivant avec handicap appellent le gouvernement à les délocaliser de nouveau. « Nous demandons au gouvernement de nous délocaliser vers un autre endroit confortable pour notre état physique. Le site se trouve au sommet d’une montagne. Avec les béquilles, nous risquons de tomber chaque fois », souligne Antoine N.
Marie Rose souhaite que sur la liste des autres sinistrés de Martyazo qui seront délocalisés vers le nouveau site de Gateri dans la province de Cibitoke figurent des personnes vivant avec handicap.
Il trouve que, normalement, la délocalisation devait commencer par ceux qui éprouvent plus de difficultés. « Alors, je plaide pour nous les personnes en situation de handicap. Qu’il nous délocalise en premier car, la vie que nous menons n’est pas facile ! », suggère-t-elle.
Être toujours tout près d’elles
Anne Marie Nduwimana, qui lutte en faveur des personnes vivant avec handicap appelle aux proches de cette catégorie sociale personnes vivant avec handicap d’être toujours tout près d’elles.
« Nous sommes au courant qu’un autre site est en train d’être aménagé dans la province de Cibitoke. Je demanderai aux responsables chargés de l’aménagement du site et à ceux chargés de la délocalisation que ces personnes vivant avec handicap soient de la partie pendant la délocalisation. »
Elle rappelle que chaque personne présentant un handicap devrait être considérée comme toute autre personne normale.
Interrogé, Désiré Nsengiyumva, gouverneur de la province de Bujumbura, a tranquillisé les personnes vivant avec handicap. Il a en effet promis qu’il va agir en tenant compte de leurs problèmes. « Je ne trouve aucun inconvénient à ce qu’on soumette la question à la police de protection civile qui est chargée de ce genre de situation. Nous allons en tenir compte. », rassure-t-il.