Des monuments officiels sur lesquels figurent l’inscription « Imana, Umwami, Burundi » (Dieu, Roi, Burundi) pullulent sur l’étendue du territoire national. Ces mots le disputent à « Unité, Travail, Progrès », la devise de la République du Burundi. Au dire du porte-parole du président de la République, c’est une émanation des échanges entre l’ « homme du peuple » et la population.
« Le père de la nation » – conception monarchiste du pouvoir – semble vouloir remettre au goût du jour une monarchie absolue de droit divin dans laquelle le pouvoir du monarque est perçu comme la volonté d’une divinité, en l’occurrence le dieu au cœur des trois grandes religions monothéistes.
Exit donc « Unité, Travail, Progrès », consacrée dans l’article 11 de la Constitution. Et retour en grâce de celle qui avait cours sous la monarchie. La volonté présidentielle aussi impérieuse soit-elle n’a pas force de loi dans un domaine qui relève du deuxième pouvoir. Un acte législatif dans ce sens serait un préalable, qui lui-même serait précédé par un changement de régime politique du pays des mille et une collines : la restauration de la monarchie. Et ce via l’application de l’article 4 de la Constitution qui prévoit un référendum sur cette question.
Du reste, « Imana » passe de la sphère de l’intime à la sphère publique pour inspirer la conduite des affaires de l’Etat. Une illustration du passage de la raison politique à la déraison mystique ? Ou plus prosaïquement un écho – près de 20 siècles plus tard – aux vers du poète satirique romain Juvénal : « Hoc volo, sic jubeo, sit pro ratione voluntas » (« Je le veux, je l’ordonne, que ma volonté tienne lieu de raison »).
Cette volonté présidentielle éclaire sous un jour nouveau le but poursuivi par ces séances de moralisation de la société burundaise, lancées au début du second semestre 2017. Jusqu’à l’émanation de cette « volonté populaire », la recommandation présidentielle d’un retour aux valeurs claniques constituait le fil rouge de ces séances de moralisation. Désormais, elle apparaît comme un signe précurseur.
Le son de la mise en garde de la philosophe allemande Hannah Arendt semble ne pas avoir d’écho au sommet de la montagne : « L’histoire moderne a montré à maintes reprises que les alliances entre le trône et l’autel ne peuvent que discréditer les deux.»