Le président du MSD a lancé l’avertissement alors que son parti fêtait ce samedi 8 juin ses 4 bougies. Plusieurs sujets de l’actualité nationale ont été abordés lors de l’anniversaire : la question de la CNTB, la nouvelle loi sur la presse, l’atelier de Kayanza sur la préparation du Code électoral, les élections de 2015, le retour d’exil d’Agathon Rwasa et de Léonard Nyangoma, le probable troisième mandat du président de la République …
« S’il ose se présenter, ça sera un coup d’Etat, car les articles 96 et 302 * de la Constitution sont explicites. Il l’aura voulu, et ce sera l’ouverture à toutes les incertitudes et à tous les aventuriers, car ils auront la légitimité de renverser le pouvoir », avertit Alexis Sinduhije, fidèles à son franc-parler. « A moins qu’il y ait une monarchie en préparation. Sinon, c’est incompréhensible qu’il n’y ait pas un autre candidat au Cndd-Fdd avec plus de 10 ans de maquis et presque 10 ans au pouvoir », s’interroge le président du MSD, tout en précisant que la violence n’est pas dans l’agenda de son parti : « Et c’est ce que je souhaite même pour les autres partis politiques, il faut se désolidariser avec la violence et privilégier le dialogue. Même si la volonté affichée par le pouvoir est de gouverner avec l’autoritaire et l’arbitraire comme philosophie. »
Toujours en parlant de 2015, « l’ADC compte aller aux élections de 2015 avec plus de détermination. Nous ferons tout pour être présents au Sénat et à l’Assemblée nationale, même si le Cndd-Fdd continue à nous bloquer par des lois scélérates. » Quant à ses co-leaders de l’Ikibiri, « Agathon Rwasa et Léonard Nyangoma vont bientôt rentrer, pourvu que leur sécurité soit garantie », annonce Alexis Sinduhije. Qui en profite pour égratigner l’atelier de Kayanza : « C’était une sorte de mise en scène. Tout était préparé d’avance, on a dû accepter mais avec des pis-aller. Une mauvaise loi ne pose pas de problème, pourvu qu’il y ait de bonnes personnes pour la mettre en application. »
La presse était notre mur des lamentations, il ne faut pas la démolir
Sur la presse, « le peuple n’a plus le droit de se lamenter, de crier au secours, de dénoncer, car le pouvoir vient de démolir notre mur des lamentations avec la toute nouvelle loi sur la presse », déclare le président du MSD, tout en attirant l’attention sur d’autres textes en préparation comme la loi sur les ASBL, la loi sur les manifestations publiques et la loi sur la CVR : « C’est inutile de se doter des lois qui ne font pas avancer le pays », signale Alexis Sinduhije, invitant du coup ses anciens confrères des médias à « ne pas avoir peur, mais à faire preuve de courage en continuant à dénoncer les abus et les travers. »
Une CNTB politisée, l’économie en lambeaux
Parmi les exemples de mauvaise gestion à décrier, le président du MSD cite la CNTB. Pour Alexis Sinduhije, c’est une catastrophe : « Il ne faut pas que cet organe soit au dessus de la loi. Si l’on n’y prend pas garde, le pouvoir en place est en train d’exploiter cette questions à des fins propagandistes en jouant sur la corde ethnique. » Le MSD se dit pour la restitution des biens mal acquis mais demande que les Accords d’Arusha soient revisités et que l’acquéreur de bonne foi soit indemnisé. Il appelle les Hutu et les Tutsi à plus d’empathie : « Il ne faut pas qu’il y ait une indignation sélective », a tenu à préciser le président du MSD.
Quant à l’économie, « la situation que nous vivons dans notre pays est alarmante. Au moment où les autres pays avancent, le Burundi recule. Il ne semble pas y avoir d’issue, car chaque jour des centaines de milliers d’enfants dorment avec la douleur du ventre affamé. Chaque jour, l’injustice et les abus envers tout le monde et en particulier les plus pauvres s’intensifient » dénonce Alexis Sinduhije. Et de poursuivre : « Les maladies qui ne tuent plus ailleurs continuent à tuer chez nous. Les inégalités s’accroissent de plus en plus, une petite minorité de privilégiés s’arroge tout alors que la majorité est privée de tout. Beaucoup de gens pleurent abondamment des larmes invisibles car coulant vers l’intérieur. La jeunesse est désespéré car sans emploie, sans avenir. »
D’après le président du MSD, au rythme actuel, le Burundi risque de transformer en une immense prison à ciel ouvert où règne la misère la plus indicible et l’arbitraire le plus absolu. Et de terminer son discours, qui sera très applaudi, par un appel à ses militants : « Nous devons dire non au désespoir, nous devons dire non à la descente aux enfers. C’est qui est désolant au Burundi, c’est que l’on s’arrange à trouver des problèmes à nos solutions. Or les Accords d’Arusha avaient tout tracé : ils ne sont pas bien appliqués », conclut le président de MSD.
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Ce que dit la Constitution
Article 96 : Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois.
Article 302 : A titre exceptionnel, le premier Président de la République de la période post-transition est élu par l’Assemblée Nationale et le Sénat élus réunis en Congrès, à la majorité des deux tiers des membres. Si cette majorité n’est pas obtenue aux deux premiers tours, il est procédé immédiatement à d’autres tours jusqu’à ce qu’un candidat obtienne le suffrage égal aux deux tiers des membres du Parlement.