Mardi 05 novembre 2024

Opinions

Si mon nom était « Charlie »…

Les carnages du 7 et du 8 janvier dernier en région parisienne sont des actes abominables qui méritent, à juste titre, la condamnation sans réserve de toute l’humanité. Tuer des artistes parce que leurs œuvres vous désobligent est un acte d’une lâcheté et d’une brutalité sans nom. Assassiner froidement des représentants de l’ordre en fonction est un geste qui à la fois dénie à la société ses valeurs les plus précieuses et affirme l’auto-exclusion de son auteur du milieu social qui a contribué à sa croissance. Prendre en otage des Juifs et les occire uniquement pour leur appartenance religieuse nous ramène aux temps immondes du nazisme. Rien ne devrait servir de prétexte pour commettre ces crimes. Et c’est pour cela que tant de mondes, de toutes parts, de toutes les religions, de tous les courants de pensée ont fait le choix de se reconnaître en chacune des victimes de cette tuerie.

Par ailleurs, ce terrible évènement suscite un questionnement: pourquoi cela est-il arrivé ? Comment est-ce possible que des jeunes issus de la société occidentale par la race, souvent, par l’éducation et la culture, toujours, en viennent à cette barbarie ? Qu’est-ce qui a manqué dans les politiques sociales et les systèmes éducatifs ? Au fait, y-a-t-il toujours une politique d’éducation ou est-ce devenu un transfert mécanique de connaissances ?
D’autres réactions, moins honorables celles-là, ont aussi cours… Mais gageons que la France et l’Occident en général vont réagir face à ce péril de manière concertée et systémique.

Maintenant, qu’en sera-t-il du reste du monde hors de la sphère occidentale ? Est-ce que l’Islam de cette partie du monde acceptera de se remettre en question face aux personnes qui tuent au nom d’Allah ? On y meurt tous les jours parce qu’on ne suit pas des préceptes surannés imposés par des communautés fanatisées. Des femmes et des jeunes filles sont brutalisées, violées, lapidées au nom d’un sectarisme religieux monstrueux. Si l’Islam en Occident évoluait à l’unisson de la pensée et des us et coutumes de cette civilisation, ne va-t-on pas vers un schisme entre cet Islam occidentalisé et un Islam plus conservateur?

Maintenant, que dire, que faire des autres cultures qui rejettent aussi le blasphème et refusent aussi qu’on puisse rire de tout intempestivement sans vouer pour autant leurs auteurs aux gémonies ?

Après les massacres perpétrés à Paris, à la suite surtout de la mobilisation extraordinaire sur tout le territoire français ce dimanche 11 janvier, rien ne peut rester en l’état dans le monde. Les intellectuels en premier lieu – et je m’étonne du silence assourdissant des Africains dans le débat actuel -, les politiques et les leaders de la société civile devraient interpeller l’ONU et mener une réflexion profonde sur non seulement les valeurs que l’humanité entière doit avoir en partage, mais aussi les voies et les moyens de les défendre et les promouvoir.

Si mon nom était « Charlie », mes prénoms seraient multiples : « Tseu », « Mohamed », «Mupfasoni», « Josuah », « Mukombozi » et bien d’autres sous le soleil…

Forum des lecteurs d'Iwacu

7 réactions
  1. Ntungane

    Ce qui s’est passé en France est regrettable. Même si elles ne méritaient pas ce qui leur est arrivé, les victimes n’étaient pas non plus de anges. Car, en tant que journaliste, on ne peut pas se permettre de critiquer quelqu’un dans des journaux sous pretexte qu’il y a différence de croyance. La preuve en est que vous, journalistes d’Iwacu, n’avaient encore jamais publié d’articles se moquant de l’Islam ou de toute autre religion en laquelle vous ne croyez pas. Cela serait tout sauf professionnel et n’aurait pour but que d’attiser la haine parmi les gens, comme toutes les propagandes qui ont eu lieu dans nos pays avant les génocides. La preuve en est que depuis que l’Islam a commencé à être critiquée, les Francais ne voient en elle et dans les Musulmans que du négatif, et sans doute une haine généralisée.

  2. JP-K

    Cher JM Ngendahayo,

    Je partage votre opinion sur la lâcheté et la brutalité des assassins des journalistes de Charlie Hebdo. En passant, les assassins eux-mêmes ne sont que des gens malades, déséquilibrés. L’endoctrinement ou encore l’enseignement de la haine, qu’il soit basé sur la religion ou sur l’ethnie chez nous ne peut être enrayé que par la transmission des valeurs à contre-courant de ce que prêchent les extrémistes. De même, pour éradiquer l’extrémisme, le monde libre devrait viser ses bailleurs ainsi que les laveurs de cerveaux de ces jeunes.
    Parlant de chez nous, s’il est juste de s’offusquer contre les attenants de Paris, il faut dire que vos questionnements sont pour le moins inusités pour un homme comme vous qui en a vu pire. Car le Burundi, pour ne citer que celui-là dans notre région, nous a « habitué » à des scènes encore plus horribles que ce qui s’est passé à Paris.

    M. Ngendahayo, qu’un pouvoir comme celui du CNDD-FDD, ou de son ancêtre Micombero, commettent des crimes, est inacceptable. Mais que des gens, des simples paysans marchant pieds-nus, en haillons, se lèvent pour massacrer leurs voisins tout aussi démunis sinon plus, dépasse tout entendement. Que cela se déroule sur toutes les collines du pays, cela devient de la folie collective. À plusieurs occasions, j’ai eu à jurer à mes interlocuteurs «occidentaux que j’étais tout autant stupéfié qu’ils l’étaient, que cela ne relevait pas du tout de notre culture…

    Comment se fait-il que des gens se lèvent un matin et décident de découper à la machette leurs voisins – hommes, femmes ou enfants – et ne vomissent pas leurs tripes et en tombent malade le lendemain ? Au contraire qu’ils reprennent de plus belle? Comment se fait-il que des chefs de guerre, scolarisés, aient permis « au mieux » la tuerie, au pire l’humiliation et la dégradation de simples voyageurs attrapés sur les routes? Mettez-vous donc à la place d’un simple automobiliste arrêté forcé de manger ses excréments ou à commettre l’inceste sous les rires et hués de ses bourreaux !

    Si je dévie du sujet dont la contribution à votre analyse aurait dû porter la défense des valeurs morales universelles, c’est que la situation chez nous est calamiteuse. Et si j’ai évoqué la folie collective, chacun devrait avoir peur puisque les malades sont encore parmi nous, très nombreux et n’ont pas été traités. Aucune suite n’a été réservée aux crimes abominables qui s’étendent sur des décennies. Pire, la culture de l’impunité est devenue la référence dans toutes les sphères de la vie nationale, surtout pour les plus jeunes. Iziza guhona zihera mu ruhongore. Les enfants-élèves qui battent leurs prof, qui les violent même et qui violent surtout leurs camarades sont légion. Les jeunes-tueurs, qu’ils soient politisés ou simples délinquants sont devenus un fléau. Tout cela est la conséquence DIRECTE des crimes commis et impunis.

    Pour revenir au sujet, j’ai vu les chefs d’État africains aller à Paris et j’ai senti la nausée. Chez eux ou à côté, Boko Haram assassinait à tour de bras. Aucun n’avait parlé. Les FDRL au Rwanda rêvent de parachever le génocide mais on lui trouve des mobiles politiques excusables. Ainsi de suite.

    Chez nous, j’ai vu le président Nkurunziza Pierre signer qu’il est « Charlie ». Je pense que dans son for intérieur il était mort de rires. Juste 12, devrait-il se demander ! Il n’y a pas longtemps, plus d’une centaine de burundais sont morts à Cibitoke. Qu’ils soient rebelles comme lui dans son temps, ou militaires, ils étaient tous nos compatriotes. Je ne l’ai pas entendu s’adresser à la Nation. Il y a quelques années, près d’une centaine de militaires furent fauchés en Somalie : le président Nkurunziza n’a pas été les accueillir à l’aéroport. Pire, il n’a pas été à l’enterrement. Pourtant, il était à Ngozi. Ce jour-là, il aurait pu dire « je suis Charlie ».

    Cordialement
    JP-K

    • Jean-Marie Ngendahayo

      Cher J-P K.,
      J’ai écrit que je m’étonnais qu’il n’y ait pas de réactions de la part des intellectuels africains. Je suis heureux que vous me prouviez le contraire par votre intervention.

      Fraternellement!

  3. Terimbere

    Heureusement mon cher J-MN que vous avez stoppe a temps!
    Lorsque vous dites que votre nom est Charlie et pourquoi le prenom ne peut pas etre Couli… Ne fut -ce qu’oser le dire vous risqueriez de mettre un point final sur votre parcours po.
    Je condamne ce massacre odieux et je considere toute personne qui tue comme un etre faible et indigne, qui reconnait sa faiblesse et la superiorite de celui qu’il considere comme son ennemi!
    Pourtant, il faut que l’on se dise la verite, cette verite dure a affronter!
    Il faut se demander pourquoi on en est arrive la!
    Pourquoi beaucoup de journaux occidentaux surtout americains comme le Newyork Times ont refuse de publier ce nouveau numero de Charlie!
    Moi personnellement je pense, que la question que l’on devrait se poser n’est pas reellement la liberte d’expression mais plutot jusqu’ou on devrait permettre les critiques!
    Le Pape, un de ces etres que je respecte beaucoup, lui-meme a dit, qu’il faut s’attendre a des coups si tu es son ami et que tu parles de mauvaises choses a propos de sa mere! Je pense qu’il a tout dit!
    Avant d’ajouter que l’on ne critique pas la foi des autres!
    Et si reellement, la France permet la liberte d’expression, pourquoi alors Dieudonne le comedien, lui qui voulait faire rire, n’a pas le droit de faire rire comme il veut!
    Deux poids-deux mesures!

  4. Uwakera

    Cet article me rappelle un autre pays où les forces de l’ordre ont été pris en otage des heures durant…avant que l’assaut de leurs collègues ne donne le coup de grâce à leurs souffrances. Ils ont failli être Charlie…. De même qu’à Paris, le monde s’est mobilisé pour les condamner d’avoir été au mauvais endroit et au mauvais moment.

    • Athanase Karayenga

      Chers amis,

      C’est une erreur, à mon avis, de penser que les millions de personnes qui ont défilé en France et dans le monde défendaient le seul droit d’expression de Charlie Hebdo.

      Voici le message que ces manifestations exprimaient avec force et détermination. Il est absolument inacceptable d’assassiner une personne, un journaliste, un juif, un policier, un musulman, un Hutu, un Tutsi, un Noir, un Palestinien, un Israélien, juste parce que vous ne partagez pas leurs opinions.

      Les manifestations pacifiques et dignes, en France et dans le monde, exprimaient le rejet et la condamnation de cette barbarie. Celle-ci constitue une négation radicale des valeurs fondamentales inscrites dans les conventions internationales des droits humains que tous les pays du monde ont signées et ratifiées d’ailleurs.

      Quel contraste saisissant tout de même ! Les manifestations pour réaffirmer l’attachement à ces valeurs universelles n’ont connu aucune violence. Des enfants, des familles défilaient calmement, graves et même parfois souriantes malgré le drame qui vous nouait la gorge.

      A l’inverse, lors des manifestations, imposantes organisées dans plusieurs pays contre Charlie Hebdo, certains excités ont brûlé des drapeaux, ont détruit des églises, ont vociféré des insultes. Leurs visages étaient déformés par des rictus de haine. Non décidément, entre ces deux types de manifestations, il n’y a pas photo. Les bonnes âmes choisiront leurs camps !

      Mais il faut revenir au cœur du débat. Admettre qu’on puisse tuer ceux ou celles qui expriment des opinions contraires aux vôtres, c’est se tirer une balle dans son propre pied. Cela revient à autoriser d’avance, d’autres tueurs à vous abattre comme du gibier car vos opinions n’auront pas été appréciées par vos assassins. Arroseur arrosé ! Ce serait comique si ce n’était pas tragique !

      Il existe tout de même un fossé immense entre l’expression libre d’un désaccord avec des opinions et l’assassinat de ceux qui ne partagent pas les vôtres.

      Cependant, les millions de personnes qui ont manifesté contre les caricatures de Charlie Hebdo dans le monde ont le droit, bien sûr, de les réprouver, de les trouver blasphématoires même. Mais en aucun cas personne n’a le droit d’appeler au meurtre des journalistes juste parce qu’on ne partage pas la ligne éditoriale de leur publication. C’est immonde !

      D’ailleurs, même en France, beaucoup de personnes trouvent les caricatures de Charlie Hebdo insultantes, grossières, excessives, provocatrices. So what ! Et alors ! Mais jamais, au grand jamais personne ne devrait en appeler au meurtre ou à la violence physique contre leurs auteurs.

      Ceux qui se sentent offensés ont mille moyens pour exprimer leur réprobation de ces caricatures. Ils pourraient caricaturer Charlie Hebdo, moquer le journal avec des écrits virulents et humoristiques. Ils pourraient exprimer leur désaccord sur les réseaux sociaux, devenus de véritables « vomitorium » où s’expriment souvent, dans un courageux anonymat, des opinions peu nobles.

      Mais de là à tuer des journalistes pour les punir de leur outrecuidance ou de leur irrévérence ! Il y a un monde ! Les assassins ou ceux qui les encouragent ont-ils assez de talent et d’humour pour faire valoir leurs points de vue de façon non violente ? Il est permis d’en douter.

      Et que disait Voltaire, un des plus grands esprits du siècle des lumières ?
       » Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous puissiez le dire ».

      Athanase Karayenga

      • citoyen

        Bien dit Mr Karayenga et je suis totalement d’accord avec vous mais je voulais quand même avoir votre opinion sur l’affaire Diodonné en comparaison avec Charlie Hebdo.
        C’est vrai que la liberté d’expression existe mais quand les uns sont punis pour leurs propos et les autres non, je penses que c’est une injustice et la situation d’injustice ou de manque de justice emmène toujours vers des extrêmes, le cas de notre pays même si c’est un peu complexe chez nous.
        Condamner la violence OK, mais je m’étonne que personne ne condamne les provocations des ces journalistes, afin d’exiger à l’état français de protéger les musulmans dans leur foi.
        Et pour compléter le pape, ton ami ne peut pas toujours insulter ta mère en ta présence et s’attendre a ce que tu lui dises seulement que c’est pas bien, ou bien que tu l’insultes aussi sur sa mère alors que dans ton éducation une mère est sacrée…. a la fin , ça finira par te faire perdre le contrôle et des réactions inattendues surviendront.
        Juste pour dire qu’il faut regarder les responsabilités des deux côtés et cesser cette histoire de liberté d’expression partout alors qu’on offense les autres. Depuis le jeune age, on nous enseignait que la liberté de chacun s’arrête là où commence la liberté des autres.

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Editorial de la semaine

Enrôlement des électeurs. Entre fatalisme et pessimisme

Alea jacta, les dés sont jetés. La période d’enrôlement qui avait officiellement commencé le 22 octobre a pris fin ce 31 octobre. Se faire enrôler est un devoir hautement civique et citoyen en vue de reconduire ou renouveler la classe (…)

Online Users

Total 3 599 users online