Faire régner la concorde sociale en atténuant les conflits, ressouder le tissus social déchiré, unir des couples séparés… Autant d’actions pour les leaders dont des jeunes filles et femmes initiés pour assumer cette responsabilité. Mais ils construisent également des ponts, au propre et au figuré.
De Makamba, à Vugizo en passant par Nyanza-Lac, Kayogoro et Kibago, les jeunes leaders, hommes et femmes, encadrés par différents partenaires du projet ’’Soutenir les femmes leaders d’aujourd’hui et de demain pour faire avancer la paix au Burundi’’, galvanisent des foules. Ce programme piloté par l’ONG SFCG est financé par le Fonds pour la consolidation de la paix des Nations unies (UNPBF).
Les jeunes leaders formés sont devenus de véritables vecteurs de cohésion sociale et de développement communautaire. Une adduction d’eau par ici remise en l’état après plusieurs années sans bornes fontaines fonctionnelles, un tronçon de piste utilitaire redevenu carrossable par là ou encore un pont restauré, telles sont les ’’initiatives de paix’’ proposées au cours des ’’tables rondes’’ par les bénéficiaires de ce projet en collaboration avec l’administration locale, des représentants des confessions religieuses.
Tous ces travaux ont un dénominateur commun : ils ont été décidés et exécutés en commun accord avec la participation de toute la communauté, du citoyen lambda à l’administratif. Les quelques bénéficiaires directs du projet de promotion du leadership féminin mobilisent des gens autour de leurs initiatives salutaires.
Administratifs et jeunes leaders retroussent leurs manches
En province Makamba, ces initiatives de paix ont été organisées par l’Association pour la promotion de la fille burundaise (APFB), partenaire du projet.
Zénon Nishimwe, administrateur de la commune Kibago en province Makamba, ne tarit pas d’éloges à l’égard de ces jeunes leaders, hommes et femmes, pour leur idée de réhabilitation du pont sur la rivière Mugunguzi reliant les zones Bukeye et Kanyinya, des coins reculés proches de la Tanzanie, aux confins de la frontière burundaise.
«Je salue l’initiative de ces jeunes. Ce pont entre ces deux zones est très bénéfique. Il favorise les échanges. Il est d’une importance capitale parce qu’il y a des commerçants burundais et tanzaniens qui l’empruntent pour écouler leur marchandises dans cette commune».
Pour cet administratif, la réhabilitation de ce pont représente un intérêt économique avec plus de circulation des personnes et des biens : «Il était difficile pour les motos chargés de marchandises de franchir ce pont. L’approvisionnement n’était pas aisé, il fallait faire des contours par des sentiers à travers des collines. Au niveau des taxes communales, c’est une aubaine».
Selon Zénon Nishimwe, quand il pleut, c’est la galère, les gens partis faire des courses ou qui se retrouvent sur une autre colline sont obligés de rentrer avant que l’eau ne déborde et ne couvre ce pont avec des risques de noyade. «Tout cela est fini avec cette réhabilitation».
En homme du peuple, cet administrateur de la commune Kibago, tient à superviser les travaux de réhabilitation de ce pont depuis l’aube jusqu’aux derniers rayons du soleil.
Il est au four et au moulin. Il est là avec plusieurs jeunes gens et quelques administratifs quand il faut pousser de gros tronc d’arbres résistant à la flexion.
Il motive ses ’’troupes’’, tous des volontaires, quand il faut placer ces troncs sur de grosses pierres disposés de part et d’autre de la rivière Mugunguzi. Il connaît tout le monde, il les appelle par leurs prénoms ou leurs sobriquets.
Il n’hésite pas à descendre dans l’eau et mouiller ses baskets, pour apporter un coup de main. Il donnera quelques conseils au moment de fixer les madriers sur ces troncs d’arbre.
Humble, cet administratif partagera avec ces ’’ouvriers’’ quelques morceaux de manioc cru et un peu d’arachide avant une bonne bière et une brochette tard dans la soirée après les travaux.
Il n’oublie pas ses multiples devoirs. Il répond quelques fois au téléphone. Malgré de nombreuses sollicitations et d’autres appels incessants, il ne quitte pas ce chantier. Il signera même quelques documents d’une organisation venue solliciter son aval à quelques pas de ce pont. Il lui tient à cœur.
La population jubile
«C’est une grande joie pour toute la population. C’est la fête aujourd’hui. Ce pont est d’une importance capitale pour nous. C’est pourquoi tous les habitants se sont mobilisés», lance Aline Nyabenda, une femme leader de la colline Bukeye, zone Bukeye en commune Kibago. Et de remercier SFCG et ses partenaires. «C’était un casse-tête pour acheminer nos malades à l’hôpital ou accéder au cimetière».
Pour Joël Mperejimana, chef de zone Bukeye, c’est un ouf de soulagement pour les habitants des zones Bukeye et Kinyinya. «A Bukeye, nous avons un centre de santé, deux marchés, des écoles, ce pont était un handicap pour accéder à ces institutions combien importantes pour les citoyens». Selon cet administratif, les gens étaient obligés de faire plusieurs kilomètres pour contourner ce pont et partant ils utilisaient beaucoup de moyens. «Aujourd’hui, ça sera facile et les relations entre les habitants de la commune vont se renforcer».
En commune Vugizo, l’initiative proposée par les jeunes leaders formés est la réfection des bornes fontaines dans la zone Vugizo. Trois bornes fontaines ont été réparées. «Nous avons proposé cette activité car il s’observait un manque criant d’eau potable», indique un des jeunes leaders formés.
La première borne fontaine se trouve à l’Ecole fondamentale de Vugizo. La joie se lisait sur les visages des élèves. «On était obligé de faire plusieurs centaines de mètres pour aller chercher de l’eau à boire dans les maisons avoisinantes», confie Arnaud de la 6e année primaire. Les enseignants ne tarissent pas également d’éloges. «Nous craignions des maladies des mains sales. Les élèves n’avaient ni l’eau pour boire ni pour se laver les mains en sortant des latrines. La peur des maladies était permanente», témoigne Jovite Ningerera, enseignante à cet établissement. D’après elle, les élèves étaient sommés d’amener de l’eau lorsque c’est le jour de faire la propreté des salles de classe. «Nous sommes très contents. L’hygiène va s’améliorer sensiblement. Nous remercions beaucoup les initiateurs du projet».
Même son de cloche de la part de Simon Buhuragi, chef de colline Vugizo. «L’hygiène laissait à désirer à cause de ces robinets qui ne fonctionnaient pas surtout à cette école. Nous avions peur pour nos enfants». Les deux autres bornes fontaines remises en état se trouvent tout près du marché de Vugizo.
En s’adressant à la foule agglutinée autour d’une borne fontaine réparée, l’administrateur de la commune Vugizo, Joselyne Nibimpa, demande depuis quand ces bornes fontaines n’étaient pas fonctionnelles. «Depuis plusieurs années», scande la foule. «L’eau est la source de vie. Il faut préserver cet héritage. Dorénavant, ceux qui fréquentent le marché ou les ménages des environs n’auront plus un problème d’eau. Je dis merci à nos bienfaiteurs». Et d’annoncer qu’un comité de gestion va être mis sur pied prochainement.
Rose-Marie Ndayikengurukiye, responsable du projet à l’APFB, remercie les jeunes leaders formés de la province Makamba pour ces initiatives qu’ils ont réalisées en collaboration avec leurs communautés respectives. « Certains pensent que les jeunes n’ont pas d’idées. Ils se trompent énormément. Nous avons constaté que les jeunes sont des leaders qui contribuent dans le développement de leurs communes et du pays». Elle a aussi exhorté les femmes à s’affirmer comme leaders et de ne pas avoir peur. Rose-Marie Ndayikengurukiye a vivement remercié les administratifs de la province Makamba qui se sont investis afin que ces initiatives soient un succès. «Il faut toujours soutenir ces jeunes leaders et les guider».