Une soixantaine d’employés des anciens services techniques municipaux (SETEMU) se plaignent d’un licenciement abusif de la part de la direction de l’Office burundais de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction (OBUHA). Ils annoncent vouloir porter l’affaire en justice.
G.R. travaillait pour la société SETEMU depuis plus de vingt-cinq ans. Par un décret présidentiel du 24 mai 2019, cette dernière a fusionné avec cinq autres entreprises étatiques et paraétatiques pour former l’OBUHA : la Direction générale de l’Urbanisme et de l’Habitat, le Laboratoire national du Bâtiment et des Travaux publics (LNBTP), la direction générale du Bâtiment, l’Encadrement des Constructions Sociales et Aménagement des Terrains (ECOSAT) ainsi que la Société Immobilière Publique (SIP). « En juin de cette année, après deux ans jour pour jour à travailler à l’OBUHA, mon contrat indéterminé a été résilié par la direction de l’OBUHA ».
Tout comme G.R, 159 ex-employés de la société SETEMU, disposant pour la plupart de contrats indéterminés, se voient notifier l’arrêt de leur travail à l’OBUHA. Dans une ordonnance conjointe du ministère en charge des Finances, le ministère en charge des Infrastructures et celui en charge de la Fonction publique, les ex-employés de la société SETEMU se voient offrir trois options : la réintégration à l’OBUHA après passation d’un test, l’affectation à la Fonction publique ou l’obtention d’une retraite anticipée.
« Comment exiger que nous passions un test pour intégrer une structure pour laquelle nous venions de travailler depuis deux ans ? », s’exclame G.R. Ce n’est pas tout. D’après lui, la direction a inséré une condition donnant accès à la passation du test : Les employés âgés de plus de 45 ans s’en trouvent écartés. « Nous étions stupéfaits », raconte ce quinquagénaire qui crie à « une discrimination déguisée ».
Colère et confusion
G.R. fait savoir que ses collègues se voient dorénavant obligés de prendre des directions opposées : « Certains, surtout les plus jeunes, ont demandé à être affectés à la Fonction publique. D’autres, plus âgés comme moi, ont demandé à bénéficier d’une retraite anticipée.»
G.R. justifie ce choix opéré par les employés plus âgés, formant un groupe de 66 personnes : « A la fonction publique, certains d’entre nous allaient bénéficier du dixième du salaire qu’ils percevaient à l’OBUHA. Imaginer quelqu’un avec un revenu de 450.000, voire 500.000 BIF qui, une fois à la Fonction publique, allait toucher aux alentours de 60.000 BIF. C’était inacceptable pour nous.»
Prenant le contre-pied de l’ordonnance conjointe, le ministre en charge des Infrastructures, dans une autre ordonnance, va exprimer son refus d’octroyer la retraite anticipée aux employés plus âgés et va exiger leur affectation à la Fonction publique. « Comment demander à un homme comme moi, à quelques mois de prendre sa retraite, d’aller chercher son matricule pour intégrer la Fonction Publique ? Soyons sérieux, bon sang! », s’indigne T.O. rencontré à son domicile.
Ces employés disent, en outre, ne pas comprendre comment c’est le ministre en charge des Infrastructures qui signe les autorisations de transfert à la Fonction publique et les attestations de services rendus : « C’est la direction de l’OBUHA qui nous employait. Alors pourquoi le ministre de tutelle s’arroge de prérogatives qui lui reviennent en principe?»
L’affaire bientôt portée en justice
Ces employés pensent que leur ministère de tutelle est revenu sur l’ordonnance conjointe leur permettant l’accès à leur retraite anticipée pour des motifs pécuniaires : « Nous sommes une soixante de personnes. Peut-être qu’ils se sont rendus compte des montants d’argent astronomiques que l’octroi de cette retraite allait exiger.»
D’après eux, en refusant de leur octroyer cette retraite à laquelle ils disent avoir droit, le ministère se met dans une mauvaise posture. « Si nous gagnons le procès, lorsque l’affaire sera portée au tribunal, l’Etat risque de payer gros. Car à cette retraite anticipée devront s’ajouter des dommages et intérêts dus à notre licenciement abusif », relève T.O.
Autre motif de révolte chez ces employés : les règles liées à la fusion. « Le code du Travail est clair là-dessus. Lorsqu’il y a fusion, on ne prend pas uniquement le matériel et on ne met pas, par la suite, les employés à la rue. C’est une violation de la loi à laquelle devront répondre la direction de l’OBUHA et le ministère de tutelle», défend T.O.
Contacté, le directeur général de l’OBUHA, Jean-Pierre Gatore, nous a renvoyés vers le ministère des Infrastructures, de l’Equipement et des Logements sociaux.
De son côté, le ministre Déogratias Nsanganiyumwami a été joint au téléphone à plusieurs reprises, sans succès.
Le code du travail
L’article 96 du code du travail prévoit que lorsqu’il y a substitution d’un employeur notamment par succession, vente, fusion, transformation de fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la substitution subsistent entre le nouvel employeur et le personnel.
L’article 98 stipule de son côté que le contrat d’un employeur à un autre est subordonné au consentement du travailleur constaté par écrit, sans contrainte, ni pression abusive, ni fraude ou erreur.
Enfin ! Le dossier n’est pas passé par les conseillers juridiques des différents cabinets ministériels concernés ? L’expertise de l’inspection du travail n’a pas été sollicitée ?
Ayons confiance dans nos cadres nationaux de valeur et vous verrez la différence.