Mardi 05 novembre 2024

Société

Serbie/Remboursements des tickets : les dessous des retards

22/11/2022 12
Serbie/Remboursements des tickets : les dessous des retards
Des gens demandant à être remboursés au bureau de l'Ethiopian Airlines

Les recalés de la Serbie peinent à se faire rembourser leurs billets. Dans certaines agences, des agents véreux ont profité de l’ignorance des passagers en leur vendant des billets très chers. D’autres agences de voyage ont tout simplement disparu. Voyage au cœur d’une désillusion.

Difficile de croire que le périple vers la Serbie aurait généré des centaines de millions de dollars américains… Du moins si l’on s’en tient aux sommes colossales que les compagnies aériennes opérant au Burundi et les agences de voyage dont les clients n’ont pas pu embarquer suite à la décision du gouvernement serbe de suspendre le mémorandum permettant aux Burundais avec des passeports ordinaires de s’y rendre sans visa, doivent désormais s’acquitter. « Une saignée qu’elles voient mal panser tant que tout l’argent amassé n’est pas allé directement dans leurs caisses », s’amuse à dire un ancien employé de Nitra Travel Agency.

Rien que Rwandair, le montant qu’elle doit à ces « malheureux passagers » avoisinerait les 300 millions de BIF. D’après une source bien informée, un montant qui n’est pas exhaustif, vu que les réclamations continuent d’y affluer.

Ethiopian Airlines est l’autre compagnie « débitrice » de ces passagers qui n’ont pas pu embarquer pour la Serbie.

Mais, depuis que ces derniers ont commencé à revendiquer leur argent, l’accueil chaleureux des premiers jours où les clients faisaient les files indiennes pour acheter un billet, surtout le beau sourire de ses employé(es) souhaitant le bienvenu, a cédé la place à un bonjour avec un air suspicieux.  Sans doute qu’une consigne claire et nette leur a été donnée. Une seule réponse fuse à celle ou celui qui demande où en est le processus de remboursement : « Montrez-nous votre billet ! ». Là aussi, seulement à ceux qui ont acheté leurs billets à leur bureau, sis à l’avenue de la Victoire.
Avec les derniers sit-in des passagers en colère, compagnies et agences de voyages, du moins celles encore fonctionnelles ont revu leurs façons de communiquer. Des garde-fous ont été instaurés. Elles ne répondent pas à tout passant. Autant dire qu’une certaine gêne s’est installée depuis que certains de leurs agents auraient profité de l’ignorance de certains clients, soit pour hausser les prix du billet ou pour ne pas rembourser un billet, prétextant qu’il aurait été suspendu dans le logiciel de vente des tickets.

Le début des désagrément

Autour de 65 passagers, telle était la moyenne des Burundais embarquant pour la Serbie en juin 2022, raconte, F.D, un agent de la Sobugea. Cet effectif est allé crescendo jusqu’à dépasser 100 personnes à partir de juillet De quoi aiguiser les appétits des agences de voyage. « Pour Ethiopian Airlines, la 1ère compagnie aérienne à desservir cette ligne (Bujumbura -Serbie), c’est vers juin-juillet 2022 que la demande à gonfler. A un moment, nous avons commencé à craindre qu’elle ne puisse pas être à mesure à de desservir cette ligne seule », confie sous le sceau de l’anonymat, un agent de Manaf Tours Travel.

A 2.600.000 BIF, le prix du ticket Bujumbura-Belgrade, il indique : « En tant que vendeur de billets, notre seul problème était de leur trouver un avion à mesure de transporter ce beau monde ». Apparemment, glisse-t-il, ce fut le début des spéculations. Certains agents qui réservent les billets en ligne, n’ont pas eu l’honnêteté de dire à leurs clients que la compagnie Ethiopian Airlines était pleine. D’après notre source, le comble, c’est qu’ils se sont toujours arrangés pour aménager le plan de vol. Une situation à l’origine de ses « overbook récurrents » (réservations se font, alors qu’il n’y a pas de places dans l’avion ». Entretemps, au moment où la demande explosait, les agences naissaient tels des champignons.

Béatrice Nzeyimana: « Il y a eu un boom de nouvelle agences de voyage »

Depuis 2018, Béatrice Nzeyimana, chargée des activités du guichet unique d’enregistrement des entreprises à l’ADB 2(Agence de développement du Burundi), soutient que les agences de voyage n’ont pas cessé de naître. Une situation inédite, observe cet agent de Manaf Tours Travel qui sera à l’origine du désordre actuel. « La priorité pour ces « nouvelles » sociétés n’était plus de bien servir le client. De l’informer sur les conditions de remboursements de billets. Pour elles, c’était l’argent qui comptait seulement ».

Et comme la plupart de ces passagers étaient à leur 1er voyage, des agents véreux n’ont pas hésité à profiter de leur ignorance. « Ainsi pour un billet coûtant 2.600.000 BIF au prix initial proposé par le système, certains de ces agents pouvaient le revendre à 3.500.000 BIF », s’indigne cet agent de Manaf.   Plus déplorable, explique-t-il, naïfs, surtout, préoccupés par les préparatifs, stressés, par ce voyage dans un pays inconnu, ces passagers ne prenaient pas le soin de vérifier le prix exact voire l’authenticité de ces billets.

Un sérieux coup dur maintenant lorsqu’ils demandent d’être remboursés. « Outre cette crainte que l’agence qui leur a vendu le billet a déjà mis la clé sous le paillasson, ils redoutent que même si par chance leur billet était remboursé après déductions des 150 dollars américains souvent en guise de pénalités d’annulation, à cause des grosses marges de bénéfices qu’ils s’accordaient, le remboursement ne se ferait pas au prix réel fixé par le système des ventes des tickets ». Selon l’employé de la Sobugea, une peur bleue qui fait que certaines compagnies et agences, trainent les pieds.

Une déconvenue survenue à Ally. Devant voyager le 22 octobre, (soit le lendemain de la décision du gouvernement serbe), ce natif de la zone Buyenzi, fait savoir qu’une semaine après il est allé à l’agence qui lui a vendu le ticket. Une surprise totale. « Hormis que l’agence avait remballé ses affaires, aucun numéro de téléphone de ses agents ne passait plus ». Un moment de gêne avant qu’il ne décide d’aller demander si Rwandair, la compagnie, à qui mon agence avait acheté le ticket, si elle ne peut me rembourser. « Heureusement, chose qu’elle a acceptée moyennant certaines pénalités ». A défaut de connaître les procédures de remboursements, il redoute que ses amis d’infortune ne jettent l’éponge. « En tout cas, il faut que les autorités de l’aviation civile se saisissent de l’affaire. Sinon, que les compagnies soient prévenues. Nous allons porter l’affaire devant les juridictions compétentes. »

Quid des remboursements ?

Depuis que le gouvernement serbe a rompu l’accord, l’aéroport international Melchior Ndadaye n’est plus bondé

Variant en fonction de la classe du billet et des conditions, un ancien employé de Nitra Travel Agency, explique qu’en principe tous les billets sont remboursables. « Certes il y a des cas de figure, avec des conditions bien claires qu’un client assume en connaissance de cause lorsqu’il achète un ticket surtout pour le trajet Istanbul-Belgrade. Sinon, pour le cas des vols de Rwandair ou de la Uganda Airlines, moyennant certaines pénalités, leurs billets devraient en principe être remboursés ».  Sauf surprise, tient-t-il à préciser, si l’agence a confectionné un faux billet dans le cas de figure des personnes qui n’ont pas pu embarquer suite à la décision du gouvernement serbe, le billet est totalement remboursable (full refund). Et à moitié remboursable pour ceux qui sont arrivés à destination (cas de ceux qui ne retourneront pas au pays) mais qui avaient payé pour un voyage aller -retour (half refund).

De quoi se demander pourquoi certaines compagnies et agences rechignent à payer le billet retour, sous motif qu’il a été suspendu.

Et d’après un employé de Rwandair, la compagnie a déjà commencé à décaisser l’argent. « Mais pour qu’il y ait traçabilité en cas de désistement du client, nous avons opté de le déposer sur les comptes bancaires des clients. Aussi, une façon d’éviter toute perte ou vol. »

Toutefois, les clients commencent à perdre patience. « Si ce n’est pas une stratégie à peine voilée de ne pas nous rétablir dans nos droits, qu’elle soit bien précise à la date de remboursement ». Seule certitude, d’après une source bien informée, parmi les autres raisons de ces retards : une volonté avérée de certaines compagnies de ne pas vouloir payer en argent liquide les places déjà vendues. Un sérieux coup dur pour les agences sans fonds de garantie suffisants ».

Et de conclure : « Dans le but d’assainir ce secteur d’activités, de concert avec les responsables des agences burundaises qui sont affiliées à l’IATA (Association internationale des agences de transport aériennes), les compagnies aériennes opérant au Burundi auraient décidé de ne plus vendre leurs billets à 85 agences de voyage créées dans la foulée de cette ferveur autour de cette ligne Bujumbura -Belgrade ».

Forum des lecteurs d'Iwacu

12 réactions
  1. RIVUZUMWAMI

    A tous mes frères qui ont commenté:
    1) La faute ne peut être imputée qu’à nos dirigeants corrompus, sans aucune vision: Mobutu, Kayibanda, Micombero, Bokassa, Idi Amin,etc…Mvuze aba kera.
    2) Le pays ne peut être développé que par ses fils et filles. Mais les poissons pourrissent par la tête. Comme on dit.
    3) Dans les années 60 et 70. Les famines et autres misères se localisaient: Inde, Chine, Vietnam, Bangladesh, etc…
    Maintenant, le désastre c’est l’Afrique et dans une moindre mesure, le Moyen Orient.
    5) Accusez les puissances étrangères est un raccourçi. Les puissances étrangères profitent seulement de la cupidité et du manque de patriotisme des dirigeants indignes.

    Le développement, l’orientation politique, la vision doivent être pensés et executes par les dirigeants.
    Les gens fuient la misère de l Afrique

  2. Samandari

    A Iwacu , pourriez vous vérifier et confirmer le coût du Ticket: Bujumbura / Belgrade pour les 2 compagnies: Rwandair et Ethiopian airlines?
    Merçi.

  3. Kibinakanwa

    On fuit partout la misère et un avenir complètement bouché.
    Maintenant les gens terminent l’université et sont heureux d’avoir un job de « City Security « .
    Mais j’ai été abasourdi d’entendre que le ticket Bujumbura / Belgrade coûtait seulement 2 600 000 bif.
    J’ai payé 9 500 000 à une Agence de Voyage.
    Je vais contacter la Justice, car j’avais un transfert bancaire à une agency locale.
    Triste quand même

    • Stan Siyomana

      @Kibinakanwa
      Un billet d’avion entre deux villes/pays peut avoir des prix différents SELON LES SAISONS AVANT TOUT, si l’on veut voyager d’urgence ou en première classe, business class ou coach (ou si l’agence de voyage a inclus les frais des passeurs,pour ceux qui veulent continuer leur voyage vers les pays de l’Union Européenne?).
      Par exemple pour voyager entre USA et le Burundi, les billets vont être plus chers en êté (mois de mai-septembre) et pendant les fêtes de Noel et Nouvel An. Et même en temps normal, il vaudrait mieux acheter son billet un mois ou deux mois avant la date du voyage.

  4. Claypton

    j ai une petite question , Les autorités Burundaises s interrogent elles sur cette ruée vers l’extérieur du pays dès que une occasion se présente ? Que est CE que Les gens fuient ???

    • Pascal N

      Il ne peuvent pas se questionner car, voix tu, une grande majorite des dirigeants Africains, exportent les travailleurs sur les autres continents, entre autre L’Europe, Le Canada, mainant le proche orient car ceux ci n’arrivent pas a remplacer leur populations. En retour les autorites Africaines recuperent des fonds souvent en USD directement ou indirectement via les transfers de la diaspora Africains. Si je ne me trompe pas, les transfers de la Diaspora et loin superieur aux aides bilaterales. L’Afrique a un taux de croissance de population qui fait peur car le continent n’a pas une economie suffisante. Je sais que ceci fait froid au dos mais c’est la triste verite.

      • Stan Siyomana

        @Pascal N
        1. Vous écrivez:« une grande majorite des dirigeants Africains, exportent les travailleurs sur les autres continents,… car ceux ci n’arrivent pas a remplacer leur populations… »
        2. Mon commentaire
        CE N’EST PAS SI SIMPLE QUE CA: tous les pays du monde (y compris le Burundi) ont leur POLITIQUE D’IMMIGRATION CHOISIE ET NON « SUBIE ».
        Par exemple aux Etats-Unis:
        a. Il y a un programme qui fait venir des Mexicains par exemple, pour récolter les légumes et les fruits dans les champs.
        b. Les Philippines étant une ancienne colonie des Etats-Unis, il y a (depuis la première ou deuxième guerre mondiale?) des milliers d’infirmières philippines qui viennent travailler dans les structures de santé en Amérique (elle doivent avoir déjà travaillé chez elles deux ou trois ans).
        c. Certaines entreprises en technologie, information et communications (TIC) peuvent demander au gouvernement américain d’accorder le visa H-1B à des milliers d’ingénieurs indiens (diplomés des différents campus d’Indian Institute of Technology?).

    • Varisito k.

      Ces gens fuient la démographie devenue incontrolable au Burundi.Kuguma tuvyara mu bukene vyongereza ubukene.N’accusez pas les autorités burundaises la faute est de nous tous une culture de laissez aller sans aucune planification de l’avenir de ceux que nous mettons au monde en désordre!Et pourquoi la Serbie devrait assumer le coût de notre irresponsabilité nataliste?

      • Pascal N

        Que tu l’acceptes ou pas, il y a une liaison indirecte entre une mauvaise gouvernance et la situation économique. Par consequent, il y a une correlation entre une mauvaise situation économique et une croissance démographie incontrolable. Par exemple: La Chine commence a avoir une démographie décroissante dépuis qu’elle est devenue une puissance économique. Je ne suis pas entrain de dire que tout est la faute du Gouvernement Burundais, mais ce dernier a presque perdu le control. Du coup la qualité de citoyens prend un virage vers le bas et produit des dirigeants de basse qualité. Feedback loop. L’Afrique, en general, est devenue, encore une fois, un reserve de main d’oeuvre des pays qui connaissent le phenomene inverse. La Serbie a signé ces accords tout en connaissance de cause: Seuls les meilleuir arriveront a aller en Europe et y rester! Donc l’Afrique est en entrain d’etre vidé des meilleurs employés! Ce qui rend la situation(Africaine) encore triste.

        • Stan Siyomana

          @Pascal N
          1. Vous écrivez:« La Chine commence a avoir une démographie décroissante dépuis qu’elle est devenue une puissance économique… »
          2. Mon commentaire
          Depuis 2002 par exemple, la population/démographie de la Chine AUGMENTE D’ENVIRON 7 MILLIONS DE PERSONNES PAR AN EN MOYENNE.
          Population de 1.303.274.793 personnes en 2002, 1.380.373.083 en 2012, et 1.451.432.510 en 2022.
          https://countrymeters.info/fr/China#:~:text=Horloge%20de%20la%20population%20de%20la%20Chine%20,%20Naissances%20aujourd%27hui%20%206%20more%20rows%20
          Il est vrai que la population chinoise serait encore plus grande s’il n’y avait pas eu la politique de permettre seulement un enfant par famille (de 1980 jusqu’à la fin de 2015).

          • PascalN

            Mr Stan Siyomana,

            Remarque que Taux de croissance 1952 – 2022(d’homage que j’ai pas poster tes courbes ici) et une courbe avec une pente negative. Surtout quand on l’observe relativement au taux de croissance économique. La Chine, n’arrive plus a remplacer les retraités, malgré l’annulation de la politique d’un enfant par couple! Cela veut dire que la Chine, comme tous les pays développés, aura besoin de délocaliser ou automatiser les emplois. Un bon probleme a avoir, si je peux me permettre de le dire. Bon bref, ceci est vraiment injuste de comparer le Le Burundi et la Chine! Bientot le Burundi sera comme L’Ethiopie des 1985(La fameuse famine, souviens toi la chanson « we are the world »!!!) si rien ne change.

        • Ndikuriyo Claver

          Les burundais doivent utiliser les moyens de contraception.Nous avons un territoire minuscule que nous peuple à la vitesse grand V.Gabanya imvyaro.Je suis du même avis qu’une politique d’un enfant par famille serait salvatrice pour les burundais.Sinon la famine va décimer les burundais dans leur ensemble.Trop de bouches à nourrir sur un territoire exigu.Ne comparons surtout pas la Chine au Burundi.Nous n’avons pas les mêmes ressources humaines en terme de qualité ni la même technologie.

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