En plus de sa mission de prodiguer des soins de santé, la clinique Ubuntu Village of Life a intégré un volet en rapport avec la sécurité alimentaire. Ainsi, grâce à l’introduction des jardins potagers, les populations de cette commune de la province Bururi et ses environs, ont vu la malnutrition, surtout chez les enfants de moins de 5 ans, considérablement diminuer.
Difficile de penser que derrière les paysages verdoyants de la commune Mugamba, puissent y avoir des familles dont les enfants souffrent de malnutrition. Tellement luxuriants sa verdure et les champs de thé et de pomme de terre gambadant à perte de vue le long de la RN7… Toutes les conditions semblent réunies pour que sa population mange équilibré et à satiété.
Pourtant, dans le silence le plus absolu, des familles souffrent de la malnutrition. Ce, bien sûr à des degrés différents. Mais, le fait est que même dites des intellectuels peuvent en porter les séquelles vivaces. Un non-dit qui, des fois, tue à petit feu. « Certes, tous les ménages ne sont pas touchés de la même façon. Mais, le constat est-il environ que suite à la pauvreté monétaire qui frappe la plupart des familles de Mugamba et ses environs, plus de 50 % des ménages dont les enfants 5 ans souffrent de la malnutrition », glisse une femme travaillant comme agent communautaire.
Ainsi, dans l’ignorance totale, sans prérequis préalable sur la façon d’être un repas équilibré. Parce que leurs familles sont nombreuses et qu’elles ne peuvent pas manger à satiété, cet agent confie que des mères regardent leurs enfants perdre du poids, leurs cheveux tomber un à un sans pour autant en déceler la cause.
Et lorsque survient une querelle liée aux conflits fonciers, bienvenue les histoires de sorcellerie. Un tas de problèmes que la Clinique Ubuntu Village of Life a essayé de venir à bout.
Depuis sa création en 2019, cette clinique qui se trouve dans cette commune, dont la vocation consiste à prodiguer des soins de santé à la population, a aussi fait de la lutte contre la malnutrition son cheval de bataille. « Le but c’est de mettre tout le monde devant un fait accompli. Faire comprendre à tous ces mères et pères de familles qu’ils peuvent manger sainement et équilibré sans dépenser beaucoup d’argent et cultiver des étendues de hectares, juste en cultivant les fruits, les légumes plantés à l’intérieur des enclos familiaux », indique Dr Albert Karakura, directeur de la clinique.
Toutefois, reconnaît Dr Karakura, une bataille qui passe par plusieurs fronts. Outre la conscientisation sur la nécessité, le bien-fondé d’adopter les jardins potagers, il déplore la réticence d’une partie de la population. « Le problème, c’est que personne n’ose dire que son enfant souffre de malnutrition. Chaque fois, il faut que les mamans travaillant comme des agents communautaires fassent le 1er pas pour les convaincre de venir consulter. Une méthodologie qui fait perdre du temps mais qui commence à produire ses effets. »
Depuis peu, cet agent communautaire soutient que les langues commencent à se délier. « Les habitants commencent à prendre conscience, à briser le silence, à oser demander conseil. Parce qu’ils ont vu que même mangeant à satiété, l’on peut souffrir de la malnutrition. »
Aux environs d’une dizaine au début 2020, actuellement, le centre de prise en charge nutritionnel prend en charge plus d’une centaine d’enfants souffrant de malnutrition, et plus d’une cinquantaine de mères sont pris en charge mensuellement. Entre enseignements et conseils sur le bien-fondé des jardins potagers, les bonnes pratiques alimentaires et agricoles, la clinique leur octroie des compléments alimentaires.
Le remède « jardins potagers »
Jardin ou une partie de jardin où se pratique la culture vivrière de plantes destinées à la consommation familiale, soit principalement des légumes, des fruits non cultivables en verger et des plantes aromatiques. Le jardin potager, en plus de ses fonctions utilitaires et ornementales, peut avoir une vocation éducative, constituer une activité de loisir et contribuer au maintien de la biodiversité animale et végétale. « Comme la plupart des habitants des localités sont tellement attachés à leurs terres, le fait que les jardins potagers n’exigent pas beaucoup de surface, a concouru pour que la plupart adhèrent facilement. Idem pour la fumure et le temps qu’ils y consacrent », laisse entendre M. Karakura, qui ajoute : « L’idée derrière, c’est que chaque foyer en possède. Une bataille en passe d’être gagnée. Car, la plupart qui viennent suivre les enseignements en ont adopté. » La nouvelle tendance, selon lui, c’est que même les ménages dits aisés, commencent à prendre conscience de leur dans l’alimentation.
Eric Bimenyimana , agronome, salue l’initiative de la Clinique Ubuntu Village of Life qui a pris les devants pour sensibiliser sur l’importance de développer les jardins potagers. « Une source incommensurable de compléments alimentaires qui permet en plus d’équilibrer l’alimentation de prévenir la malnutrition ».
Cerise sur le gâteau, observe M. Bimenyimana, avec le climat de la région de Mugamba se prêtant aussi bien à la culture des fruits, à l’instar des avocats, des prunes du Japon, et de tous les légumes, ne doute pas que lesdits jardins potagers ne tarderont pas à produire l’effet escompté. « Le plus important, c’est de faire le suivi, de continuer l’encadrement de la population. Et les résultats viendront d’eux-mêmes, surtout que tout laisse à croire que la population commence à s’en approprier ».
Dans cette quête, le directeur de Karakura explique que leur équipe en charge du volet nutritionnel incite la population qui en a déjà adopté de planter des champs de démonstration le long des routes, près des classes, etc. « L’idée c’est d’attirer l’attention à tout passant de telle façon qu’il puisse être interpellé. Delà, ainsi être amené à le cultiver chez lui, s’il ne l’a pas encore fait »
A en croire les témoignages, à l’allure dont les habitants de Mugamba et ses environs sont en train d’adopter les jardins potagers, M. Karakura espère que d’ici la fin de l’année la malnutrition ne sera plus un problème dans la commune de Mugamba.
La population exulte
La cour intérieure de la clinique Ubuntu Village of Life où sont dispensés les cours sur l’importance des jardins potagers dans la lutte contre la malnutrition
Très satisfaite, Domina, bientôt 40 ans, mère de 3 ans, ne tarit pas d’éloges à l’initiative de la Clinique Ubuntu Village of Life d’inclure le volet de la sécurité alimentaire. Avec l’avènement du programme, dorénavant, elle explique qu’il est inconcevable que ses enfants mangent des haricots sans légumes. « Si ce ne sont les amarantes dans les haricots, ce sont des choux dans les pommes de terre. »
Une habitude, au fil du temps, qui s’est ancrée dans la psychologie de ses enfants. « Ils ont pris goût, de façon qu’ils ne tolèrent plus un plat sans légumes ».
Avec deux jardins potagers dans l’enclos familial, elle fait savoir que l’avantage, elle ne peut jamais être à court de production. « Toutes les deux semaines, je récolte. Et au besoin, je peux vendre au marché pour m’acheter un peu de viande, du sel et de l’huile »
Une satisfaction partagée par Bernadette. Habitant la province de Mwaro, la grand-mère n’a pas assez de mots pour remercier la clinique, à travers cette approche de développer les jardins potagers. « N’eût été ses enseignements qui aurait su que les choux peuvent être bien consommés avec des pommes de terre ? De plus, qui aurait pu cultiver derrière l’enclos sur une si petite surface pour obtenir autant de prunes du Japon ou d’amarantes ? Une révolution alimentaire, tout simplement !» jubile-t-elle.
Ancrée dans les vieilles habitudes qu’importe peu la qualité, seule la quantité compte, elle a vu ses petits-enfants tombés malades. « Un à un, ils devenaient fébriles. Tout le temps, ils ne cessaient de tomber malades. Il en a fallu que je les amène à l’hôpital pour que le médecin diagnostique un début de malnutrition. Il en a fallu que je me rende à Mugamba rendre visite à une parenté pour cerner la réalité ».
Une visite, selon elle, qui lui a permis d’ouvrir les yeux. Comme elle avait dû vendre son bétail à la suite de la mesure du ministère de l’Elevage interdisant à la population de paître sur les collines, elle explique que les légumes et fruits de son jardin potager apportent des nutriments alimentaires tant utiles pour le développement de ses petits-enfants. Autre plus-value des jardins potagers, note-t-elle, ils permettent d’augmenter la production des légumes même pendant la saison sèche. Une aubaine sans nom, surtout que celui a permis d’économiser de l’argent qu’il aurait dû dépenser au marché. « Durant, toute l’année, je peux affirmer que nous sommes quelque peu à l’abri du besoin », se targue-t-elle fièrement.
Valoriser à tout prix le moindre lopin de terre
Et depuis quelque temps, ils sont plusieurs familles y compris celles des fonctionnaires moyens visiblement à avoir compris le bien-fondé de posséder des jardins potagers au sein de leurs enclos familiaux. Plus besoin d’ériger de vastes étendues de champs de blé ou de pomme de terre, dorénavant, dans chaque ménage, on trouve ces petits champs étagés. « Manger des pommes de terre avec des légumes avec des carottes et des épinards, en tout cas, je dois reconnaître que c’est tout à fait nouveau pour la plupart d’entre nous », G.H, enseignant à l’Ecofo Muramba II.
Une habitude à laquelle, surtout concède-t-il, il n’aurait jamais pris si la clinique n’avait pas insisté sur le besoin de manger équilibré. Avec un climat propice à la culture, il indique qu’avec, ils songent à la façon de spécialiser dans la culture des cultures maraîchères. « Pourquoi ne pas tenter surtout que leur croissance ne demande même pas trois semaines ? », opine-t-il.
Partout dans la localité, surtout au sein des ménages avec un certain standard de vie, petit à petit la nécessité de rentabiliser les espaces libres autour de leurs maisons est une tendance à la mode. Autre avantage de taille, selon G.H, en plus de manger équilibré, les jardins potagers leur permettent de faire des économies. « Honnêtement, au marché, nous n’y allons qu’acheter du sel, de l’huile ou de la viande. Sinon pour les autres denrées, elles se trouvent à la maison »
Des agricultrices modèles
K.H est une ces femmes ayant compris la nécessité de développer les jardins potagers. A domicile situé à Muyange, tous les espaces libres à l’intérieur de l’enclos familial ont été transformés en jardins potagers où cohabitent plusieurs sortes de légumes. On y trouve des tomates, des amarantes, des épinards, de la betterave, du piment, des choux fleurs et choux brocolis, des aubergines etc.
D’après elle, une idée qui aurait mûri après que des familles de Batwa, faisant la propreté chez elle, lui aient suggéré de rentabiliser cet espace. Bientôt une année qu’elle a commencé, une source de revenus intarissable pour elle. Mais plus que tout, un cadre qui l’a servi de tremplin pour venir en aide à cette catégorie de la population, souvent vulnérables et exposés à la malnutrition.
Comme plus-value : dans la localité d’autres familles commencent à essayer de calquer son modèle. De la colline Murama, en passant Kibuye par Coma, nombreuses sont les familles qui ont compris qu’il est plus qu’il sera difficile de vaincre la malnutrition ou d’être autonome du point de vue de la sécurité alimentaire sans une implication accrue pour développer les jardins potagers. « En fait, l’idée derrière les jardins potagers, c’est de les conscientiser que les farines fortifiées que donne le district sanitaire de Matana, il arrivera des fois qu’elles manquent. Le mieux, c’est de retrousser les manches et subvenir à leurs besoins », indique un agent communautaire.
En plus des jardins potagers hébergeant des légumes de plusieurs sortes, cet agent communautaire fait savoir qu’ils leur apprennent l’importance de planter les arbres fruitiers. Cerise sur le gâteau de bonnes pratiques que commencent à adopter même les familles des Batwa. Souvent objet de discrimination, cet agent se félicite du pas déjà franchi. « Grâce à la sensibilisation, des champs de démonstration ont été développés, et visiblement, ils commencent à adhérer à l’idée surtout que l’entretien des jardins potagers ne demande pas du temps comme cultiver de vastes étendues ».
Malgré les efforts déployés par la clinique Ubuntu pour vaincre, l’agent communautaire souligne l’importance d’être outillé dans le diagnostic. « Outre le fait que le personnel qualifié soit nombre réduit, nous nous ne sommes pas suffisamment outillés pour faire le diagnostic. »
Autre aspect, il déplore les ruptures de stocks du lait thérapeutique, un complément important dans le traitement des enfants de moins de 5 ans. « Aussi, il faut trouver une approche de l’accompagnement après la sortie de l’hôpital, notamment pour les enfants issus des familles nombreuses. Idem pour ceux des Batwa ».
Avec les expériences concluantes, à l’instar de celle de K.H, désormais un seul mot d’ordre : toutes les familles visitées appellent la population encore réticente à développer les jardins potagers de profiter des moments libres au retour du travail pour jardiner. « Surtout que tu es certain de récolter après deux semaines, en plus d’économiser de l’argent », conclut l’agent communautaire.
Cet article a été publié dans le cadre du partenariat avec l’AFJO, avec l’appui de la fondation SEZ.